Summary:
Montage sur canva par Super-Dreamer à partir d'une image libre de droits (de Tyler Mcrobert sur Unsplah)
Liz Hope est une super-héroïne qui a sauvé la Terre d’un super-vilain et éviter à l’humanité une fuite dans l’espace. Ah non, ce n’est pas dans cette histoire-ci. Ici, l’humanité a déjà fuit dans l’espace et Liz ne sauve pas la Terre. Mais ce n’est pas grave, c’est quand même une super-héroïne. Et elle aime bien les moutons même si ça n’a rien à voir.
Participation au concours Super-hérons des Super-Beiges
Categories: Aventure,
Science-Fiction,
Amitié/Famille Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Aucun
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 5
Completed: Oui
Word count: 20064
Read: 14731
Published: 12/02/2021
Updated: 12/02/2021
Story Notes:
Bonjour !
Je suis hyper-contente d'avoir écrit ce texte (et en très peu de temps en plus). Merci aux Beiges pour l'organisation du concours.
Et puis je dédie mon texte à Flöckchen, un de mes Pokémon sans qui il y aurait eu des morts et à Mary qui m’a encouragée sans limite.
Disclaimer : Je suis désolée si le texte offense quelqu'un, si je ne me suis pas suffisamment renseignée, etc.
Bonne lecture !
Chapitre 1 by Carminny
Journal de bord de Liz Hope du mardi 6 décembre 2112.
Nous sommes de retour à proximité de la Terre. Elle porte bien son nom de planète bleue ! Aujourd'hui plus que jamais la surface que nous avons entraperçue était couverte d'eau. D'eau salée d'après les analystes qui ont passé quasiment toute la journée à regarder notre ancienne planète. Je crois que les plus vieux d'entre eux aimeraient tenter d'y retourner et j'avoue que je suis curieuse de voir où les hommes vivaient avant qu'ils partent à la découverte de l'univers à bord de nos mugs... Est-ce que la vie était-elle différente ? Comment respiraient-ils sans la serre génératrice d'oxygène ? De quoi se nourrissaient-ils s'il n'y avait pas de synthétiseur ? Que faisaient-ils de leur journée puisqu'ils ne parcouraient pas encore l'espace à la recherche d'on-ne-sait-plus-quoi ? Que cherchons-nous d'ailleurs ? Une autre planète habitée ? Une autre espèce en errance ? Je ne le sais pas et l'instructeur de T, le mug que j'habite, ne le sait pas non plus. Nous n'étions pas encore nés lorsque les humains sont partis...
- Liz ! Tu rêvasses encore en remplissant ton journal ?
Soupirant, la jeune femme ferma l'onglet Journal de bord de sa montre et se leva pour rejoindre son meilleur ami. Il l'attendait devant son miroir, passant et repassant la main sur ses longs cheveux blonds et lisses.
– Tu veux quoi ? maugréa Liz. Tu n'aurais pas pu embêter un de tes nouveaux collègues ?
François Xavier venait d'être diplômé du cursus de gardien du mug et avait pris poste la semaine dernière. Avec sa grande stature et son impressionnante musculature, il aurait facilement pu accompagner ses collègues à l'entraînement de parade qui avait lieu chaque mardi soir. Ignorant complètement sa remarque, son ami lui adressa un sourire éblouissant.
– J'ai entendu quelque chose qui pourrait t'intéresser, pendant ma ronde ce midi.
Liz leva un sourcil. De son expérience, les sujets de discussion de ses collègues étaient plutôt restreints : les techniques de combat et les filles.
– Apparemment, dans quelques jours, on va rencontrer le mug Schoclacho. Ils ont déjà établi le contact en communication et, à partir de vendredi ou samedi, on va faire une semaine côte à côte. N'est-ce pas fantastique ?
La jeune femme devait avouer que la nouvelle était excellente. Mais elle s'était déjà doutée qu'ils ne pouvaient pas être les seuls à avoir mis cap sur la Terre dès que le délai de non-approche était écoulé. C'était évident que quarante-deux ans après la Grande Fuite, tous les anciens habitants voulaient retourner au plus près de leur planète d'origine. Elle hocha lentement la tête. Tout le monde était content quand ils pouvaient rencontrer d’autres personnes que la bonne centaine de leur mug.
– J’espère que les filles de Schoclacho valent le coup, fit François avec un sourire taquin. Si j’ai bien écouté les rumeurs, elles seraient particulièrement belles grâce à une teinte de peau particulièrement chaude.
Liz envoya un coup de poing contre son ami. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre ! Les lois du mug était pourtant claires : pas de commentaires discriminants ou hautains envers qui que ce soit. Malheureusement quasiment personne ne s’y tenait et certainement pas les gardes eux-mêmes.
– Ne parle pas des femmes comme ça, grogna-t-elle. Tu veux te faire arrêter par tes propres collègues pour machisme ?
– Oh, arrête, je ne disais pas ça contre toi. Tu sais très bien que tu es la plus belle à mes yeux.
La jeune femme émit un petit rire. Elle savait au contraire exactement qu’elle n’était vraiment pas belle à regarder et ce n’était pas gentil de le lui rappeler, surtout que François était un des plus beaux hommes du mug – il avait même gagné le concours du beau gosse l’année passée. Son regard croisa son reflet dans le miroir. Petite, maigre et pâle, elle faisait bien mauvaise figure à côté de son ami. Ses yeux gris fumée et ses joues creuses lui donnaient des airs de mort-vivant dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. La seule chose qu’elle aimait à son physique était ses boucles d’un roux sombre qu’elle avait été obligée de couper au niveau des épaules quelques semaines plus tôt.
– Mais non, ne te complexe pas, essaya de la rassurer le jeune homme en faisant inconsciemment jouer son sourire éclatant qui montrait des dents parfaitement alignées.
L’alarme de sa montre sauva Liz de sa contemplation triste dans le miroir. Le dring persistant transperça l’air et fit sursauter François. La jeune femme éteignit l’alarme d’un geste routinier et retourna vers sa table pour récupérer le câble de chargement de sa montre ainsi que son stylo à impulsion préféré. Elle n’avait aucune envie d’aller à son rendez-vous.
– Tu ne voudrais pas changer le son ? Tu peux avoir tellement de mélodies et tu as choisi cette horreur stridente ?
Liz haussa les épaules. Franchement, le son était parfait pour cette alarme. Il était tout aussi désagréable que les séances de dialyse qu'il annonçait. François ne pouvait pas se l’imaginer parce qu’il n’était pas affecté. Affecté par cette étrange maladie de l’espace qui prenait une forme différente chez chaque personne qu’elle touchait. On ne savait pas combien de malades il y avait réellement. Certains semblaient seulement avoir un rhume infini, certains avaient continuellement le souffle court, certains des tumeurs qui se déclaraient trop rapidement pour que l’on puisse les sauver… Au final, elle ne s’en tirait pas si mal que cela. Il n’empêche qu’elle aurait aimé être en bonne santé.
– Tu vas où ? Je voulais t’inviter au cinéma. Ils passent le tout premier Superman, tu te rends compte ?!
– On est mardi, commenta Liz simplement. Tu n’as qu’à y aller avec Polly.
Elle ferma la porte de la chambre qui lui était attribuée grâce au lecteur oculaire, puis emprunta les couloirs qui menaient à l’hôpital du mug T. François la suivit comme le petit chien qu’il aurait pu être, tandis qu’elle ralentissait déjà le pas. Comment les gardes pouvaient-ils faire des exercices toute la journée ? Cela la dépassait complètement.
– Polly a accepté l’invitation de Dan, tu le sais bien. Elle était tellement contente qu’elle te l’a raconté durant trois dîners de suite. Allez, tu es ma seule chance de ne pas me couvrir de ridicule devant tout le cinéma !
S’arrêtant pour tenter de reprendre en main sa nausée, Liz fixa son ami. Il était complètement stupide, tout le monde savait qu’ils n’étaient qu’amis et que cela resterait comme cela pour l’éternité. Leur relation ne possédait pas la moindre ambiguïté puisqu’ils se connaissaient depuis qu’ils avaient l’âge de reconnaître un autre enfant et que si François aimait enchaîner les conquêtes, elle ne comptait jamais sortir avec qui que ce soit. Hors de question d’impliquer quelqu’un dans son quotidien complexe et organisé.
– Tu ne te sens pas bien ? s’inquiéta soudainement le jeune homme. Tu ne vas quand même pas vomir sur mes nouveaux habits ?!
Liz réprimanda un haut-le-cœur en entendant le mot maudit puis s’empressa de reprendre le chemin à travers le dédale de couloirs. Plus qu’un virage et puis l’escalier. Pourquoi François était-il capable de marcher aussi rapidement et aussi droitement ? C’était tellement injuste. Et ce n’était pas du tout drôle qu’il la soulève comme si elle ne pesait rien.
– Repose-moi, protesta-t-elle avant de plaquer ses mains devant sa bouche dans l’espoir de ne pas vomir.
L’ignorant, François enjamba les marches avec quelques grands pas et poussa la porte derrière laquelle s’éleva l’odeur de désinfectant et de produits de nettoyage propre à l’hôpital. Mario était toujours à l’accueil et leur fit signe de passer directement dans la pièce que Liz supposait quasiment réservée à elle. Héloïse, une des infirmières du mug, l’accueillit avec un petit ton d’inquiétude. Liz se sentait épuisée, aussi elle se laissa guider sur le lit et brancher à l’appareil. Elle savait bien qu’il ne fallait pas s’attendre à une amélioration soudaine. Le filtrage était lent et se débarrasser de toutes les toxines dans le sang prendrait bien quatre ou cinq heures. Des heures durant lesquelles elle continuerait à se sentir nauséeuse.
– On dirait que la dernière dialyse n’a eu aucun effet, constata Héloïse. L’analyse là donne une quantité incroyable de toxines. Comme si elles s’étaient accumulées. Mais c’est absurde, je le sais bien, puisque je m’en suis occupée dimanche aussi.
Liz haussa les épaules, lasse. Elle ne se souvenait pas de s’être déjà sentie aussi mal – à part lors des échecs des greffes. Les médecins et infirmières du mug avaient toujours fait attention qu’elle ait rendez-vous tous les deux jours. Elle n’avait jamais beaucoup souffert de son insuffisance rénale puisque toutes les mesures étaient prises pour la compenser. C’était gênant, elle détestait sa dépendance d’une machine et la quantité de pilules à avaler, mais elle pouvait vivre quasi normalement. Enfin, là aussi elle ne souffrait pas réellement, elle n’avait aucune douleur réelle, mais c’était plus un dégoût d’elle-même qui lui donnait envie de s’enfuir de son corps.
Soudainement, la sensation tant souhaitée se présenta. Elle devenait légère comme une plume et se sentait bien, en bonne santé. Jetant des regards étonnés autour d’elle, elle constata qu’elle flottait tellement près du plafond qu’elle aurait pu le toucher. Elle se voyait elle-même, pâle et maladive, allongée dans le lit. Etrange que cette impression d’être sans attache. Elle se sentit si légère, si libre ! Comme si elle pouvait aller où bon lui semblait sans avoir à se soucier d’un agenda précis ou de l’existence de murs. Par curiosité, la jeune femme tendit la main pour toucher le plafond et étira ses lèvres en un sourire satisfait lorsqu’elle passa à travers sans rencontrer de résistance. C’était génial !
Vérifiant d’un regard que son corps allait bien – la tranquillité d’Héloïse et de François était un bon indicateur –, elle décida de faire un petit tour puisqu’elle ne pouvait pas être certaine d’avoir la chance de répéter cet exercice. Autant en profiter. Discrète comme un courant de vent, elle passa dans la chambre au-dessus. Elle savait qu’elle faisait encore partie de l’hôpital même si rien de cette chambre aux draps colorés et aux plantes décoratives ne traduisait cet état. Elle savait même qui y vivait. Karen Miller était une vieille femme à la peau ridée et aux cheveux fins qui souriait toujours à ses visiteurs et qui avait décidé de ne pas se laisser abattre par le destin qui semblait s’acharner. Elle était une des personnes les plus âgées de tous les mugs, l’espace n’étant apparemment pas favorable à un âge avancé chez les humains.
Mais surtout, Karen était la première personne connue à avoir été atteinte de la maladie de l’espace. Liz lui avait souvent parlé et avait lu toutes les notes qu’elle avait pu trouver. Personne ne savait pourquoi des personnes aléatoires tombaient malades et encore moins pourquoi la plupart en mourait alors que d’autres souvent plus gravement atteints vivaient. Dans les archives du mug T – les seules auxquelles elle avait accès puisque la communication entre les différents mugs était impossible à l’exception de rares coïncidences comme cette semaine –, elle avait relevé une quinzaine de cas éparpillés avec irrégularité sur les quarante dernières années. Etablir le lien entre les différents symptômes n’avait pas été facile puisque chacun en avait des différents. Le point commun était l’apparition soudaine et inexpliquée. Selon les documents, seules cinq personnes avaient survécu plus que deux mois à ce qui fut simplement nommé la maladie de l’espace car n’étant apparue qu’après la Grande Fuite. Personne ne pouvait expliquer d’où elle venait et même le mug K-Fée plus porté sur la médecine et la recherche scientifique n’avait pu qu’observer l’étrange phénomène sans le comprendre.
Il n’empêchait que Karen vivait avec une toux chronique qui menaçait régulièrement de lui faire cracher les poumons – du moins c’était l’impression qu’elle donnait – depuis près de quarante ans et que ni ses enfants ni ses petits-enfants n’avaient montré la moindre prédisposition pour cette maladie. Le caractère génétique avait donc été considéré comme improbable par les chercheurs. De plus, l’ancienne ingénieure n’avait jamais eu ce genre de problèmes avant la Grande Fuite et ne les avait acquis qu’à plus de trente ans. Liz ne pouvait que se sentir jalouse de ce dernier fait, elle qui avait été atteinte dès ses six ans – aussi longtemps qu’elle se rappelait...
Elle voulut traverser la pièce sans s’attarder davantage quand elle entendit Karen se plier de toux dans son lit. C’était étrange qu’elle soit là et non en train de conseiller une équipe d’ingénieurs ou de techniciens qui n’avait rien demandé. Visiblement, son état avait empiré depuis la semaine dernière…
– Ça va, Karen ? s’enquit-elle en s’approchant.
C’était exceptionnel, cette façon de se déplacer par la pensée sans aucun effort. Elle pourrait s’y habituer. Mais au fond d’elle voir Karen dans cet état l’inquiétait pour son propre corps. N’était-ce pas un très mauvais signe quand l’esprit se détachait de son enveloppe charnelle ? Elle ne voulait pas mourir malgré tout. Personne ne savait si ce qu’il y avait après n’était pas encore pire.
– Liz ? Karen se redressa douloureusement. Comment tu es là ?
La jeune femme regarda ses mains et les voyait translucides. C’était ainsi que Karen devait aussi la voir alors que François et Héloïse n’avaient rien remarqué. Pouvait-elle se rendre visible et invisible selon son souhait ? Si ça se trouvait, elle pouvait même bouger des objets de cette manière… Elle n’avait entendu qu’une seule rumeur qui présentait ses caractéristiques – à part les fantômes mais elle était assez sûre qu’elle n’était pas morte – et même cela n’était pas scientifiquement prouvé être possible…
– Projection astrale apparemment, lâcha-t-elle.
La vieille femme face à elle semblait radieuse comme si elle venait de découvrir quelque chose d’exceptionnel. Liz la regardait sceptique. Karen s’emballait souvent pour un rien. Elle fut secouée par une terrible toux mais se redressa rapidement pour exposer son idée d’une voix rauque.
– On s’approche de la Terre, non ? Et si on avait reçu des super-pouvoirs pour la sauver ?! Ce serait super, non ?
C’était décidé, Karen était devenue complètement sénile. Des super-pouvoirs ? Elles ? Non, les super-pouvoirs n’auraient certainement pas été donnés aux personnes les plus faibles de tout le mug. Chaque garde avec leurs entraînements physiques et chaque technicien avec leurs connaissances incroyables avait sa dose de super-pouvoirs. Mais elles ? Une vieille ingénieure à la toux chronique et une jeune archiviste en formation sans reins ? C’était une idée complètement stupide. Son opinion devait se lire sur son visage puisque son interlocutrice eut un sourire jusqu’aux oreilles.
– Promets-moi que si cela arrivait, tu viendrais te battre avec moi.
Liz se retint de lever les yeux au ciel. C’était complètement absurde. De toute façon, elle ne risquait pas de réussir à battre qui que ce soit avec sa faiblesse plus qu’évidente. D’ailleurs, c’était aussi le cas pour Karen… Cela dit, elle pouvait difficilement refuser une promesse en l’air à une amie presque mourante, non ? Elle haussa donc les épaules.
– Promis. Si tu as un super-pouvoir et que tu vas te battre pour sauver la Terre, je t’accompagnerais.
C’était une promesse assez facile à donner, non ? Les super-pouvoirs n’existaient pas et plus personne ne pouvait sauver la Terre sans quoi ils ne l’auraient pas quittée de manière aussi définitive qu’hâtive… Que pouvait-il bien s’y être passé ? Les archives se taisaient autant que possible et il n’y avait que peu de différences avec la vie précédente sur Terre décrite dans les rares livres, films et thèses amenés avec les fuyants.
Le mug T avait décollé depuis Bâle. C’était le premier à être parti, emmenant seulement cent-vingt personnes. Elle pouvait être bien heureuse que ses parents aient été pris à bord. De ce qu’elle savait, son père avait été l’un des ingénieurs en charge de la construction du mug et sa mère une médecin formée pour accompagner des astronautes revenant de l’espace. Ils avaient été bien placés pour entreprendre le voyage, mieux, ils avaient été indispensables. Liz ne voulait pas réfléchir sur les possibles critères selon lesquels les voyageurs avaient été choisis. La plupart était des techniciens ou des ingénieurs ou même des chercheurs en astrophysique qui avaient eu les relations et les compétences pour partir dès que la situation se gâtait. Enfin, les personnes qui avaient complété l’équipage étaient de la famille des physiciens. C’était injuste mais elle ne pouvait plus rien y changer. Il n’empêche qu’elle appréhendait le retour vers la Terre depuis qu’elle avait lu cela. Et s’ils avaient abandonné des humains et qu’ils voulaient se venger ?
Quarante-deux ans, ce n’était rien. Apparemment les humains avaient une espérance de vie de presque quatre-vingt ans dans la région nommée Europe avant la Grande Fuite. Quelle blague étaient alors les cinquante ans moyens qu’ils vivaient dans les mugs ! Sur Terre il y aurait encore énormément de témoins de ce qui s’était passé juste avant le départ, alors que chez eux, il n’y avait plus que quatre ou cinq personnes présentes lors du départ. Et encore, elle comptait les enfants emmenés par leurs parents. Ils pouvaient essayer de recréer les conditions de vie de la planète aussi bien que possible, ce n’était pas la même chose. Une telle planète ne s’abandonnait pas sans raison valable.
– Regarde la Terre et retourne vite dans ton corps, souffla Karen avant d’être secouée par une nouvelle quinte de toux.
Liz hocha lentement la tête. Il ne servait à rien de discuter avec Karen quand on n’avait pas de preuves contre sa théorie. De toute façon, elle se sentait fatiguée, différemment de la plupart du temps, mais comme si elle ne pouvait pas rester beaucoup plus longtemps sous cette forme. Elle ne savait pas pourquoi la vieille femme voulait qu’elle regarde la Terre mais ce n’était pas tous les jours qu’elle avait l’occasion d’entrer dans la salle de contrôle avec les écrans d’observation de l’espace autour d’eux.
– Essaie de survivre si tu veux sauver la Terre, lâcha-t-elle un peu à contrecœur parce qu’elle n’avait pas envie de laisser Karen seule dans cet état.
– Certainement, je veux revoir le soleil dans le ciel bleu. Je veux ressentir la pluie sur mes bras et le vent dans mes cheveux. Je veux entendre les oiseaux gazouiller et sentir l’odeur de la terre après la pluie. Je veux voir un arc-en-ciel et les sommets des montagnes couverts de neige au loin. Je veux pouvoir marcher sur des feuilles mortes et rentrer les mains glacées. Je veux…
Liz en avait plus conscience que la plupart des autres habitants du mug. Elle avait lu quasiment l’entièreté des archives sur la Terre. Elle savait que là-bas, le ciel était en haut et pas tout autour, elle savait qu’il était bleu et que c’était pour cela que le plafond de la salle de réunion et de la cantine était de cette couleur.
Après un dernier regard vers Karen, elle se propulsa vers la salle de contrôle qui se trouvait quasiment à l’autre bout du mug. C’était une grande pièce remplie de la technologie de pointe d’il y a quarante ans et améliorée au fur et à mesure de leur périple. Les écrans géants réfléchissaient l’image de la Terre qui avait été montrée dans le réfectoire pendant la pause déjeuner. Fascinée, Liz s’approcha d’un appui imaginaire de ses pieds.
La planète bleue était tellement belle ! Ronde, d’un bleu profond et entourée de volutes de nuages blancs. Elle eut envie de la prendre et de la serrer contre elle. Était-ce un reste de tendresse qu’éprouvaient les hommes exilés pour leur pays d’origine ? Pouvait-elle en être contaminée sans jamais avoir foulé le sol de la Terre, sans avoir respiré son air, sans l’avoir accompagnée dans sa rotation ? Se pouvait-il que l’attachement à la Terre ait été ancré dans chaque humain sans qu’il ne puisse y faire quelque chose ? Au fond d’elle, Liz doutait de cette interprétation et pourtant voir la Terre s’agrandir doucement lui réchauffait le cœur.
– Etonnant, fit un homme en blouse blanche qui était penché sur l’ordinateur le plus proche. Il y a des traces d’une activité inattendue…
– Comment ça ? Montre voir. Oh. Vous croyez que… ?
Un groupe de personnes l’entoura rapidement et Liz avait beau n’être qu’un esprit, elle ne réussit pas à traverser la foule pour jeter un regard sur leur centre d’intérêt. Elle tendit le cou, essayait de le faire s’allonger et passa finalement entre les jambes des scientifiques. Un graphique représentant une courbe était tracé, évoluant lentement en temps réel. Que représentait-il ?
Un poids soudain lui fit réintégrer son corps brutalement. Surprise de retrouver son enveloppe lourde et endolorie, Liz lâcha une petite exclamation. Attrapant de l’air, elle constata que le coup qui l’avait empêché de voir ce qui se passait venait de la tête de François qui s’était endormi à côté d’elle et avait basculé.
– Quoi ?! Qu’est-ce qui se passe ? balbutia le jeune homme en sursautant.
– Tu devrais faire attention à ton amie, François, le rabroua Héloïse. Elle n’est pas un coussin.
Quelle étrange sensation que de se retrouver coincée dans un corps après avoir goûté à la liberté. Elle sentait des muscles douloureux dont elle ne savait même pas qu’ils existaient. Son bras gauche la démangeait affreusement et elle se retint juste à temps avant de se gratter. Pourquoi ne pouvait-elle pas rester dans son absence de corps comme en voyage astral ? Non, pas besoin de répondre, elle savait très bien que ce n’était physiquement pas possible parce qu’il ne fallait pas séparer corps et esprit sans risquer la mort. N’était-ce pas dangereux de le refaire alors ? Et d’ailleurs comment avait-ce pu fonctionner ? Comment avait-elle réussi cet exploit ? C’était impossible mais ce serait super si elle pouvait le refaire.
– Bon, interrompit son ami ses réflexions en tapant dans les mains. On fait un jeu ou on regarde un film ? Maintenant que tu as choisi l’endroit de notre sortie, faut que tu me proposes quelque chose au lieu de faire la sieste !
Liz souleva les sourcils dans une expression sceptique. A quel moment l’avait-elle invité à l’accompagner ? François n’avait d’ailleurs pas attendu de réponse avant de se mettre à la recherche d’un film sur sa montre. Soupirant, la jeune femme se cala contre son coussin et se prépara à la pire des propositions.
– Je sais ! s’exclama François. Qu’est-ce que tu penses du premier Superman ?!
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