Une minute après Solange by The Night Circus
Ancienne sélection flamboyanteSummary:


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Solange m'a dit d'écrire, alors j'écris.  

 

 

 

Hors Concours du Korongo Writing Universe 

 

( avec une moitié de Formule 3 haha ) 

 

( c ) image : William Blake 


Categories: Science-Fiction Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges:
Series: Korongo Writing Universe
Chapters: 1 Completed: Oui Word count: 1551 Read: 1806 Published: 18/05/2019 Updated: 20/05/2019

1. Une minute après Solange by The Night Circus

Une minute après Solange by The Night Circus
Author's Notes:

 

Merci les beiges pour l'organisation du concours, même si j'ai fait n'importe quoi haha !

 

Une minute après Solange

 

Solange m’a dit que bientôt, le soleil se lèverait de nouveau, et que je trouverais que le ciel n’était pas simplement bleu. Elle m’a parlé d’azur, d’indigo, de lapis-lazuli, de blanc, d’argent, de gris, de noir et de lumière. Alors j’ai levé les yeux vers le grand dôme de verre qui surplombe l’atrium du Nombril du Monde, et j’ai remarqué toutes ces nuances dont elle parlait pour la première fois, quoi que je n’aie pas compris ce qu’elle entendait par « le soleil se lèvera de nouveau » puisqu’il brillait dans la voûte céleste avec son éclat habituel. Je n’ai pas su si je devais la questionner ou recueillir ses confidences en silence, elle ne m’avait donné aucune instruction, alors je l’ai regardée sans mot dire, indécis. 

 

Comme tout le monde dans la base, je connais le visage de Solange par cœur. Ses yeux verts-dorés qui brillent d’intelligence et de cette compréhension de l’univers qui nous fait tant défaut ; sa petite bouche pourpre qui ne  sourit que lorsqu’elle est confrontée à l’imprévu des animaux et des plantes qu’elle a laissés envahir l’ancien réfectoire et quelques réserves désaffectées, ce visage rond, bruni par les ans, ses joues rouges et fripées qui rappellent un peu les vieilles pommes dorées de la fin de l’été ; ces cheveux blancs, très bouclés, et qu’elle coupe elle-même en fonction des saisons.   

Solange est douce, triste et terriblement seule, alors elle ne sourit pas beaucoup, mais lorsqu’elle le fait quelque chose dans ma poitrine semble se dénouer et l’atmosphère se nimbe de lumière. Elle ne s’est pas déridée alors que je la contemplais en silence ; elle s’est contentée de replacer une mèche de cheveux fous derrière mon oreille, avec une infinie douceur.  J’ai remarqué plusieurs fois ces gestes presque tendres qu’elle me réservait plus souvent qu’aux autres ; et alors qu’une petite grimace déformait ses traits et que sa main se crispait sur son abdomen, je me demandais si ce que j’étais autrefois lui manquait. 

 

Comme tout humain, à l’exception de Solange, je suis dénué d’esprit, presque aveugle ; je ne vois que ce qu’elle me montre, vierge d’émotion, de curiosité ou de nuances. Ainsi pour moi le ciel était un monochrome de bleu avant qu’elle ne me le décortique. La tendresse n’existait pas avant qu’elle ne m’en parle, et maintenant encore je ne suis pas certain de bien la comprendre. 

 

Solange a levé les yeux en soupirant et de ses lèvres sont tombés quelques mots : elle se demandait comment le monde se souviendrait d’elle. Alors un nuage sembla voiler l’atrium, quand bien même le soleil brillait avec le même éclat qu’auparavant. Ce type de trouble de la vision m’était de plus en plus fréquents, de même que les questions dont l’idée ne venait que de moi: j’en avais posé cinq dans la semaine, soit cinq de plus que tout le reste de ma vie. D’étranges impulsions frémissaient parfois aussi à la surface de mon corps et de mon esprit avant de disparaître, comme des monstres marins troublant quelques secondes le miroir d’un lac avant de s’engloutir de nouveau dans d’inscrutables abysses. Elle m’a suggéré d’écrire son histoire, que je connais mieux que quiconque, puis elle a posé sa tête sur mon épaule et mes bras l’ont enlacée ; ils semblaient n’obéir ni à son vouloir ni à moi, si tant est que j’existe, puisque je ne réfléchis pas.  C’est d’ailleurs la première question que j’ai posée à Solange, peu après le malaise qui a failli nous l’arracher vendredi dernier : est-ce que j’étais puisque je ne pensais pas ? Elle retenu son souffle, ses yeux se sont écarquillés, et dans un murmure tremblant elle a répondu qu’elle n’en doutait pas. Une drôle de flamme s’est allumée dans ses iris et  ne s’est pas éteinte depuis.     

 

Donc, j’écris, comme elle me l’a demandé. Nous sommes restés longtemps ainsi sous le grand dôme de l’atrium, jusqu’à ce que le soleil se couche. Je crois que c’était paisible. En un sens, je suis toujours paisible. Les passions qui déchiraient les hommes autrefois n’existent plus aujourd’hui que dans les livres et les films que plus grand monde ne lit ou ne regarde, à moins que Solange ne nous y encourage. 

C’est une sensation bizarre d’écrire par moi-même, sans sa dictée. J’ai quelques notions de littérature, Solange m’a souvent mit d’autorité des classiques entre les mains, mais je ne comprends pas le beau, et je n’ai pas de style propre ; je singe ce que j’ai lu. L’exercice m’est difficile parce que je ne sais pas comment écrire, par où commencer, ce qui est intéressant et ce qui ne l’est pas ; je n’ai pas d’initiative, alors j’écris très lentement, sans savoir ou je vais. 

 

Solange, moi et les autres vivons dans le Nombril du Monde, une base scientifique en partie envahie par les myosotis et les papillons depuis plus de trente ans.

Avant le Reboot, la base était blanche, lumineuse, propre. Elle avait été bâtie sur une île à la végétation lourde et luxuriante qui la dissimulait entièrement des bateaux qui la longeait ou des avions qui la survolaient. Solange travaillait au sein d’une unité qui, de ses propres dires, jouait avec le feu : nous élaborions deux instruments : le premier imposerait le vouloir de celui qui le manipulerait à autrui, le second empêcherait le premier de le faire.  Des machines semblables à la première avaient commencé à faire surface dans d’autres pays, et nos ministres se targuaient de vouloir trouver un moyen de contrecarrer cette arme terrible ; Solange, scientifique et objectrice de conscience, avait été engagée pour veiller à la moralité de l’équipe en charge du projet. C’est là que nous nous sommes rencontrés.

 

Et puis tout a basculé.

 

Dan Claymor, un pourri au sein d’un gouvernement pourri, avait poussé le pays au bord de la guerre civile, et il clamait, afin de pouvoir l’utiliser, que l’Inhibiteur était le seul moyen d’éviter un massacre aux proportions bibliques. Bien sûr, il s’était octroyé, en tant qu’élu, la « lourde tâche » de presser le bouton de l’appareil et d’imposer sa volonté aux autres. Le second appareil, celui qui protégeait l’esprit des ondes du premier, n’était pas encore au point, et Solange avait vrillé. La perspective de voir un tel pouvoir entre les mains de Claymor l’horrifiait, mais le massacre annoncé, lui, avait commencé, alors elle avait fait la seule chose qu’elle pouvait faire pour empêcher à la fois des millions de morts et un Claymor à la volonté toute puissante.     

 

Ça a été le jour du Reboot.

 

Elle l’a baptisé le Reboot parce que Claymor avait à notre insu fait régler l’appareil sur une fréquence beaucoup plus grande, qui englobait la planète entière, et le monde a changé en un claquement de doigts.

 

Tout est devenu plus simple, plus limpide. Les nuances et les complications se sont effacées ; seule la vérité et le vouloir de Solange existaient. Mais elle n’a pas pu inverser le processus. Pourtant elle a essayé, pendant plus de vingt ans ; l’anti-inhibiteur ne fonctionnait pas encore et, entourée de scientifiques sans idées, sans volonté, sans désir, elle n’a pas pu le mettre au point.

L’inhibiteur n’aurait pas dû fonctionner aussi bien, aussi longtemps, aussi absolument. C’est ce qui arrive quand on joue avec le feu, a soufflé Solange le jour où elle a abandonné. 

 

Je l’ai vue s’effondrer. Elle a beaucoup pleuré, beaucoup crié.  Elle est seule, triste, et tétanisée par son propre pouvoir sur la planète. Elle a soufflé à l’esprit du monde de continuer « comme d’habitude » : nous mangeons, nous dormons, nous travaillons de façon automatique, mais sans désir et sans amour, et plus aucun bébé n’est venu au monde depuis le Reboot. Solange refuse de forcer les gens à s’aimer, disant qu’elle ne violera pas leur corps en plus de leurs esprits.  Plus rien n’a été créé, plus rien n’a été inventé ; les musées sont fermés parce que nous ne les comprenons plus ; les bibliothèques prennent la poussière, les temples de désagrègent. Lorsque les plantes ont commencé a envahir le Nombril du Monde ( c’est ainsi que Solange a rebaptisé notre base, l’épicentre du Reboot ) elle nous a dit  de laisser faire. « Si l’humanité est en pause, autant que la Planète en profite ». 

 

Je crois qu’elle aime voir la nature exploser et tout recouvrir ; les animaux et les plantes sont imprévisibles, a l’inverse de nous.

 

Je crois. Je suppose. J'ai la drôle d'impression que je me réveille.

 

C’est étrange comme sensation. J’ai eu plusieurs frissons, très doucement.  Je pense que si mon esprit s’aiguise c’est parce que celui de Solange faiblit. Ou plutôt, son corps. Je suis en train de réaliser que ma première question en trente ans m’est apparue lorsque Solange a fait son malaise, et que c’est forcément lié, et qu'elle a décidé de ne pas soigner l'infection lorsqu'elle m'a entendu lui demander quelque chose qui ne venait que de moi.

 

Nouveau frisson, et pourtant, il fait chaud. Le parfum des fleurs est entêtant, ce que je n’avais jamais remarqué avant.

 

J’entends des bruits dans le reste de la base, des voix qui questionnent. Le monde me semble petit à petit plus grand, plus terrifiant, plus excitant, et pour la première fois en plus de trois décennies, je ressens...

 

De la peur ? Mon dieu, Solange...

 

End Notes:

J'espère que ça vous aura plus malgré le côté rushed et bâclé !

Cette histoire est archivée sur http://www.le-heron.com/fr/viewstory.php?sid=1876