Summary:
Montage sur canva par Super-Dreamer à partir d'une image libre de droits (de Tyler Mcrobert sur Unsplah)
Liz Hope est une super-héroïne qui a sauvé la Terre d’un super-vilain et éviter à l’humanité une fuite dans l’espace. Ah non, ce n’est pas dans cette histoire-ci. Ici, l’humanité a déjà fuit dans l’espace et Liz ne sauve pas la Terre. Mais ce n’est pas grave, c’est quand même une super-héroïne. Et elle aime bien les moutons même si ça n’a rien à voir.
Participation au concours Super-hérons des Super-Beiges
Categories: Aventure,
Science-Fiction,
Amitié/Famille Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Aucun
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 5
Completed: Oui
Word count: 20064
Read: 14729
Published: 12/02/2021
Updated: 12/02/2021
Story Notes:
Bonjour !
Je suis hyper-contente d'avoir écrit ce texte (et en très peu de temps en plus). Merci aux Beiges pour l'organisation du concours.
Et puis je dédie mon texte à Flöckchen, un de mes Pokémon sans qui il y aurait eu des morts et à Mary qui m’a encouragée sans limite.
Disclaimer : Je suis désolée si le texte offense quelqu'un, si je ne me suis pas suffisamment renseignée, etc.
Bonne lecture !
1. Chapitre 1 by Carminny
2. Chapitre 2 by Carminny
3. Chapitre 3 by Carminny
4. Chapitre 4 by Carminny
5. Chapitre 5 by Carminny
Journal de bord de Liz Hope du mardi 6 décembre 2112.
Nous sommes de retour à proximité de la Terre. Elle porte bien son nom de planète bleue ! Aujourd'hui plus que jamais la surface que nous avons entraperçue était couverte d'eau. D'eau salée d'après les analystes qui ont passé quasiment toute la journée à regarder notre ancienne planète. Je crois que les plus vieux d'entre eux aimeraient tenter d'y retourner et j'avoue que je suis curieuse de voir où les hommes vivaient avant qu'ils partent à la découverte de l'univers à bord de nos mugs... Est-ce que la vie était-elle différente ? Comment respiraient-ils sans la serre génératrice d'oxygène ? De quoi se nourrissaient-ils s'il n'y avait pas de synthétiseur ? Que faisaient-ils de leur journée puisqu'ils ne parcouraient pas encore l'espace à la recherche d'on-ne-sait-plus-quoi ? Que cherchons-nous d'ailleurs ? Une autre planète habitée ? Une autre espèce en errance ? Je ne le sais pas et l'instructeur de T, le mug que j'habite, ne le sait pas non plus. Nous n'étions pas encore nés lorsque les humains sont partis...
- Liz ! Tu rêvasses encore en remplissant ton journal ?
Soupirant, la jeune femme ferma l'onglet Journal de bord de sa montre et se leva pour rejoindre son meilleur ami. Il l'attendait devant son miroir, passant et repassant la main sur ses longs cheveux blonds et lisses.
– Tu veux quoi ? maugréa Liz. Tu n'aurais pas pu embêter un de tes nouveaux collègues ?
François Xavier venait d'être diplômé du cursus de gardien du mug et avait pris poste la semaine dernière. Avec sa grande stature et son impressionnante musculature, il aurait facilement pu accompagner ses collègues à l'entraînement de parade qui avait lieu chaque mardi soir. Ignorant complètement sa remarque, son ami lui adressa un sourire éblouissant.
– J'ai entendu quelque chose qui pourrait t'intéresser, pendant ma ronde ce midi.
Liz leva un sourcil. De son expérience, les sujets de discussion de ses collègues étaient plutôt restreints : les techniques de combat et les filles.
– Apparemment, dans quelques jours, on va rencontrer le mug Schoclacho. Ils ont déjà établi le contact en communication et, à partir de vendredi ou samedi, on va faire une semaine côte à côte. N'est-ce pas fantastique ?
La jeune femme devait avouer que la nouvelle était excellente. Mais elle s'était déjà doutée qu'ils ne pouvaient pas être les seuls à avoir mis cap sur la Terre dès que le délai de non-approche était écoulé. C'était évident que quarante-deux ans après la Grande Fuite, tous les anciens habitants voulaient retourner au plus près de leur planète d'origine. Elle hocha lentement la tête. Tout le monde était content quand ils pouvaient rencontrer d’autres personnes que la bonne centaine de leur mug.
– J’espère que les filles de Schoclacho valent le coup, fit François avec un sourire taquin. Si j’ai bien écouté les rumeurs, elles seraient particulièrement belles grâce à une teinte de peau particulièrement chaude.
Liz envoya un coup de poing contre son ami. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre ! Les lois du mug était pourtant claires : pas de commentaires discriminants ou hautains envers qui que ce soit. Malheureusement quasiment personne ne s’y tenait et certainement pas les gardes eux-mêmes.
– Ne parle pas des femmes comme ça, grogna-t-elle. Tu veux te faire arrêter par tes propres collègues pour machisme ?
– Oh, arrête, je ne disais pas ça contre toi. Tu sais très bien que tu es la plus belle à mes yeux.
La jeune femme émit un petit rire. Elle savait au contraire exactement qu’elle n’était vraiment pas belle à regarder et ce n’était pas gentil de le lui rappeler, surtout que François était un des plus beaux hommes du mug – il avait même gagné le concours du beau gosse l’année passée. Son regard croisa son reflet dans le miroir. Petite, maigre et pâle, elle faisait bien mauvaise figure à côté de son ami. Ses yeux gris fumée et ses joues creuses lui donnaient des airs de mort-vivant dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. La seule chose qu’elle aimait à son physique était ses boucles d’un roux sombre qu’elle avait été obligée de couper au niveau des épaules quelques semaines plus tôt.
– Mais non, ne te complexe pas, essaya de la rassurer le jeune homme en faisant inconsciemment jouer son sourire éclatant qui montrait des dents parfaitement alignées.
L’alarme de sa montre sauva Liz de sa contemplation triste dans le miroir. Le dring persistant transperça l’air et fit sursauter François. La jeune femme éteignit l’alarme d’un geste routinier et retourna vers sa table pour récupérer le câble de chargement de sa montre ainsi que son stylo à impulsion préféré. Elle n’avait aucune envie d’aller à son rendez-vous.
– Tu ne voudrais pas changer le son ? Tu peux avoir tellement de mélodies et tu as choisi cette horreur stridente ?
Liz haussa les épaules. Franchement, le son était parfait pour cette alarme. Il était tout aussi désagréable que les séances de dialyse qu'il annonçait. François ne pouvait pas se l’imaginer parce qu’il n’était pas affecté. Affecté par cette étrange maladie de l’espace qui prenait une forme différente chez chaque personne qu’elle touchait. On ne savait pas combien de malades il y avait réellement. Certains semblaient seulement avoir un rhume infini, certains avaient continuellement le souffle court, certains des tumeurs qui se déclaraient trop rapidement pour que l’on puisse les sauver… Au final, elle ne s’en tirait pas si mal que cela. Il n’empêche qu’elle aurait aimé être en bonne santé.
– Tu vas où ? Je voulais t’inviter au cinéma. Ils passent le tout premier Superman, tu te rends compte ?!
– On est mardi, commenta Liz simplement. Tu n’as qu’à y aller avec Polly.
Elle ferma la porte de la chambre qui lui était attribuée grâce au lecteur oculaire, puis emprunta les couloirs qui menaient à l’hôpital du mug T. François la suivit comme le petit chien qu’il aurait pu être, tandis qu’elle ralentissait déjà le pas. Comment les gardes pouvaient-ils faire des exercices toute la journée ? Cela la dépassait complètement.
– Polly a accepté l’invitation de Dan, tu le sais bien. Elle était tellement contente qu’elle te l’a raconté durant trois dîners de suite. Allez, tu es ma seule chance de ne pas me couvrir de ridicule devant tout le cinéma !
S’arrêtant pour tenter de reprendre en main sa nausée, Liz fixa son ami. Il était complètement stupide, tout le monde savait qu’ils n’étaient qu’amis et que cela resterait comme cela pour l’éternité. Leur relation ne possédait pas la moindre ambiguïté puisqu’ils se connaissaient depuis qu’ils avaient l’âge de reconnaître un autre enfant et que si François aimait enchaîner les conquêtes, elle ne comptait jamais sortir avec qui que ce soit. Hors de question d’impliquer quelqu’un dans son quotidien complexe et organisé.
– Tu ne te sens pas bien ? s’inquiéta soudainement le jeune homme. Tu ne vas quand même pas vomir sur mes nouveaux habits ?!
Liz réprimanda un haut-le-cœur en entendant le mot maudit puis s’empressa de reprendre le chemin à travers le dédale de couloirs. Plus qu’un virage et puis l’escalier. Pourquoi François était-il capable de marcher aussi rapidement et aussi droitement ? C’était tellement injuste. Et ce n’était pas du tout drôle qu’il la soulève comme si elle ne pesait rien.
– Repose-moi, protesta-t-elle avant de plaquer ses mains devant sa bouche dans l’espoir de ne pas vomir.
L’ignorant, François enjamba les marches avec quelques grands pas et poussa la porte derrière laquelle s’éleva l’odeur de désinfectant et de produits de nettoyage propre à l’hôpital. Mario était toujours à l’accueil et leur fit signe de passer directement dans la pièce que Liz supposait quasiment réservée à elle. Héloïse, une des infirmières du mug, l’accueillit avec un petit ton d’inquiétude. Liz se sentait épuisée, aussi elle se laissa guider sur le lit et brancher à l’appareil. Elle savait bien qu’il ne fallait pas s’attendre à une amélioration soudaine. Le filtrage était lent et se débarrasser de toutes les toxines dans le sang prendrait bien quatre ou cinq heures. Des heures durant lesquelles elle continuerait à se sentir nauséeuse.
– On dirait que la dernière dialyse n’a eu aucun effet, constata Héloïse. L’analyse là donne une quantité incroyable de toxines. Comme si elles s’étaient accumulées. Mais c’est absurde, je le sais bien, puisque je m’en suis occupée dimanche aussi.
Liz haussa les épaules, lasse. Elle ne se souvenait pas de s’être déjà sentie aussi mal – à part lors des échecs des greffes. Les médecins et infirmières du mug avaient toujours fait attention qu’elle ait rendez-vous tous les deux jours. Elle n’avait jamais beaucoup souffert de son insuffisance rénale puisque toutes les mesures étaient prises pour la compenser. C’était gênant, elle détestait sa dépendance d’une machine et la quantité de pilules à avaler, mais elle pouvait vivre quasi normalement. Enfin, là aussi elle ne souffrait pas réellement, elle n’avait aucune douleur réelle, mais c’était plus un dégoût d’elle-même qui lui donnait envie de s’enfuir de son corps.
Soudainement, la sensation tant souhaitée se présenta. Elle devenait légère comme une plume et se sentait bien, en bonne santé. Jetant des regards étonnés autour d’elle, elle constata qu’elle flottait tellement près du plafond qu’elle aurait pu le toucher. Elle se voyait elle-même, pâle et maladive, allongée dans le lit. Etrange que cette impression d’être sans attache. Elle se sentit si légère, si libre ! Comme si elle pouvait aller où bon lui semblait sans avoir à se soucier d’un agenda précis ou de l’existence de murs. Par curiosité, la jeune femme tendit la main pour toucher le plafond et étira ses lèvres en un sourire satisfait lorsqu’elle passa à travers sans rencontrer de résistance. C’était génial !
Vérifiant d’un regard que son corps allait bien – la tranquillité d’Héloïse et de François était un bon indicateur –, elle décida de faire un petit tour puisqu’elle ne pouvait pas être certaine d’avoir la chance de répéter cet exercice. Autant en profiter. Discrète comme un courant de vent, elle passa dans la chambre au-dessus. Elle savait qu’elle faisait encore partie de l’hôpital même si rien de cette chambre aux draps colorés et aux plantes décoratives ne traduisait cet état. Elle savait même qui y vivait. Karen Miller était une vieille femme à la peau ridée et aux cheveux fins qui souriait toujours à ses visiteurs et qui avait décidé de ne pas se laisser abattre par le destin qui semblait s’acharner. Elle était une des personnes les plus âgées de tous les mugs, l’espace n’étant apparemment pas favorable à un âge avancé chez les humains.
Mais surtout, Karen était la première personne connue à avoir été atteinte de la maladie de l’espace. Liz lui avait souvent parlé et avait lu toutes les notes qu’elle avait pu trouver. Personne ne savait pourquoi des personnes aléatoires tombaient malades et encore moins pourquoi la plupart en mourait alors que d’autres souvent plus gravement atteints vivaient. Dans les archives du mug T – les seules auxquelles elle avait accès puisque la communication entre les différents mugs était impossible à l’exception de rares coïncidences comme cette semaine –, elle avait relevé une quinzaine de cas éparpillés avec irrégularité sur les quarante dernières années. Etablir le lien entre les différents symptômes n’avait pas été facile puisque chacun en avait des différents. Le point commun était l’apparition soudaine et inexpliquée. Selon les documents, seules cinq personnes avaient survécu plus que deux mois à ce qui fut simplement nommé la maladie de l’espace car n’étant apparue qu’après la Grande Fuite. Personne ne pouvait expliquer d’où elle venait et même le mug K-Fée plus porté sur la médecine et la recherche scientifique n’avait pu qu’observer l’étrange phénomène sans le comprendre.
Il n’empêchait que Karen vivait avec une toux chronique qui menaçait régulièrement de lui faire cracher les poumons – du moins c’était l’impression qu’elle donnait – depuis près de quarante ans et que ni ses enfants ni ses petits-enfants n’avaient montré la moindre prédisposition pour cette maladie. Le caractère génétique avait donc été considéré comme improbable par les chercheurs. De plus, l’ancienne ingénieure n’avait jamais eu ce genre de problèmes avant la Grande Fuite et ne les avait acquis qu’à plus de trente ans. Liz ne pouvait que se sentir jalouse de ce dernier fait, elle qui avait été atteinte dès ses six ans – aussi longtemps qu’elle se rappelait...
Elle voulut traverser la pièce sans s’attarder davantage quand elle entendit Karen se plier de toux dans son lit. C’était étrange qu’elle soit là et non en train de conseiller une équipe d’ingénieurs ou de techniciens qui n’avait rien demandé. Visiblement, son état avait empiré depuis la semaine dernière…
– Ça va, Karen ? s’enquit-elle en s’approchant.
C’était exceptionnel, cette façon de se déplacer par la pensée sans aucun effort. Elle pourrait s’y habituer. Mais au fond d’elle voir Karen dans cet état l’inquiétait pour son propre corps. N’était-ce pas un très mauvais signe quand l’esprit se détachait de son enveloppe charnelle ? Elle ne voulait pas mourir malgré tout. Personne ne savait si ce qu’il y avait après n’était pas encore pire.
– Liz ? Karen se redressa douloureusement. Comment tu es là ?
La jeune femme regarda ses mains et les voyait translucides. C’était ainsi que Karen devait aussi la voir alors que François et Héloïse n’avaient rien remarqué. Pouvait-elle se rendre visible et invisible selon son souhait ? Si ça se trouvait, elle pouvait même bouger des objets de cette manière… Elle n’avait entendu qu’une seule rumeur qui présentait ses caractéristiques – à part les fantômes mais elle était assez sûre qu’elle n’était pas morte – et même cela n’était pas scientifiquement prouvé être possible…
– Projection astrale apparemment, lâcha-t-elle.
La vieille femme face à elle semblait radieuse comme si elle venait de découvrir quelque chose d’exceptionnel. Liz la regardait sceptique. Karen s’emballait souvent pour un rien. Elle fut secouée par une terrible toux mais se redressa rapidement pour exposer son idée d’une voix rauque.
– On s’approche de la Terre, non ? Et si on avait reçu des super-pouvoirs pour la sauver ?! Ce serait super, non ?
C’était décidé, Karen était devenue complètement sénile. Des super-pouvoirs ? Elles ? Non, les super-pouvoirs n’auraient certainement pas été donnés aux personnes les plus faibles de tout le mug. Chaque garde avec leurs entraînements physiques et chaque technicien avec leurs connaissances incroyables avait sa dose de super-pouvoirs. Mais elles ? Une vieille ingénieure à la toux chronique et une jeune archiviste en formation sans reins ? C’était une idée complètement stupide. Son opinion devait se lire sur son visage puisque son interlocutrice eut un sourire jusqu’aux oreilles.
– Promets-moi que si cela arrivait, tu viendrais te battre avec moi.
Liz se retint de lever les yeux au ciel. C’était complètement absurde. De toute façon, elle ne risquait pas de réussir à battre qui que ce soit avec sa faiblesse plus qu’évidente. D’ailleurs, c’était aussi le cas pour Karen… Cela dit, elle pouvait difficilement refuser une promesse en l’air à une amie presque mourante, non ? Elle haussa donc les épaules.
– Promis. Si tu as un super-pouvoir et que tu vas te battre pour sauver la Terre, je t’accompagnerais.
C’était une promesse assez facile à donner, non ? Les super-pouvoirs n’existaient pas et plus personne ne pouvait sauver la Terre sans quoi ils ne l’auraient pas quittée de manière aussi définitive qu’hâtive… Que pouvait-il bien s’y être passé ? Les archives se taisaient autant que possible et il n’y avait que peu de différences avec la vie précédente sur Terre décrite dans les rares livres, films et thèses amenés avec les fuyants.
Le mug T avait décollé depuis Bâle. C’était le premier à être parti, emmenant seulement cent-vingt personnes. Elle pouvait être bien heureuse que ses parents aient été pris à bord. De ce qu’elle savait, son père avait été l’un des ingénieurs en charge de la construction du mug et sa mère une médecin formée pour accompagner des astronautes revenant de l’espace. Ils avaient été bien placés pour entreprendre le voyage, mieux, ils avaient été indispensables. Liz ne voulait pas réfléchir sur les possibles critères selon lesquels les voyageurs avaient été choisis. La plupart était des techniciens ou des ingénieurs ou même des chercheurs en astrophysique qui avaient eu les relations et les compétences pour partir dès que la situation se gâtait. Enfin, les personnes qui avaient complété l’équipage étaient de la famille des physiciens. C’était injuste mais elle ne pouvait plus rien y changer. Il n’empêche qu’elle appréhendait le retour vers la Terre depuis qu’elle avait lu cela. Et s’ils avaient abandonné des humains et qu’ils voulaient se venger ?
Quarante-deux ans, ce n’était rien. Apparemment les humains avaient une espérance de vie de presque quatre-vingt ans dans la région nommée Europe avant la Grande Fuite. Quelle blague étaient alors les cinquante ans moyens qu’ils vivaient dans les mugs ! Sur Terre il y aurait encore énormément de témoins de ce qui s’était passé juste avant le départ, alors que chez eux, il n’y avait plus que quatre ou cinq personnes présentes lors du départ. Et encore, elle comptait les enfants emmenés par leurs parents. Ils pouvaient essayer de recréer les conditions de vie de la planète aussi bien que possible, ce n’était pas la même chose. Une telle planète ne s’abandonnait pas sans raison valable.
– Regarde la Terre et retourne vite dans ton corps, souffla Karen avant d’être secouée par une nouvelle quinte de toux.
Liz hocha lentement la tête. Il ne servait à rien de discuter avec Karen quand on n’avait pas de preuves contre sa théorie. De toute façon, elle se sentait fatiguée, différemment de la plupart du temps, mais comme si elle ne pouvait pas rester beaucoup plus longtemps sous cette forme. Elle ne savait pas pourquoi la vieille femme voulait qu’elle regarde la Terre mais ce n’était pas tous les jours qu’elle avait l’occasion d’entrer dans la salle de contrôle avec les écrans d’observation de l’espace autour d’eux.
– Essaie de survivre si tu veux sauver la Terre, lâcha-t-elle un peu à contrecœur parce qu’elle n’avait pas envie de laisser Karen seule dans cet état.
– Certainement, je veux revoir le soleil dans le ciel bleu. Je veux ressentir la pluie sur mes bras et le vent dans mes cheveux. Je veux entendre les oiseaux gazouiller et sentir l’odeur de la terre après la pluie. Je veux voir un arc-en-ciel et les sommets des montagnes couverts de neige au loin. Je veux pouvoir marcher sur des feuilles mortes et rentrer les mains glacées. Je veux…
Liz en avait plus conscience que la plupart des autres habitants du mug. Elle avait lu quasiment l’entièreté des archives sur la Terre. Elle savait que là-bas, le ciel était en haut et pas tout autour, elle savait qu’il était bleu et que c’était pour cela que le plafond de la salle de réunion et de la cantine était de cette couleur.
Après un dernier regard vers Karen, elle se propulsa vers la salle de contrôle qui se trouvait quasiment à l’autre bout du mug. C’était une grande pièce remplie de la technologie de pointe d’il y a quarante ans et améliorée au fur et à mesure de leur périple. Les écrans géants réfléchissaient l’image de la Terre qui avait été montrée dans le réfectoire pendant la pause déjeuner. Fascinée, Liz s’approcha d’un appui imaginaire de ses pieds.
La planète bleue était tellement belle ! Ronde, d’un bleu profond et entourée de volutes de nuages blancs. Elle eut envie de la prendre et de la serrer contre elle. Était-ce un reste de tendresse qu’éprouvaient les hommes exilés pour leur pays d’origine ? Pouvait-elle en être contaminée sans jamais avoir foulé le sol de la Terre, sans avoir respiré son air, sans l’avoir accompagnée dans sa rotation ? Se pouvait-il que l’attachement à la Terre ait été ancré dans chaque humain sans qu’il ne puisse y faire quelque chose ? Au fond d’elle, Liz doutait de cette interprétation et pourtant voir la Terre s’agrandir doucement lui réchauffait le cœur.
– Etonnant, fit un homme en blouse blanche qui était penché sur l’ordinateur le plus proche. Il y a des traces d’une activité inattendue…
– Comment ça ? Montre voir. Oh. Vous croyez que… ?
Un groupe de personnes l’entoura rapidement et Liz avait beau n’être qu’un esprit, elle ne réussit pas à traverser la foule pour jeter un regard sur leur centre d’intérêt. Elle tendit le cou, essayait de le faire s’allonger et passa finalement entre les jambes des scientifiques. Un graphique représentant une courbe était tracé, évoluant lentement en temps réel. Que représentait-il ?
Un poids soudain lui fit réintégrer son corps brutalement. Surprise de retrouver son enveloppe lourde et endolorie, Liz lâcha une petite exclamation. Attrapant de l’air, elle constata que le coup qui l’avait empêché de voir ce qui se passait venait de la tête de François qui s’était endormi à côté d’elle et avait basculé.
– Quoi ?! Qu’est-ce qui se passe ? balbutia le jeune homme en sursautant.
– Tu devrais faire attention à ton amie, François, le rabroua Héloïse. Elle n’est pas un coussin.
Quelle étrange sensation que de se retrouver coincée dans un corps après avoir goûté à la liberté. Elle sentait des muscles douloureux dont elle ne savait même pas qu’ils existaient. Son bras gauche la démangeait affreusement et elle se retint juste à temps avant de se gratter. Pourquoi ne pouvait-elle pas rester dans son absence de corps comme en voyage astral ? Non, pas besoin de répondre, elle savait très bien que ce n’était physiquement pas possible parce qu’il ne fallait pas séparer corps et esprit sans risquer la mort. N’était-ce pas dangereux de le refaire alors ? Et d’ailleurs comment avait-ce pu fonctionner ? Comment avait-elle réussi cet exploit ? C’était impossible mais ce serait super si elle pouvait le refaire.
– Bon, interrompit son ami ses réflexions en tapant dans les mains. On fait un jeu ou on regarde un film ? Maintenant que tu as choisi l’endroit de notre sortie, faut que tu me proposes quelque chose au lieu de faire la sieste !
Liz souleva les sourcils dans une expression sceptique. A quel moment l’avait-elle invité à l’accompagner ? François n’avait d’ailleurs pas attendu de réponse avant de se mettre à la recherche d’un film sur sa montre. Soupirant, la jeune femme se cala contre son coussin et se prépara à la pire des propositions.
– Je sais ! s’exclama François. Qu’est-ce que tu penses du premier Superman ?!
Journal de bord de Liz Hope du jeudi 8 décembre 2112.
C’est affreux. Jamais je ne me suis sentie aussi mal. En plus, alors que notre mug va enfin rencontrer un autre mug – et pas n’importe lequel : le mug Schoclacho, connu pour ses œuvres d’arts et sa culture – Docteur Chris m’a interdit de côtoyer les étrangers. J’aurais tellement voulu voir les spectacles qui auront certainement lieu ou au moins jeter un œil dans leurs archives… Et non, à cause d’une apparente faiblesse momentanée, il trouve cela trop risqué. Il n’a peut-être pas tort mais je rêve de voir davantage que le mug T où tout n’est constitué que de sciences et de technologies. Sur la centaine d’habitants, il n’y a pas un seul artiste ! Il y a bien des personnes qui jouent un instrument ou qui dessinent mais ce ne sont que des loisirs. Enfin, je ne devrais pas leur jeter la pierre. Ne fais-je pas partie de cette société qui s’éloigne de son humanité ?
C’est ce que je trouve si fascinant chez les Schoclacho. Ils ont créé une nouvelle culture à partir de toutes leurs traditions, parfois opposées à l’origine, et les vivent. Ils me paraissent bien plus vivants que nous, plus réels, plus humains. Ce sont des traces de l’humanité qui vivait sur Terre et, si sur le mug T, nous n’avons pas eu la possibilité de nous rappeler autant que je le voudrais, eux sont fascinants. Je me demande si je ne pourrais pas refaire un voyage astral pour les voir…
Liz se rappela mentalement à l’ordre et ferma son journal de bord. Elle n’était pas là pour rêvasser mais pour prendre quelques affaires. Elle avait déjà suffisamment traîné et ferait mieux de se dépêcher si elle ne voulait pas qu’Héloïse ou Mario s’inquiètent et envoient quelqu’un pour la chercher. Elle était suffisamment grande pour se débrouiller toute seule, merci bien. Déjà qu’elle ratait tout l’amusement pour une histoire de microbes inconnus. Elle ressortit de sa chambre et verrouilla la porte grâce à sa montre. Elle était peut-être déçue mais au fond tout à fait raisonnable. Alors elle écoutait le médecin et se pliait à ses quatre volontés.
« Un éclair de douleur me réveille en sursaut » (de « Alive » de Scott Sigler). Voilà ce qu’elle avait écrit le matin dans son journal pour lui. Ce n’était peut-être pas vrai, mais c’était suffisamment proche de la vérité pour qu’elle puisse se contenter d’une citation et non d’une description détaillée de son ressenti. Comment le docteur Chris pourrait-il comprendre l’horrible dégoût de son propre corps qu’elle avait subitement ressenti ? Elle avait eu la nausée et s’était précipitée vers les toilettes aussi rapidement que la portaient ses jambes flageolantes. Cela faisait des années qu’elle n’avait pas eu un retour si brutal de sa maladie. Peut-être qu’ils avaient raison de vouloir l’empêcher d’aggraver encore son cas en se confrontant à des microbes inconnus. Ce n’était pas ce qu’il lui fallait. Liz soupira. C’était quand même la poisse. Tous les habitants avaient reçu leur attestation qu’ils n’étaient pas contagieux, tous sauf Karen et elle. C’était injuste mais elle n’allait pas se laisser abattre.
– Salut ! On peut te donner un coup de main ?
La jeune femme ne se retourna pas vers son ami. Il était juste là pour l’aider et n’avait même pas le bon goût de prétendre l’inverse. C’était tellement énervant, elle n’était pas en sucre ! Et même si elle l’était, il n’y avait pas d’eau dans les couloirs du mug.
– Vous pourriez aussi continuer votre ronde, répondit-elle sèchement.
Ce n’était pas comme si elle n’avait qu’un petit sac à transporter cinq couloirs plus loin. Elle s’éloigna sans réagir aux commentaires moqueurs des collègues de François qui étaient toujours encore persuadés qu’il y avait quelque chose entre eux. Il fallait être réellement stupide pour s’imaginer une telle chose et ne pas vouloir en démordre. Elle déposa ses affaires auprès de Mario avant de prendre la fuite. Sa montre lui disait qu’elle avait encore cinq heures de liberté et il était hors de question qu’elle les gâche.
Piquant une course jusqu’au prochain coin, Liz se soutint contre le mur blanc et lisse pour reprendre son souffle. Elle entendait son cœur battre jusqu’aux oreilles et sentait son nez vibrer sous l’affluence du sang qui essayait d’apporter l’oxygène à son cerveau. Décidément, cela n’allait pas fort ces derniers jours. Quand elle se sentit à nouveau prête à marcher sans trébucher par-dessus ses propres pieds, elle se mit en route vers la bibliothèque.
La bibliothèque n’était pas réellement une bibliothèque au sens étymologique du terme mais c’était davantage le lieu de stockage et d’étude des archives. Il y avait notamment tous les livres datant encore d’avant la Grande Fuite et les enregistrements de tout ce qui avait été découvert depuis. Et surtout c’était le meilleur endroit de tout le mug. C’était calme et on y trouvait toutes les informations intéressantes qui étaient disponibles. Liz adorait la bibliothèque et d’ailleurs, elle avait choisi de devenir archiviste et d’y consacrer sa vie. C’était un travail tout aussi indispensable que les techniciens et ingénieurs qui s’occupaient du bon fonctionnement du mug et de toutes les machines indispensables ou de loisir qu’ils avaient. Le métier consistait d’un côté de trier et de garder à jour tous les archives, de l’autre de sortir les informations demandées par les habitants que ce soit des personnes privées ou l’ensemble pour améliorer une fiche technique ou réparer un robot. C’était divers et varié, et Liz adorait savoir un peu de tout et découvrir de nouvelles choses oubliées parmi les documents du passé.
Ce qu’elle aimait moins, c’était les personnes qui pensaient qu’elle était à leur disposition et qui venaient lui parler. Si encore c’était de thèmes intéressants elle n’était pas contre mais de manière générale ce n’était pas le cas. A son plus grand malheur, elle s’était tout juste assise avec un livre sur les différentes races de mouton – demande du Bureau d’Elevage pour Nourriture qui voulaient en récupérer sur la Terre pour améliorer la qualité de la viande et de la laine – qu’elle aperçut Bertha Schneider à travers les vitres demi-teintes de son bureau. De toutes les geignardes qu’elle connaissait, c’était bien la pire. Liz fut tentée de prendre la fuite puis le souvenir de Karen prétendant qu’elles étaient des super-héroïnes. Même si c’était seulement les affabulations d’une vieille femme, elle pouvait se montrer digne de sa confiance et affronter le danger négligeable d’une technicienne jamais satisfaite.
Apparemment le fait qu’elle ne s’éloigne pas, encourageait la bonne femme. Bertha s’approcha de son bureau et commença directement à lui raconter sa si inintéressante vie. Enfin, raconter… elle se plaignait sans arrêt de ses problèmes tellement sérieux. Liz avait envie de la jeter par la porte.
– Et là c’est cette idiote de Betty qui a été promue à ma place. Vous vous rendez compte de l’injustice ? Je vais devoir supporter Alex encore plus…
Elle regardait Liz comme si elle devait la plaindre mais la jeune femme n’en avait pas la moindre intention. Qu’est-ce que ça pouvait bien changer d’avoir un poste ou un autre identique ? Il y avait des problèmes bien plus graves. Comme les déformations génétiques chez leurs moutons causées par l’inceste.
– La vie ne m’a pas gâtée, vous savez. Mon mari qui me quitte, mon fils qui se fait enrôler dans les sphères de l’ingénierie, ce poste qui m’échappe une fois de plus… Je ne voudrais pas avoir l’air de me plaindre mais j’aimerais bien être à votre place, jeune et heureuse dans votre travail…
Il n’y avait qu’une seule chose qu’elle répondait toujours dans ce genre de situation. C’était une citation de Guy de Maupassant, un écrivain français dont les archives contenaient six romans et de nombreuses nouvelles. Liz fixa Bertha droit dans les yeux.
– « La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit. »
Bertha la fusilla du regard comme si elle lui avait dit une grossièreté. Pourtant ce n’était rien de plus ou de moins que la vérité. La technicienne pensait qu’elle était malchanceuse et que toute autre vie était meilleure, alors qu’elle-même pensait l’inverse. Peut-être parce qu’elles ne savaient pas suffisamment de la vie de l’autre, peut-être parce que cela ne les intéressait pas de voir le négatif chez les autres. Déprimant comme pensée. En tout cas, elle eut la satisfaction de voir Bertha repartir aussi rapidement qu’elle était venue. Pas trop tôt.
Liz se pencha sur le dossier des moutons. Au fond, c’était évident qu’il y aurait un problème tôt ou tard. Au départ du mug, ils avaient emmené une vingtaine de moutons, une vingtaine de poules, une quinzaine de cochons et une dizaine de vaches. Chacun pouvait se douter que la diversité génétique ne pouvait pas tenir très longtemps. En même temps, ils n’avaient pas la place ni le temps d’en emmener davantage… Les cochons et les vaches n’avaient pas survécu jusqu’ici – apparemment le mug n’était pas un endroit où ils pouvaient vivre sainement. Etrange, sachant que les cochons étaient les plus proches des humains. Bien plus les moutons et les poulets, alors que les trois espèces avait réussi à s’acclimater. Tout comme les souris qui avaient réussi à monter à bord du vaisseau spatial et qui étaient devenues des animaux de compagnie très appréciés. Apparemment avant la Grande Fuite, il y avait une faune tout à fait incroyable sur Terre. Des centaines de races d’animaux domestiques et encore davantage d’espèces d’élevage et sauvage. Elle avait du mal à s’imaginer cela malgré les nombreux livres à ce sujet.
Heureusement qu’ils avaient été plus prévenants pour les plantes et n’avaient pas apporté des semences pour du gazon pur mais bien des morceaux de pré entiers, accompagnés par quelques essaims d’insectes qui permettaient la pollinisation. Ils avaient quand même bien préparé une fuite qui était toujours décrite comme précipitée. C’était perturbant mais remettre en doute le fondement de leur société miniature n’était pas une bonne idée. Après tout, cela fonctionnait très bien… Ils n’étaient qu’une centaine d’humains mais ils vivaient en harmonie sans qu’aucun d’entre eux ne soit le chef comme il semblait souvent avoir été le cas sur Terre. Chacun avait son rôle à jouer, sa tâche à accomplir qu’il pouvait choisir selon ses compétences et ses préférences. Les décisions importantes étaient prises par tous les habitants ensemble et préparées par des équipes de spécialistes du domaine concerné. Le plus souvent c’était le choix le plus logique qui était voté, évidemment. Cela n’avait pas l’air d’avoir souvent été le cas sur Terre… Liz supposait que c’était dû au fait qu’il y avait surtout des scientifiques à bord. Cela simplifiait les choses puisqu’ils parlaient tous le même langage de faits et de preuves.
Elle travailla un petit moment sur le résumé qu’elle devait faire parvenir au Bureau d’Elevage puis sa montre sonna lui indiquant la réception d’un message. C’était inhabituel. Très peu de personnes lui écrivaient, la plupart venant la voir à la bibliothèque quand c’était d’autres professionnels. Curieuse, elle l’ouvrit.
« Annonce officielle à tous les habitants du mug T,
Avant de rejoindre le mug Schoclacho et d’atteindre avec lui la proximité de la Terre, nous devons traverser un champ d’astéroïdes. Nous devrons donc désactiver le champ de pesanteur de façon momentanée entre seize et vingt heures. Nous vous prions de vous rendre aux emplacements consacrés vingt minutes avant et de bien vouloir patienter.
Salle numéro 1 : projection du film « Le seigneur des Anneaux, partie 1, version longue »
Salle numéro 2 : lecture du roman « Au-delà de l’air et de la pesanteur » de Jean-Léonard Volon par Theodor Russel
Salle numéro 3 : projection du film « Autant en emporte le vent »
Salle numéro 4 : discussions et divertissements individuels
Réservez votre place dès maintenant en réponse à ce message. »
Rien d’exceptionnel alors. Elle vérifia l’heure – quatorze heures trente-sept – et soupira en réalisant que les astéroïdes venaient de lui piquer près de trois heures de liberté. D’ailleurs, elle ne devrait pas tarder à recevoir un deuxième message. Cela arrivait assez fréquemment qu’il y ait des champs d’astéroïdes ou d’autres obstacles qui nécessitaient la mise en pause du générateur de pesanteur. Sans oublier le nombre de fois qu’il tombait en panne… Heureusement que l’air qu’ils respiraient n’était pas généré de cette manière – en réalité, il y avait simplement le grand parc au milieu du mug ainsi que toutes les petites cours vertes qui suffisaient – sinon ils seraient morts depuis longtemps.
« Bing », sa montre confirma ses attentes et Liz ouvrit le message sans aucune curiosité. Elle connaissait le texte quasiment par cœur.
« Liz Hope, Rendez-vous à l’hôpital à quinze heures quarante en prévision des turbulences liées au champ d’astéroïdes. »
Seuls l’heure et la raison changeaient parfois. Elle avait souvent été tentée d’ignorer ce message et de simplement se réserver une place dans une des salles de cinéma mais elle savait que les gardes viendraient la chercher pour l’escorter jusqu’à sa chambre. Ce n’était pas un risque qu’elle avait envie de prendre. Et puis au fond elle savait que c’était pour son bien. Elle soupira une nouvelle fois puis continua comme si de rien n‘était. Le rapport devait être fini avant qu’ils n’arrivent près de la Terre et vu les circonstances c’était peut-être sa dernière chance de le finir. Elle avait dit à Gertrude qu’elle le ferait et elle n’avait pas l’intention de briser sa parole face à l’archiviste susceptible. C’était sa supérieure et son enseignante après tout. Elle avait déjà eu suffisamment de difficulté à la convaincre de la prendre en formation.
Sa montre afficha un nouveau message, ce qui était plus qu’inhabituel. De la part de François en plus. Franchement étonnant. Elle l’ouvrit rapidement.
« Tu veux aller regarder quel film ? »
– Tu t’es trompé de destinataire… grogna Liz, soudain de mauvaise humeur, fermant le message et décidant de ne plus se laisser distraire par des messages quelconques.
Presque boudeuse, et tout cela parce qu’elle ne pouvait pas aller regarder un film qui ne l’intéressait même pas tellement, elle retourna aux meilleurs moutons à viande. Elle reçut encore quelques autres messages mais ne releva plus la tête. Si quelqu’un voulait absolument l’enfoncer dans son malheur. Enfin, c’était ridicule. Liz leva brutalement les yeux. Pourquoi n’avait-elle aucun contrôle sur ses sentiments, alors qu’elle les trouvait absurdes ? C’était énervant et ça l’empêchait de se concentrer. Elle venait d’écrire que les moutons mérinos étaient une race bouchère. Tout le monde savait que c’était faux. Enervée contre elle-même et contre le reste de l’univers, elle décrocha le dernier des messages.
« Réponds, Liz !!!! »
François devait vraiment avoir perdu la tête. Il savait exactement qu’elle n’aimait pas les points d’exclamation, et en plus il devait être en fonction vu l’heure et donc pas censé écrire à qui que ce soit. Mais elle n’avait pas envie de perdre un de ses seuls amis alors elle lut les autres messages.
« Non, je ne me suis pas trompé de personne. C’est avec toi que je veux regarder quelque chose ce soir, Liz. »
« Je veux emprunter un film qu’on pourra regarder tranquillement. »
« J’en étais sûr, tu boudes et ne regardes plus tes messages… »
« Je vais te spammer jusqu’à ce que tu en aies marre. »
« Allez, Liz, réponds-moi ! »
C’était pitoyable. Même s’il la connaissait très bien visiblement. En plus, il était certain que François n’ait pas le droit de rester avec elle dans les circonstances données. Et ses amis allaient encore penser qu’ils sortaient ensemble ou un truc dans ce genre. Comme si elle était intéressée par son meilleur ami. Comme si quelqu’un pouvait vouloir sortir avec elle. Non, elle n’avait pas la moindre envie. Et puis regarder un film… à quoi cela pouvait bien rimer ? Elle n’avait pas envie de regarder ni des gens se disputer puis s’embrasser, ni des héros musclés et beaux-gosses sauver le monde.
« Je suis fatiguée, je dormirai. » Ce n’était même pas un mensonge. Elle était réellement fatiguée et elle commençait à nouveau de se sentir nauséeuse alors cela ne serait probablement pas plus mal de simplement se reposer. Et une fois qu’elle aurait un peu récupéré, elle réessayerait bien le voyage astral puisqu’elle avait de plus en plus de mal à croire que c’était vraiment ce qui s’était passé. C’était tellement irréel, plus digne d’une histoire de fantaisie que de la vraie vie.
Oui, le voyage astral. Elle avait tellement envie de retrouver cette sensation de liberté absolue, sans aucune restriction physique mais en même temps suffisamment présente pour pouvoir interagir avec le reste. Elle voulait en découvrir les opportunités et les limites. Elle voulait s’aimer et non être rattachée à un corps qui ne savait même pas se désintoxiquer tout seul. Elle voulait fuir ce dégoût et cette nausée. Elle voulait être active et en pleine forme.
Soudain, alors qu’elle ne s’y attendait pas, elle se sentit s’élever dans les airs. Elle avait activé son pouvoir sans le vouloir ! Ou l’avait-elle voulu mais ne savait en réalité toujours pas comment elle pouvait le contrôler ? C’était plutôt cette hypothèse la bonne. Mais cela n’avait aucune importance. Elle était libre !
Un bruit lui apprit que son corps physique s’était effondré sur la table maintenant qu’elle l’avait quitté mais elle ne s’en préoccupa pas. Elle avait l’impression d’être tellement vivante, de percevoir bien plus de bruitages et d’odeurs que jamais avant. Ses yeux volaient d’un détail à l’autre et elle remarqua pour la première fois que le mur gauche de la pièce avait une légère fissure – ce n’était pas grave, à côté était un cagibi qui faisait partie des pièces de la bibliothèque. Gertrude avait mangé un sandwich au fromage à son bureau alors que d’habitude elle interdisait toute forme de nourriture dans la bibliothèque. Les moutons qu’il leur fallait était des Ile-de-France, une race ovine particulièrement adaptée à une utilisation multiple. Elle fournissait de la bonne viande, de la laine de qualité et s’élevait facilement. C’était celle-là qu’il fallait cibler en priorité mais pas oublier d’en prendre d’autres moutons afin d’éviter de se retrouver dans la même situation dans quelques années.
Elle avait besoin de sa montre pour corriger son rapport et le finir en vitesse. C’était le moment parfait pour voir si son corps astral pouvait bouger des objets réels. Elle pouvait interagir avec les ondes sonores, elle l‘avait bien vu deux jours avant, mais elle craignait traverser les objets comme elle avait traversé le plafond et les murs. Ce n’était pas tout à fait logique mais elle ne pouvait que gagner à tenter. Liz redescendit à côté de son corps, inspira un grand coup puis toucha l’écran de sa montre. Il réagit comme s’il avait toujours fait cela – peut-être que c’était vrai et que les écrans tactiles réagissaient aux âmes et non aux électrons dans les doigts. D’un sourire satisfait, elle ouvrit son rapport, se saisit de son stylo et commença à écrire avec une vivacité d’esprit qu’elle ne se connaissait pas. Elle ne se sentait pas uniquement légère comme une plume physiquement mais aussi mentalement. Si c’était possible, elle voudrait toujours rester ainsi.
Sa montre émit le bip d’un nouveau message et Liz l’ouvrit distraitement, encore plongée dans ses rêveries.
« Avis à tous les habitants du mug T, il est quinze heures trente. »
Le message eut sur elle l’effet d’un seau d’eau froide. Elle n’avait aucune idée comment retourner dans son corps ! Et elle ne pouvait décidément pas le laisser ici parce qu’il ne supporterait sans doute pas de flotter dans les airs dans une pièce avec plein de livres qui étaient certes pour la plupart bien rangés et arrimés – après tout, c’était presque une habitude les moments d’apesanteur – mais elle en avait sortis quelques uns qu’elle devait encore ranger. Sans oublier qu’elle n’avait aucune idée de comment son corps astral allait réagir à l’apesanteur. Probablement pas du tout puisque la pesanteur ne l’affectait pas mais elle préférait ne pas le savoir.
La dernière fois, elle avait réintégré son corps à cause de – ou grâce à ? – l’intervention de François qui l’avait percutée. Aussi hésita-t-elle à se donner un coup de poing pour provoquer l’effet attendu, mais n’aurait-elle pas dû se retrouver dans son corps lorsque sa tête physique avait heurté la table ? Enfin bon. Peut-être qu’il suffisait qu’elle veuille retourner dans son corps pour que cela fonctionne. En fait, cela devait certainement être la méthode correcte et non brutale… Liz se concentra sur tous les avantages que présentaient un corps physique et le sien en particulier. On pouvait bouger plus facilement – faux –, on pouvait communiquer avec les personnes autour de soi – possible aussi en astral et d’ailleurs la sociabilité était beaucoup trop mise en valeur par rapport à la réalité –, on pouvait toucher les choses pour de vrai – cela voudrait dire qu’elle avait touché sa montre pour de faux ? –, on pouvait… Non, ce n’était pas possible, elle ne voyait aucun avantage d’avoir un corps faible et lourd qui l’empêchait de bouger et de penser comme elle le voudrait.
La montre reçut un nouveau message, disant probablement qu’il était quinze heures trente-cinq, et Liz sentait ses larmes monter aux yeux. Elle n’allait quand même pas pleurer pour une vulgaire histoire d’apesanteur et de voyage astral ?! C’était complètement ridicule. La porte de la bibliothèque claqua et elle leva un regard embué. Qui pouvait bien venir ici à une heure pareille ?
– Liz, tu es là ?
François ne sonnait pas réellement inquiet et d’un seul coup Liz sut quel avantage pouvait avoir un corps physique : celui de n’inquiéter personne et de pouvoir être avec ses amis, celui d’être traitée comme quelqu’un de normal et non comme un fantôme, celui d’être entièrement soi-même avec tous ses défauts et toutes ses relations. Elle eut comme une sensation d’être aspirée et sentit soudainement le bois de son bureau contre sa joue. Elle avait réussi.
Journal de bord de Liz Hope du samedi 10 décembre 2112.
Le voyage astral. La plupart des personnes sur le mug T n’y croient pas. Cela dit, je n’y croyais pas non plus avant jeudi. C’est là que j’ai réalisé que c’était vraiment un super-pouvoir et que Karen ne fabulait pas. Comment l’avait-elle su ? En possède-t-elle également un ? De quel danger parlait-elle ? Je n’ai pas la moindre envie de me battre contre quelque chose qui a fait fuir l’humanité. Cela doit être bien effrayant et je ne vois pas en quoi se projeter hors de son corps pourrait changer quelque chose à la situation. Si encore je pouvais prendre possession d’objets inanimés ou d’autres corps, mais mes expériences à ce sujet hier et aujourd’hui n’ont pas été concluantes. Mon pouvoir doit en être un autre. Lequel ? Je n’en sais rien.
Enfin, de toute façon, je ne peux rien faire tant que je suis enfermée à l’hôpital. De ce que j’entends, c’est la fête dans les deux mugs. La fête et plus si affinité d’après ce que François a sous-entendu dans les messages qu’il m’a envoyés. Comme quoi, les moutons ne sont pas les seuls qui ont besoin d’une certaine diversité génétique. Du moins d’après les biologistes du mug Schoclacho… Sur notre mug, on a un spécialiste en analyse ADN qui se passionne de généalogie pour éviter le problème des incestes. Qu’est-ce qu’on va faire lorsqu’il sera mort ? Probablement rien à part un registre de naissance comme chez nos amis à peine rencontrés. Serait-ce vraiment grave ? Vraisemblablement non puisque contrairement à chez nous, leur population n’a pas baissé, au contraire. Peut-être qu’ils avaient simplement emmené davantage de jeunes personnes. Finalement je suis plutôt contente d’être exilée ici avec comme seule compagnie Héloïse, Karen et trois ou quatre enrhumés.
¬– Non, elle écrit toujours dans son journal, ce n’est pas à cause de la proximité avec la Terre.
Liz se retint tout juste de rouler des yeux. Karen était à la chasse aux symptômes de la Terre. Tout ce qui lui paraissait inhabituel était examiné. Cela commençait à être lassant. Comme si le fait que leurs états s’étaient dégradés abruptement et simultanément avait un quelconque lien avec celui qu’ils s’approchaient de la Terre. C’était presque aussi absurde que leurs super-pouvoirs. Cela dit, elle ne pouvait plus nier qu’elle pouvait voyager en esprit et qu’elle contrôlait cela. Peut-être que Karen déraillait mais peut-être qu’elle sentait aussi d’autres choses. Il lui fallait d’autres pistes pour vérifier cette hypothèse de toute façon.
– Comment vont Amaniel, Tizita et Sara ? s’enquit-elle en levant le regard de la feuille virtuelle déployée par sa montre.
– Qui ça ? Karen la fixa comme si elle était devenue folle.
– Les Schoclacho atteints de la maladie de l’espace.
Visiblement elle se demandait toujours encore pourquoi elle s’intéressait à cela, ou alors comment elle pouvait connaître leurs noms. La première réponse était évidente et Karen ne tarderait pas à comprendre qu’elle essayait de rassembler le plus d’informations possibles, surtout que Thomassino était mort hier. Elles avaient le droit de s’inquiéter. La deuxième interrogation était encore plus facile à satisfaire : c’était son travail d’archiviste de connaître ce genre de chose. Son intérêt personnel ne lui facilitait que la chose.
– Aucune idée, répondit Héloïse. On ne m’a rien dit en tout cas.
– Tu pourrais demander au Docteur Chris de les contacter, s’il-te-plaît ?
L’infirmière acquiesça et sortit s’occuper de cette affaire d’urgence. Après tout, il se pouvait bien que tout cela les mènerait à une découverte qui permettrait de trouver l’origine de cette maladie mystérieuse.
– Tu penses qu’ils ont aussi des super-pouvoirs ? la questionna Karen qui ne semblait avoir plus que cela en tête alors qu’elle se retenait d’en parler quand quelqu’un d’autre était dans la pièce.
– Non, répondit Liz en retournant à sa montre.
Elle ferma son journal – elle continuerait quand Karen serait repartie ou du moins occupée – et lança une recherche sur le lien entre les rapports sur les malades de l’espace du mug T et la position du mug dans l’espace. Elle ne se promettait rien des résultats mais cela valait l’essai. Après tout si c’était réellement corrélé, ce serait une découverte fascinante.
– Tu cherches quoi ? Son aînée ne semblait pas prête à se taire et la jeune rousse comptait bien ne pas rentrer dans son jeu.
– A prouver ton hypothèse.
Sous ses yeux, un graphique se traçait lentement mais sûrement. Ce n’était évidemment pas très précis car les ordonnées étaient tirées d’une analyse de texte pour évaluer l’état global des patients. Mais s’il y avait des points parasites un peu partout, la quantité d’information que Liz pouvait voir défiler dans le tableau de calculs mettait en évidence une relation plus qu’évidente.
– Ça veut dire que j’ai raison ! s’exclama Karen qui s’était approchée pour observer les résultats elle aussi. Cela devient vraiment pire quand on s’approche.
– Pas tout à fait, tempéra l’archiviste. Là, c’est le rapport que Docteur Chris a envoyé ce matin.
Elle montra le point le plus à gauche du graphique – jamais en quarante-deux ans de données ils n’avaient été si proches de la planète d’origine – qui se trouvait à un diagnostic moyen. Puis elle changea la couleur de la catégorie « patient mort ». Les points se retrouvaient regroupés à une distance se trouvant à peu près à un tiers de la distance maximale que le mug avait jamais été éloignée de la Terre.
– Tu peux les classer par patient ? s’excita Karen avant d’être prise d’une quinte de toux qui la secouait dans tout son corps.
Liz lui lança un regard inquiet – il ne fallait surtout pas qu’elle meure maintenant qu’elles étaient si proches du but – et fut rassurée en voyant les yeux bleus pétillants d’énergie et de malice de son amie. Elle appuya sur quelques touches et une quinzaine de couleurs apparurent sur le graphique. La plupart n’avait même pas une cinquantaine de points.
– Regarde, il y a une distance qui sépare deux groupes de patients. Et les deux seuls dont les rapports sont partout, ce sont nous… Tu sais ce que cela signifie ?
– Thomassino est mort hier exactement au moment où on a traversé cette distance, dit Liz.
Elle avait ouvert un second écran et parcourait le rapport de décès, ainsi que la trajectoire exacte de leur voyage. C’était quand même une drôle de coïncidence quand même. Surtout vu la vitesse à laquelle ils volaient…
– Que nous ne nous sommes jamais beaucoup éloignés de la Terre ! On a tout le temps été à moins d’une journée de vol en mode rapide de notre maison ! Pourquoi n’avons-nous pas profité des quarante ans de liberté pour aller plus loin, pour découvrir l’univers ?
– Parce que le mug T est affecté à l’arrière-garde. Nous sommes avant tout des scientifiques et avons la plus grande base de données, tout en étant le vaisseau le plus petit. Nous ne sommes pas équipés pour une aventure ou un affrontement.
– Pourquoi tu es au courant et pas moi ? se plaignit Karen. Et pourquoi à cet endroit en fait ?
La jeune rousse ne se donna pas la peine de répondre. Ce n’était pas comme si leur position avait une quelconque importance pour eux à part pour les expériences qu’elle pouvait influencer, et surtout ils avaient tous la possibilité de la suivre en temps réel sur la chaine d’information de leurs montres. Quand au rôle du mug T par rapport aux autres, c’était défini dans l’article 3 du Code des Voyageurs Démocratiques. D’après François, elle était la seule à l’avoir lu depuis trente ans. Enfin bref, elle laissa Karen observer les points du graphique et chercha une carte de l’univers.
Elle fut interrompue par un bip sonore. Sa montre afficha un nouveau message de la part de Gertrude. Liz cliqua dessus, sachant tout à fait quelle réprimande allait encore adresser sa supérieure.
« Message à Liz Hope,
Prière de vouloir arrêter de consulter des documents confidentiels en dehors de l’archive. »
Levant les yeux en appuyant sur répondre, elle prit néanmoins la peine pour ne pas être virée ou pire privée d’accès à distance. Elle avait tendance à oublier qu’elle ne devait pas l’utiliser en dehors des heures de travail. Les archives et la connaissance étaient sa passion, elle devait savoir. Et là, c’était une question de vie ou de mort. S’ils pouvaient.
« Message à Gertrude Hinterbauer,
Désolée, j’en ai besoin. On a peut-être découvert quelque chose d’important. Tu peux demander aux autres mugs de vérifier la relation « Etat des patients atteints de la maladie de l’espace en fonction de la distance à la Terre » chez eux ? Chez nous, c’est inquiétant. »
Elle ne dut pas attendre plus de cinq secondes avant de recevoir une réponse qui sonnait presque comme de la panique. Elle n’avait attendu rien d’autre. Gertrude était prompte à la panique.
« Qu’est-ce que tu veux dire, Liz ? »
« Rien de plus que ce que te montre le graphique. »
Il n’y avait rien de mieux pour expliciter les choses qu’un joli graphique bien fait. Karen semblait avoir fini avec celui-ci car elle avait même ouvert un écran de sa propre montre et y effectua des calculs qui n’avaient pas l’air simple.
– Tu peux m’afficher les valeurs ? demanda-t-elle distraite. Y a un truc qui m’échappe, c’est pourquoi nous deux avons pu traverser cet endroit – beaucoup de fois pour moi en plus – et pas les autres. Est-ce que c’est un hasard ou il y a une logique derrière. Une suite par exemple ? Je ne sais pas mais il faut que j’y réfléchisse !
Liz fit comme demander puis lança sa recherche sur les choses se trouvant à la distance d de la Terre. C’était environ douze heures-lumière d’après ses estimations. Elle espérait vraiment qu’il y avait des cartes parce qu’elle n’avait pas souvenir d’avoir déjà entendu parler de quelque chose au-delà du système solaire. Même s’ils passaient tout leur temps en dehors, cela restait la référence pour les pauvres humains exilés qu’ils étaient. Gertrude lui envoya un message la tirant de sa recherche.
« Pas possible de contacter les autres à part Schoclacho. Je t’envoie ci-joint les graphiques avec les données qu’on a d’eux datant de notre dernière rencontre. Ça correspond. »
Malheureusement sa supérieure avait raison. Les graphiques que Liz ouvrit sur des écrans à part pour les partager avec Karen ressemblaient beaucoup à celui qu’elle avait obtenu.
– En haut, c’est le mug K-Fée à gauche et le mug Lé à droite. L’un va jusqu’à l’année dernière, l’autre s’arrête il y a trois ans.
– Ils sont partis beaucoup plus loin ! s’extasia Karen. Regarde, ils ont aussi eu un mort chacun à la distance d mais ils ont un autre endroit aussi.
Liz regarda plus exactement et admira malgré elle la vivacité d’esprit de son ainée. Il y avait moins de données et le bruit cachait donc le schéma précédent. Karen s’était déjà penchée sur une nouvelle page de théories fumeuses pour lier les deux distances.
« L’archiviste de Schoclacho confirme aussi. Cf le graphique. Je dois m’inquiéter ou alerter quelqu’un ? »
Elle afficha le dernier graphique qui ressemblait beaucoup au leur et répondit aussi réconfortante que possible : « Pas encore. Merci. » Quoi ? Si elle commençait à s’exprimer avec des phrases longues, les gens s’inquiéteraient vraiment.
– Mais qu’est-ce que vous faites ?!
Héloïse était revenue dans la chambre et devait avoir eu un vrai choc en trouvant une pièce envahie d’écran virtuel représentant des graphiques. Liz l’ignora simplement tout entièrement concentrée sur sa recherche d’information par rapport aux deux distances, tandis que Karen mit un point final à une dernière théorie d’un grand geste de main qui faillit éborgner la jeune femme. Puis la vieille ingénieure se lança dans de grandes explications enthousiastes.
– Rien, grogna Liz en fermant son écran de recherche. Rien dans toute la base de données du mug T, ni dans celle ouverte de Schoclacho d’ailleurs. Ce n’est quand même pas possible…
Elle cligna des yeux en apercevant non seulement Karen et Héloïse mais aussi Docteur Chris et quelques-uns des astrophysiciens du mug en hologramme. Apparemment leur découverte ne devait pas rester secrète et entraînait des décisions qu’elle n’avait pas prévues. Bon, elle avait pas du tout pensé aux conséquences, elle voulait juste savoir.
– C’est bon, j’ai mon équivalent sur le mug Schoclacho en appel, déclara Docteur Chris. Docteur Larissa merci d’avoir répondu aussi rapidement. Apparemment nos archives ont déjà travaillé ensemble et nous avons donc constaté un lien entre la distance à la Terre et l’état de nos patients particuliers. On voulait donc juste s’informer comment ils vont et si vous aviez constaté quelque chose de particulier ces derniers jours.
Liz avait beau savoir qu’il y avait de la diplomatie aussi dans de telles relations mais c’était quand même inutile maintenant qu’ils lui avaient déjà envoyé le graphique qui disait clairement que l’un d’eux était mort au même endroit que Thomassino à peine quelques heures avant lui – le mug Schoclacho étant plus grand, il se déplaçait plus lentement. Elle n’entendit pas la réponse de l’autre docteur mais les réponses du leur suffisait pour la rendre curieuse.
– Oh, je suis désolé d’entendre cela. ... Oui, nous avons eu la même chose ici. … Comment ça, ils arrivent ? … Ils sont déjà chez nous ? … Non, on les a isolés… Quoi ?! … Vous voulez dire… Non, pas à ce que je sache. … Impossible ! … Oui, d’accord, venez aussi. … A tout de suite.
Docteur Chris raccrocha et haussa les épaules.
– Elle a parlé de super-héros qui doivent sauver la Terre et d’une prophétie qui en parle. En tout cas, elle va venir ici avec ses deux patients et…
– Ecoutez, l’interrompit l’ingénieur en chef du mug, Pierre Acrosce. On a beaucoup entendu et c’est inquiétant mais pas plus que cela. Nous allons procéder à des analyses pour découvrir ce qui se passe plus tard et nous concentrer de prime abord sur notre retour à la Terre. C’est la priorité numéro une. Nous verrons votre problème médical plus tard.
– Vous pourrez nous contacter si quelque chose d’important vient à se savoir, compléta un autre que Liz ne voyait pas de sa place.
Ces bonnes paroles désintéressées prononcées, les hologrammes disparurent avec de petits poufs et le docteur Chris fixa avec désespoir les endroits vides.
– Mais je suis sûr qu’il y a un lien ! protesta-t-il. A quoi nous serviraient des super-héros sur des vaisseaux spatiaux ?
Ecartant les bras pour exprimer son impuissance, il tourna sur les talons et se précipita vers son bureau. Héloïse leur fit des signes qui pouvaient vouloir signifier qu’elles devaient rester sages et le suivit.
– Il ne va pas bien, le pauvre Chris ? interrogea Karen avec désinvolture.
– Non. Demain, ça fera vingt ans que sa femme est morte. Tumeur au cerveau, lié à une maladie de l’espace.
– Comment tu sais… ? Non, je vais arrêter de te demander comment tu sais toutes ces choses. Mais sache que c’est quasiment un super-pouvoir d’omniscience à ce point.
Liz haussa les épaules. Elle n’allait quand même pas lui dire qu’elle avait juste lu le fichier qu’elle avait sous les yeux. Un silence s’installa dans la chambre et Liz retourna à son journal pour y noter les dernières découvertes.
– C’est quoi le tien ?
Elle ne brisait pas le silence si agréable et si exceptionnel de Karen le cœur léger mais elle devait savoir. Après tout, Karen connaissait son pouvoir de voyage astral, alors elle avait le droit de connaître le sien. Surtout qu’elle n’avait pas eu l’air très surprise en la voyant en tant qu’esprit. Celle-ci leva la tête de son écran virtuel – elle devait certainement être penchée sur le problème des deux distances, comme elle devrait l’être aussi.
– De quoi ?
– Ton super-pouvoir. C’est quoi ? répéta Liz en fixant son ainée.
Elle sentait tout à coup une pointe de jalousie. Pourquoi Karen était encore tellement belle malgré son âge ? Elle dégageait une vitalité que même sa toux régulière ne parvenait pas à enfreindre. Sa peau plissée avait une teinte pâle mais indéniablement encore marquée par une jeunesse sur Terre sous le soleil. Ses yeux bleus pétillaient et ses cheveux blancs ne dérangeaient pas du tout cette apparence. C’était déprimant. Au fond, elle espérait qu’elle aurait un super-pouvoir pas trop génial. Sinon ce serait vraiment injuste.
– Je ne suis pas sûre, avoua la vieille femme avec un grand sourire qui donnait envie à Liz de l’étrangler. Je pense que c’est quelque chose qui a à voir avec ma toux. Ça paraîtrait logique que la maladie de l’espace soit un symptôme des super-pouvoirs.
Non, Liz ne trouvait pas ça logique du tout mais elle se retenait bien de faire remarquer cela à Karen. L’ingénieure avait déjà eu raison sur trop de théories loufoques pour qu’elle se risque encore à ne pas lui faire confiance.
– Les reins tiendraient l’esprit dans le corps ? fit-elle néanmoins dubitativement.
– Pourquoi pas ? Karen écarta les mains d’un geste explicite. En tout cas, tu peux vérifier dans les rapports passés que j’ai toujours décrit la sensation qui précède la toux comme me brûlant la gorge. Alors avec le truc bizarre qui t’es arrivée, je me suis dite, pourquoi je ne pourrais pas cracher du feu, non ? Et puis ce serait classe ? Tu connais des gens qui crachent du feu ? Quand j’étais petite, au cirque, il y en avait. Et puis toutes les histoires avec des dragons ! J’adorais les dragons, j’étais vraiment déçue quand j’ai compris que c’était juste des créatures de légende.
C’était décidé, la vie était injuste. Pourquoi elle avait juste droit au déplacement en esprit – d’accord avec interaction avec la matière selon son souhait – et Karen au feu ? Elle était dégoûtée mais il ne fallait pas qu’elle y pense. Elle savait depuis longtemps que la vie ne faisait jamais de cadeau. Il fallait qu’elle reprenne le contrôle de sa jalousie et qu’elle la ravale. Après tout, Karen n’avait encore jamais craché du feu, n’est-ce pas ?
– Essaye voir.
Karen pouffa comme si elle avait fait une blague particulièrement drôle. Elle ferma l’écran qu’elle avait devant elle et lui adressa un regard enjoué. Juste avant de se faire secouer par une quinte de toux. Se calmant doucement, elle voulait se saisir d’un verre d’eau mais changea d’avis. C’était plus logique de ne pas éteindre le feu qu’elle voulait cracher, effectivement.
– Tu as un extincteur de prêt ? Juste au cas où que cela fonctionnerait parce que j’ai la gorge en feu, dis donc. Qu’est-ce qu’on dit si quelqu’un entre ?
– Qui veux-tu qui rentre ?
Liz haussa les épaules. Ce ne pourrait être que Héloïse et il faudrait bien qu’elles lui disent la vérité, à elle et à Docteur Chris, et si possible avant qu’ils apparaissaient comme complètement stupides face aux personnes de l’autre mug. Mais si ça se trouvait, s'ils étaient au courant depuis plus longtemps, ils avaient eu le temps de découvrir leurs pouvoirs, de les développer et de les maîtriser. Et elles deux seraient juste considérées comme des boulets. Il en était hors de question.
– Bon argument. Allez, je vais essayer. Concentration.
La jeune femme observa son ainée se lever, plisser le front dans une concentration tout à fait factice puisque son sourire la trahissait, et souffler devant elle. Une chose était sûre, ce n’était pas du feu qu’elle crachait mais de ce qu’elle voyait depuis sa distance de sécurité ce n’était pas de l’air normal non plus. L’air ondulait comme s’il était beaucoup plus chaud que celui aux alentours puis disparut en se mélangeant au reste. Le souffle chaud se finit en toux et Karen en fut pliée en deux.
– Tu brasses de l’air, commenta Liz se rappelant d’une expression ancienne.
– Je ne te permets pas ! protesta l’ingénieure en se redressant. Je réessaye. Peut-être si je tousse avant... ?
Liz était dubitative sur cette idée mais elle n’était pas dans le corps de Karen donc elle ne pouvait pas savoir ce qu’elle ressentait et donc pas prendre les décisions à sa place. Et puis, essayer des trucs étranges jusqu’à ce que ça donne le résultat voulu était un peu la spécialité de Karen. Elle la regarda donc tranquillement s’étrangler sous une toux provoquée puis souffler devant elle. A la grande surprise des deux femmes, un petit jet de flammes sortit réellement de la bouche grande ouverte. Karen la referma rapidement et porta sa main au cou.
– Je n’ai quasiment pas envie de tousser, fit-elle d’une voix enfumée. C’est génial !
Elle commença à faire une danse de joie improvisée tout en recrachant de petites flammes par ci et par là. Liz avait envie de vomir rien qu’en voyant Karen se donner à fond pour souffler son feu. C’était peut-être très bien qu’elle n’ait pas ce pouvoir-là. Ou un quelconque autre pouvoir qui nécessitait qu’elle crache quelque chose qu’elle avait déjà suffisamment de mal à garder. Alors elle allait gentiment garder ses voyages astraux et éteindre sa jalousie. Du moins sur ce sujet. Si elle pouvait avoir la peau légèrement bronzée de Karen ce serait toujours mieux. Quoique les rides à son jeune âge…
La porte s’ouvrit sur Héloïse et Docteur Chris accompagnés par trois personnes à la peau noire qui devaient être Docteur Larissa et les deux super-héros de Schoclacho. Si Liz avait cru que ses boucles rousses étaient belles, elle aurait volontiers pâli d’envie devant les cheveux denses et crépus de la jeune femme qui se cachait derrière son camarade – malheureusement elle avait le teint trop pâle pour ça. Pourquoi elle était entourée de personnes plus belles et plus talentueuses ? Elle se souvenait vaguement ne pas vouloir être jalouse de Karen, mais d’une fille de son âge…
– Vous allez rire, déclara Docteur Chris. Ils disent que vous êtes des super-héros et que vous êtes les seuls à pouvoir sauver la Terre des mains d’un tyran maléfique à vous quatre.
Bizarrement, Liz n’avait pas du tout envie de rire. Mais pas du tout. Malheureusement pour elle, Karen souriait déjà.
– Désolée, nous, on est des super-héroïnes !
Journal de bord de Liz Hope du dimanche 11 décembre 2112.
Dans quoi est-ce que je me suis encore embarquée ? Pourquoi est-ce que cela devait tomber sur moi ? Oui, je sais, parce que la vie est injuste. Mais ce ne serait pas trop demandé d’avoir quelques explications logiques ? Je vais finir par croire à cette histoire de karma que Polly essaye tout le temps de faire croire à François. Parce que bon une histoire de réincarnation est beaucoup plus facile à croire quand on peut séparer son esprit de son corps et qu’on a des coéquipiers qui respectivement crachent du feu, créent des éclairs dans leurs paumes et sont tellement rapides qu’on n’arrive pas à les suivre des yeux. Parce que oui, en plus de ne pas avoir des têtes de zombies, Amaniel et Tizita ont des super-pouvoirs vraiment classes. Je disais déjà que la vie était injuste ?
En attendant, je n’ai toujours pas trouvé un moyen d’utiliser mon pouvoir de manière offensive. Je veux bien aller espionner pour recevoir des informations mais apparemment les autres préfèrent une méthode plus offensive d’aborder le problème. De quel problème je parle ? Alors là, aucune idée. On peut aller sauver la Terre, mais nous expliquer d’où vient le souci et ce qu’on doit faire pour, c’est tellement démodé qu’ils disaient. Oui, je suis donc allée espionner mon propre côté.
Selon ce que j’ai entendu dans la salle de contrôle, l’activité humaine sur la planète est tout à fait normale et rien n’a des traces d’une catastrophe survenue il y a quarante-deux ans qui aurait expliqué la Grande Fuite. Grande Fuite qui n’est visiblement pas si grande puisqu’il y a encore environ cinq milliards d’humains sur la Terre. Il est donc probable que notre existence toute entière soit bâtie sur des mensonges. Karen ne se souvient de rien de concret d’ailleurs, ce qui n’est pas étonnant vu que j’ai trouvé la fiche technique d’un troubleur de souvenirs dans la base de données de Schoclacho. Cela ne m’étonnerait pas que quelqu’un en ait utilisé un sur Karen avant qu’elle ne monte à bord…
D’ailleurs, les bases de données confidentielles de chez eux sont premièrement vraiment intéressantes par rapport au passé et deuxièmement faciles d’accès. Je n’ai même pas eu besoin de sortir le deuxième clavier pour contourner la sécurité. Espérons que personne ne saura rien, ce serait bien ma veine que cela soit compté comme une déclaration de guerre entre mugs – mais je ne crois pas, la docteure Larissa a dit que je pouvais chercher les informations que je voulais quand je l’ai fixée dans les yeux en lui demandant des explications. Peut-être qu’elle n’aime pas les explications mais moi si.
Enfin voilà ce que j’ai trouvé : les mugs ont décollé pour sauver l’humanité au cas où une expérience – encore indéterminée – échouerait et rendrait la Terre invivable. Sympa, n’est-ce pas ? Surtout quand on pense à toutes les êtres vivants qu’on n’a pas demandés… Enfin, visiblement – d’après ce que j’ai vu et entendu dans la salle de contrôle – l’expérience a réussi. Je me demande bien ce que ça pouvait bien être. Certainement un truc imbécile qui vise à améliorer l’humain comme dans les films de science-fiction. Et tout aussi visiblement un tyran – un super-vilain dans la théorie de Karen et de Larissa – a pris le pouvoir de toute la planète. Bien sûr, on y croit.
Vous voulez le pire ? Je vais devoir aller l’affronter avec les autres. Tout ça pour qu’ensuite les habitants des mugs peuvent retourner vivre sur Terre. Ça va finir en guerre civile, je vous le dis. Qui voudrait vivre sur Terre s’il peut parcourir l’espace à la recherche d’aventure ? Moi, d’accord. Et c’est sympa pour passer les vacances au soleil – les vraies vacances au soleil je déconseille, le mug Pti-san s’est approché trop prêt et a fondu. En tout cas, je doute fort que les fous des mugs Lé et K-Fée aient envie de revenir vivre sagement sur notre planète.
– Tu te plains encore à ton journal ? se moqua Karen.
– Au moins, je sais ce qui se passe, siffla la jeune femme de mauvaise humeur.
Elle n’aimait pas que quelqu’un se moque d’elle et à plus forte raison de sa prise de note et de sa réflexion. Déjà qu’elle était obligée de passer du temps avec ses trois coéquipiers alors qu’elle ne voulait rien de plus qu’un peu de solitude et de calme pendant sa dernière dialyse avant l’aventure. Elle avait intérêt à ne pas durer plus d’une semaine sinon les autres devraient ramener son cadavre. Ou l’enterrer sur Terre d’ailleurs. C’était bien ce qu’on faisait à l’époque avec les morts, non ? Par manque de terre, les habitants des mugs préféraient brûler les corps. Honnêtement, elle s’en fichait. Elle serait morte de toute manière, qu’elle serve à chauffer de l’eau ou à nourrir des insectes, peu lui importait.
– Vous pourriez au moins faire semblant de vous entendre, commenta Amaniel en croisant les bras. On forme une équipe maintenant.
– Dans une heure quand on décollera pour la Terre, le corrigea Tizita.
Le regard gris fumée de Liz se posa sur les deux Schoclachoiens – est-ce que ça voulait dire qu’eux étaient des tiens ? Si Tizita était plus jeune qu’elle – oui, elle s’était trompée – étant encore une adolescente, Amaniel devait bien avoir trente ou trente-cinq ans et posait sur tout un regard sceptique qui aurait été plus agréable s’il n’avait pas l’habitude de tout juger sur l’extérieur et s’il avait le sens de l’ironie. Mais ainsi Liz ne savait pas comment s’adresser à lui – ça tombait bien elle n’allait tout simplement pas lui parler. Tizita était en pleine phase de rébellion et la fatiguait rien qu’à la voir bouger dans tous les sens tout le temps. Ce qui était sûr, c’était que ces deux-là n’auraient pas de problème à atteindre leur méchant, ce dont elle doutait fortement d’elle-même si par malheur il y aurait un escalier entre eux. Elle était vraiment pitoyable en fait. Elle allait demander une mutation dans le camp des méchants, ils avaient toujours des engins géniaux et pratiques dans les histoires. Et puis personne ne lui dirait quoi faire, elle allait tranquillement envahir les archives et personne ne lui chercherait les noises – un super-héros ne délivre pas des tas de papier.
– Pour tout vous dire, on s’entend très bien malgré la différence d’âge, sourit Karen. On s’entend même suffisamment bien pour se disputer.
– Ce n’est pas ton cas, je sais que tu n’as aucun ami, fit l’adolescente du groupe en jouant avec un élastique à cheveux.
Liz leva les yeux et ferma son journal pour assister à la joute verbale qui ne tarderait pas à éclater. Le seul homme avait serré les poings – est-ce qu’il y avait vraiment des étincelles qui en jaillissaient ? – et semblait se retenir de répondre violemment. Heureusement pour Tizita, il fut coupé avant même d’avoir pris de l’élan par la porte qui s’ouvrit sur les ingénieurs en chef des deux mugs. Si elle n’avait pas été si habituée d’être accrochée à une machine, elle aurait eu honte qu’ils la voient dans cette position. Mais au fond, c’était assez amusant. Surtout de voir les trois autres sauter sur leurs pieds comme si cela avait la moindre importance si on accueillait les personnes avec le plus d’influence dans les mugs en étant assis ou debout. De toute façon, ils n’avaient pas plus de pouvoir décisif que chacun.
– Bonjour, les super-héros ! fit Pierre Acrosce comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde et comme s’il n’avait pas donné son accord pour cette mission suicide dans laquelle ils s’étaient engagés.
– Un super-héros et trois super-héroïnes ! lui répondit Karen sur un ton où la blague se disputait le reproche.
– Oui, d’accord. Est-ce que vous êtes prêts ? Nous nous approchons de la Terre et de notre hauteur de vol stable. Vous pouvez dès à présent gagner votre vaisseau.
– Pas vraiment, fit Liz d’une voix neutre. Il reste trente minutes.
Le départ pour le vaisseau était prévu pour dans vingt minutes et le mug T n’arriverait à la bonne hauteur dans quarante minutes puisqu’il faudra ralentir pour incliner correctement l’angle d’approche. C’était évident et surtout tout cela était entièrement public. Il n’y avait donc aucune raison de lui lancer un regard aussi froid. Elle n’avait même pas dévoilé de secret. Et elle allait encore devoir expliquer des choses évidentes.
– Le vaisseau est petit et la machine en a pour encore un quart d’heure. Ça ne change rien qu’on attende ici avec des toilettes à disposition ou dans un vaisseau à l’étroit.
Pierre se râcla la gorge, légèrement gêné – il pouvait être gêné ? – et fit un geste d’acceptation, mais ce fut son collègue du mug Schoclacho qui reprit la parole d’un air sérieux qui figea Amaniel. Que faisait-il d’habitude ? Prenait-il ses consignes de travail de l’ingénieur en chef ? Et d’ailleurs c’était quoi sa forme de maladie de l’espace ? Elle ne semblait pas réellement impacter sa forme physique... D’ailleurs, c’était aussi le cas pour Tizita mais elle avait toutes les chances d’être hyperactive vu son attitude pendant qu’ils attendaient. Liz tapota sa montre à la recherche de sa liste récapitulative. Elle devait bien l’avoir enregistrée quelque part en local.
– Nous avons apporté des uniformes pour vous. De vrais uniformes de super-héros que vous pourrez porter sur la Terre après avoir enlevé les uniformes d’astronaute.
Liz leva les yeux sur ses coéquipiers. Elle s’attendait presque à une bêtise pareille venant d’en haut – d’accord elle avait intercepté le message adressé à la couturière. Par contre, si Karen avait l’air emballé et avait les yeux étincelants, les deux autres semblaient tout aussi sceptiques qu’elle-même.
– Vraiment ?! fit Tizita. Nos habits ne sont pas assez bien ?
La jeune rousse dévisagea le jean et hoodie noirs de l’adolescente. Elle n’était pas certaine que ce soit vraiment pratique pour se déplacer très rapidement mais elle ne pouvait pas réellement critiquer puisqu’elle ne tiendrait pas le rythme une seule seconde. Les ingénieurs en chef l’ignorèrent et firent entrer Marguerite, la couturière, qui portait les costumes de couleurs franchement criardes sur le bras.
– Voilà pour toi, Karen.
– Trop bien ! s’enthousiasma la vieille femme.
Pourquoi était-elle toujours si heureuse ? Surtout pour un justaucorps rouge orangé et une cape de la même couleur. N’était-ce pas un peu trop voyant ? Il ne se prêterait pas à la discrétion et elle avait peur que cela joue en leur défaveur. Cela dit, ce n’était probablement pas très discret d’arriver en vaisseau depuis l’espace de toute manière. Même si arborer son super-pouvoir de manière si ostentatoire lui paraissait toujours encore stupide. Avec un peu de chance le sien n’était pas comme cela – comment représenter les voyages astraux aussi…
– Je suis Flamme-Woman maintenant ! s’exclama Karen enjouée en se passant immédiatement la cape autour des épaules. Admirez-moi !
– Flamme-Mamie plutôt, commenta Tizita à voix basse.
Elle reçut son uniforme couleur fumée avec un soulagement visible. Elle avait probablement les mêmes craintes que Liz ou alors elle pensait juste que les couleurs n’allaient pas avec sa rébellion. En tout cas, c’était rassurant de voir que sa super-vitesse n’était évoquée qu’à travers la couleur fumeuse et quelques rayures discrètes. A l’inverse, celui d’Amaniel clamait à nouveau haut et fort son électricité. D’un bleu foncé, des éclairs déchiraient le ciel sombre représenté sur le costume. Plus sobre que le rouge, il ne laissait pas plus de doute quant à sa nature de cape de super-héros. L’homme s’en saisit avec un air d’obéissance dépitée qui horrifiait Liz.
– Et la tienne, Liz.
Précautionneusement elle se saisit de son déguisement de super-héros que lui avait apporté Marguerite. Il était plutôt simple et visiblement moins justaucorps que les autres. Elle espérait que c’était fait exprès et pas dû au fait que tous les habits étaient toujours trop larges pour elle. C’était peu probable mais cela ne la dérangeait pas plus que ça. Ce qui était étrange c’était la mini-jupe cousue par-dessus les collants. La couleur vert pastel n’était pas horrible mais n’indiquait absolument rien sur la nature de son pouvoir. Elle retourna sa cape de la même couleur – ils voulaient tous les avoir en unicolore ou quoi ? – et se figea.
– Un fantôme ?! fit-elle d’une voix blanche.
Pourquoi un fantôme ? Elle n’était pas encore morte à ce qu’elle sache. A côté d’elle, Karen s’étouffait d’un rire devenu toux, tandis que Tizita avait sorti un mouchoir qu’elle s’appliquait à déchirer en petits morceaux.
– Un esprit, corrigea Marguerite. D’où la couleur.
Depuis quand les esprits étaient vert pastel ? Non, elle ne voulait pas savoir. De toute façon, les fantômes et les esprits n’existaient pas. Et puis tant pis, hein. Au moins la couleur ne jurait pas trop avec ses cheveux. Et il était peu probable qu’elle revoit les méchants qui allaient l’apercevoir dans cette tenue.
La machine qui bipa et Héloïse qui entra dans la pièce la sauvèrent de devoir répondre quoique ce soit. Quelques minutes plus tard, elle était sur pied et si elle avait un peu mal à la tête, elle se sentait quasiment prête pour l’aventure. Elle se changea dans la salle de bain – comme prévu son uniforme lui était trop large et flottait autour d’elle, comme un fantôme… – puis rejoignit ses coéquipiers. Les costumes de super-héros étaient vraiment ridicules mais au final les autres semblaient s’être accommodés à l’idée de les porter. Elle avait aussi profité de quitter l’œil vigilant des autres pour lancer une recherche sur le tissu des uniformes. Apparemment il était fait pour optimiser les aptitudes physiques et permettre une transpiration saine. Sans oublier qu’il était élastique pour autoriser un maximum de mouvements et d’attaques stylées qu’on pouvait voir dans les films. C’était vraiment ridicule. D’ailleurs, est-ce qu’on pouvait parler d’uniformes puisqu’ils étaient tous différents ?
Le groupe se mit en route et avança vers le garage du vaisseau spatial miniature qui allait les emmener sur la Terre. Il était prévu qu’ils atterrissent sur le parking à côté de l’immeuble qui était le centre de contrôle de leur super-méchant. Des informations sur lui ? Non, complètement inutile. S’ils étaient au courant, nul besoin de super-héros pour l’affronter, n’est-ce pas ? Génial. Elle espérait juste qu’ils ne croiseraient personne. Evidemment, ils croisaient son seul ami, également la personne qui ne devait pas être au courant.
– Où est-ce que vous allez ? demanda le garde avec un sérieux auquel se mélangeait une inquiétude plus que visible pendant que son regard s’attarda sur elle.
Liz réalisa à cet instant qu’il les accompagnerait certainement maintenant qu’il allait apprendre ce qu’ils étaient en train de faire. François n’était pas un super-héros mais il était fort, il était entraîné et il savait utiliser une arme s’il le fallait. Et surtout il était son meilleur ami et il ne la laisserait jamais tomber.
– Tu as reçu les ordres pour l’ensemble des gardes, non ? fit l’ingénieur en chef.
Il commençait à la désespérer à se conduire en chef. Il n’avait pas à prendre les décisions à la place de tous les habitants même s’il était probablement le plus au courant. Il devait présenter et argumenter mais pas décider. La rousse se fit une note dans un coin de la tête de garder un œil sur lui dès son retour. Oh misère. Elle commençait à développer un complexe de super-héros…
– Laisser passer un groupe de super-héros qui veulent accéder au mini-vaisseau, se rappela François en fronçant les sourcils. C’est vous ?
– En effet, déclara Karen en prenant une pose de Super-Girl qui était encore plus ridicule qu’à l’écran. On a été chargés de descendre sur Terre et de la délivrer d’un…
– Chut ! Amaniel lui écrasa le pied. Tu n’es pas censée le raconter à tout le monde. C’est une mission secrète.
Liz supplia son ami du regard. Elle n’avait aucune envie d’y aller mais elle devait lui faire comprendre qu’elle l’avait promis à Karen et qu’elle devait tenir parole. Pour une raison qu’elle ignorait d’ailleurs puisque dans leur univers rationnel – ou du moins rationnel jusqu’à la semaine dernière – il ne se passait rien si on ne tenait pas une promesse. Enfin à part que la personne vous en voulait, ce qui était normal. Mais elle avait quand même envie d’y aller. De toute manière, il ne la regardait même pas.
François resta un instant bouche-bée puis laissa exploser le mélange de stupéfaction et de rage qui avait dû le submerger. Liz savait bien que c’était compliqué à comprendre pour lui. Il avait déjà du mal à croire qu’elle pouvait porter les livres et cartons des archives. Et quand elle voulait aller quelque part, il insistait souvent pour l’accompagner. C’était pitoyable mais elle était quand même rassurée de savoir qu’il viendrait avec eux. Il ne le savait juste pas encore.
– Comment ça, vous allez descendre sur Terre ?! Pourquoi spécialement quatre personnes fragiles qui ont même été interdites de se mêler aux habitants d’un autre mug ? Sur Terre, il y aura encore plus de microbes et de bactéries qui pourraient vous faire du mal ! Sans parler du fait que personne ne sait ce qui se passe là-bas !
– Nous savons maintenant, affirma calmement Liz. Nous sommes les personnes adéquates pour la tâche qui nous attend.
Le jeune homme la fixa avec de grands yeux avant de se tourner vers les autres et de les examiner un à un. Il avait visiblement toujours encore des doutes sur le fait que c’était eux qui étaient envoyés et Liz ne pouvait pas lui en vouloir – après tout elle n’était toujours pas convaincue elle non plus. François rendit son verdict après quelques minutes de silence pesant.
– Dans ce cas, je les accompagne. Je n’ai pas confiance en l’équipe pour protéger ma meilleure amie. Je pourrais toujours porter Liz si je ne sers à rien d’autre. Vous avez déjà pensé à passer du côté obscur pour avoir des gadgets classes ?
Pendant que Karen semblait réellement réfléchir à cette option et que Tizita approuvait de la tête, les deux ingénieurs en chef se consultèrent de la tête comme si la décision leur appartenait. Pitoyable les personnes de pouvoir qui en voulait toujours davantage. Liz savait qu’il n’y avait rien qui pouvait empêcher François de l’accompagner et elle en était réellement heureuse. Ensemble ils allaient peut-être avoir une chance. Finalement, Pierre donna sa bénédiction.
– Tant que tu restes du bon côté, tu peux les accompagner à tes propres risques et périls. L’assurance du mug T ne prend aucune responsabilité s’il t’arrivait quelque chose.
– On n’a pas de système d’assurance, commenta Liz, blasée.
Ignorée par tous, elle soupira en consultant sa montre. Ils avaient perdu du temps et ce n’était pas de sa faute. Heureusement que le mug Schoclacho les ralentissait encore plus que prévu. Pourquoi il voulait absolument rester à côté d’eux pendant toute la durée de la mission la laissait perplexe mais ce n’était pas pour lui déplaire de pouvoir repousser le moment de décoller un peu plus.
– Super, se réjouit François. Et où est ma cape ?
Une fois une cape trouvée – Pierre avait insisté pour qu’elle soit en accord avec l’uniforme de garde du jeune homme et avec les autres capes – les cinq héros étaient montés à bord de leur vaisseau et là il s’était avéré que les grands génies de l’organisation qui voulaient absolument diriger les opérations – nommément les deux ingénieurs en chef – avaient oublié de vérifier si l’un d’entre eux pouvaient voler. Heureusement que François avait eu le droit de venir puisque ce fut lui qui put prendre le volant. Ça commençait bien.
– Direction la Terre ! annonça le conducteur de vaisseau spatial fraîchement nommé. Je vous prie de vous installer confortablement et de mettre vos ceintures de sécurité. Les issues d’urgence sont inexistantes et les vestes de secours se trouvent sous vos sièges. Pas de boisson ni de nourriture jusqu’à ce que nous ayons atteint notre hauteur de vol stable. Notre service de restauration passera parmi vous le moment venu. Je vous remercie d’avoir choisi Vaisselle Airline et vous souhait un agréable vol.
Aucun commentaire. Elle n’allait faire aucun commentaire et espérer très fort ne pas être sujette au mal des transports. Elle n’avait jamais pu essayer – par manque de moyen de transport dans l’enceinte du mug – mais elle avait déjà la nausée rien que d’y penser.
– Vaisselle Airline, releva Karen entre deux éclats de rire.
– Bah, un vaisseau, une vaisselle, et c’est une ligne aérienne.
– Trois, fit soudainement une voix robotisée. Deux.
– On dirait les films d’il y a deux siècles, commenta Tizita d’une voix qui se voulait blasée mais qui trahissait son excitation. Faut croire qu’on ne sait toujours pas synthétiser des voix.
– Un.
– Ça va jusqu’à zéro ou c’est fini ? s’intéressa François mais personne n’eut besoin de lui répondre.
Le mini-vaisseau décolla dans un grand bruit de moteur et d’échos. Ce que Liz retint du voyage fut qu’elle avait effectivement le mal des transports. Karen et Tizita trouvaient ça apparemment très amusant de traverser l’espace puis l’atmosphère à toute vitesse et d’observer par la fenêtre la planète devenir de plus en plus grande jusqu’à ce qu’ils y atterrissent. Liz avait plutôt l’impression que ce soit un miracle qu’ils soient non seulement encore vivants mais en plus à l’endroit prévu. Ils sortirent et Karen ouvrit grand les bras pour se réjouir d’être enfin de retour sur sa planète de naissance quand ils prirent soudain conscience de ce qui les entourait. Ou plutôt de qui les entourait.
Impossible que ce soit des humains même s’ils en avaient la forme, les vêtements et l’intelligence. Les êtres autour d’eux faisaient plus de deux mètres de hauteur, étaient plus musclés que l’entraîneur des gardes sur le mug T – et il passait sa journée entière à cela – et les fixaient d’un regard hostile. Peut-être parce qu’ils avaient atterri sur l’un d’entre eux…
– J’imagine que vous ne nous croyez pas si on dit qu’on vient en amis, fit François d’une voix incertaine.
Journal de bord de Liz Hope du lundi 12 décembre 2112.
Est-ce que la date est un hasard ? Un coup du sort particulièrement réussi ? Ou tout était prévu à l’avance ? Quelque soit la bonne réponse, l’univers a un humour vraiment pourri.
J’ai toujours encore du mal à croire que nous ayons réussi à nous échapper de la foule d’humains mutés qui nous a présenté un si gentil comité d’accueil sur le parking. Je réitère mon avis d’après lequel on n’aura pas dû s’en mêler. Pourquoi essayer de délivrer une planète qui n’a pas la moindre envie de l’être ? On devrait s’occuper de nos propres affaires ça vaudrait beaucoup mieux. Vivre et laisser vivre, n’est-ce pas ?
En tout cas, on a réussi à accéder à l’immeuble désigné comme étant le quartier général à grand coup de lance-flammes (par Karen), d’éclairs (par Amaniel) et de croche-pieds (par Tizita). Non, je n’ai pas fait quoique ce soit. A ma plus grande honte, François a dû me porter à cause de mes jambes encore flageolantes après le vol. Ils auraient vraiment mieux fait de me laisser comme appât. Je ne sers vraiment à rien.
Le quartier général est bien équipé en matériel informatique et de ce que j’ai vu ils sont à peu près au même niveau de développement que nos projets en test. Sauf qu’ils sont déjà en pleine utilisation. J’imagine que le quartier général possède la pointe de ce qu’ils ont donc j’estime leur avance a six mois ou un an. Plus par rapport au mug Schoclacho. On s’est trouvé un endroit calme – les toilettes du deuxième étage – pour nous reposer et reprendre des forces. D’après les panneaux d’informations affichés à l’accueil, le bureau de Sam Moringal, le « PDG de la Terre », se trouve au dix-septième étage. J’aurais parié sur le douzième… J’hésite entre le soulagement que l’univers n’est pas de si mauvais goût que ça et le mauvais pressentiment quand on arrivera à l’étage douze…
Liz ferma son journal puis sauvegarda l’entièreté de celui-ci dans la base de données du mug T. Dans le compartiment secret qu’elle avait installé avec Gertrude au cas où elles devraient stocker des données vraiment confidentielles, puis elle se mit au travail pour déconnecter les montres des autres du réseau commun. Il était hors de question que l’un de ces terriens accède à leurs données et leurs systèmes de protection. Normalement, ils ne pourraient rien faire à partir de celles des autres mais la sienne était déjà une faille de sécurité énorme, donc elle allait faire ça proprement pendant que ses coéquipiers dormaient. Se connecter aux montres de Karen et de François était d’une simplicité enfantine. Elle verrouilla leur accès au réseau et supprima tous les mots-de-passe stockés dans le cache, puis fit de même avec celles des deux autres, ce qui était à peine plus compliqué même si elle ne connaissait pas leur système. A son retour, elle devrait vraiment indiquer aux informaticiens du mug Schoclacho qu’ils devaient revoir leur sécurité. Pour finir, elle se mit à nettoyer et à isoler sa propre montre. Toutes les données confidentielles qu’elle avait accumulées dessus, c’était incroyable ! Pourquoi en avait-elle eu le droit ?
– Tu ne dors pas ?
Elle appuya sur le dernier bouton d’approbation et leva les yeux vers son meilleur ami qui s’était tourné vers elle. Il la regardait de ses grands yeux bleus inquiets, ses cheveux longs complètement désordonnés après la nuit par terre. Elle pencha la tête avant de lui répondre.
– Tu ne fais pas ton jogging matinal ?
– Evidemment que non. Ah. Je vois. Tu fais quoi ?
– Je déconnecte les montres au cas où les ennemis les prendraient.
– Pourquoi ?
Il posait parfois des questions plutôt stupides. Tout système informatique pouvait se faire hacker par quelqu’un de doué et d’après ce qu’elle avait vu, ils avaient des personnes vraiment douées dans leur quartier général. C’était d’ailleurs étonnant qu’ils n’aient pas encore fait de tentative pour se connecter à leurs montres mais peut-être qu’ils n’étaient pas sur les lieux. Ou alors ils ne les prenaient pas assez au sérieux. Ils étaient quand même cinq personnes qui s’étaient enfermées dans des toilettes de QG.
– Parce que sinon ils peuvent par exemple éteindre le système de ventilation.
– On peut faire ça avec nos montres ?!
– Plus maintenant.
C’était vrai que François ne s’intéressait pas du tout à l’informatique. S’il pouvait jouer à des jeux vidéo, cela lui suffisait. Elle toucha sa montre et fut satisfaite de voir qu’elle ne lui affichait plus que leur position dans l’immeuble, la date, l’heure et les messages d’urgence – qui étaient désactivés en réalité.
– Je réveille les autres pour le petit-déjeuner, l’informa François. Je pense qu’on devrait se dépêcher d’agir avant qu’ils commencent à nous chercher.
Peu de temps après, le groupe était réveillé, rassasié et plein d’entrain pour commencer l’escalade de l’immeuble. Enfin tout le monde sauf elle-même évidemment. Elle avait toujours encore de la nausée et la perspective de devoir monter quatorze étages la fatiguait d’avance. Prenant son courage à deux mains, ce fut néanmoins elle qui déverrouilla la porte pendant qu’Amaniel se tenait prêt à électrocuter n’importe qui qui tenterait de s’introduire dans les toilettes. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’il n’y avait pas d’employés inoffensifs ici, n’est-ce pas ?
Karen prit les devants de l’opération après s’être enquise sur leur destination. Ils progressèrent sans être dérangés – c’était vraiment un immeuble de bureau avec de longs couloirs vides et des escaliers à peine moins remplis – jusqu’à ce qu’un panneau annonce le douzième étage. Evidemment le douzième étage. Cela ne pouvait pas être autrement. Un groupe de super-humains terriens leur faisait face, tenant des armes à feu dans les mains et les empêchant de passer.
– Je ne pense pas qu’ils veulent de la douane, fit François. On force le passage ?
Amaniel n’attendit pas la réponse pour se lancer à l’attaque. Très rapidement ce fut le bazar total. Liz se colla contre le mur et essaya de trouver une idée pour utiliser son super-pouvoir en combat. Elle ne pouvait pas déplacer les objets à distance ni rien faire d’utile. En fait elle ne pouvait rien faire du tout. Elle n’arrivait même pas à quitter son corps. Elle avait trop peur qu’il lui arrive quelque chose pendant son absence. Ça la bloquait complètement. Sans oublier qu’elle était déjà fatiguée à cause des escaliers… Elle ne comprenait vraiment pas d’où Karen prenait l’énergie de cracher du feu alors qu’elle avait soufflé et toussé à s’en arracher la gorge juste avant. Correction. C’était pour cela qu’elle pouvait cracher autant de feu. Devant elle, François avait désarmé un de leurs ennemis et les mitraillait avec leurs propres armes pour la protéger.
– Allez vous occuper du chef, cria Tizita. On s’amuse encore un peu avec ceux-là.
– Ouais, confirma Amaniel. Il n’y en a pas assez pour nous tous.
Les deux Schoclachoiens se battaient avec une ferveur qui semblait indiquer qu’ils s’étaient préparés pour ce moment durant de longues années. C’était franchement injuste. Enfin, elle n’allait pas râler non plus puisque c’était grâce à eux s’ils avaient la moindre chance de réussite. François appela Karen et les trois se précipitèrent sur les escaliers, les deux autres se mettant dans le chemin des ennemis qui voulaient les poursuivre. Ils se précipitèrent sur plusieurs étages, avant que Liz ne trébuche. Elle n’en pouvait plus mais les deux autres ne semblaient pas dans un meilleur état. Karen avait la respiration sifflante, des restes de flammes s’échappant de temps en temps de sa bouche. François profita de cette pause pour panser quelques plaies qu’elle n’avait même pas remarqué.
– Bon, on continue plus lentement, les encourageait le jeune homme. Je sais bien qu’on ne peut pas arriver devant ce PDG en étant complètement à sec mais on ne peut pas se permettre de rester plus longtemps ici que nécessaire.
Liz hocha doucement la tête. Elle avait mal partout. Ses muscles vibraient sous une tension qu’elle ne connaissait pas et elle essayait tant bien que mal de réprimer des haut-le-cœur. D’un seul coup, elle n’aurait plus le moindre problème de passer dans sa forme astrale. Même si ce n’était pas la meilleure des idées.
– Je peux jeter un coup d’œil sur ce qui nous attend, proposa-t-elle. Faut juste que vous surveilliez mon corps deux minutes.
Après un regard sur Karen pliée en deux, François acquiesça et Liz se concentra sur son souhait de quitter ce corps qui la faisait souffrir. Elle se sentit rapidement légère comme un nuage et elle lisait la surprise sur le visage de François quand elle se rendit invisible par sa simple volonté. Puis elle traversa le plafond. L’étage quinze était complètement vide mais l’étage seize contenait ce qu’elle supposait être la garde rapprochée du Super-Vilain : cinq terriens hauts de deux mètres cinquante avec des muscles plus larges qu’elle tout entière. C’était à ça que devait ressembler
– Je sens une présence, grogna l’un d’entre eux.
– N’importe quoi, aboya le chef de la garde. Ils ne pourront jamais passer à travers l’unité à l’étage douze. Tu devrais arrêter ta bière du soir.
Liz déglutit et retourna sans attendre dans son enveloppe charnelle. Si les gardes pouvaient ressentir sa présence alors qu’elle était invisible, cela ne servait à rien d’avertir le big boss de leur arrivée.
– Cinq au seize, souffla-t-elle dès qu’elle eut ouvert les yeux. Il y en a un qui a senti ma présence mais ils ne croient pas qu’on a pu dépasser leurs amis plus bas.
– Alors, on y va directement. Karen, il te reste du feu ? Liz, reste bien derrière moi.
Le haussement d’épaules que Karen lui répondit n’était pas vraiment mais ils n’avaient pas le choix. Ils devaient y aller avant de se retrouver coincer entre deux groupes d’hommes de main de leur ennemi imposé. Le cœur lourd, enfin surtout les jambes lourdes, ils grimpèrent les deux étages qui les séparaient du prochain combat.
D’entrée de jeu, François lâcha une rafale de coups de feu sur les cinq gardes mais ils n’étaient pas l’élite de la garde rapprochée pour rien. Ils s’y connaissaient en combats se jetèrent sur le jeune homme sans marquer la moindre hésitation face à leurs présences.
Karen essaya d’en cramer un ou deux mais la seule chose qu’elle réussit de cracher fut un filet de bave. Cela eut le mérite de tirer une grimace dégoûtée à son ennemi – ils avaient donc des émotions – mais ne le ralentit même pas. François se battit vaillamment mais il était désormais seul contre cinq et voulait protéger les deux femmes. C’était mal parti. Essayant de faire confiance à ses amis pour son corps, Liz se blottit contre le mur et essaya de se concentrer pour en sortir. Elle ne pouvait rien faire à cause de sa condition physique mais elle pouvait essayer de balancer des poings astraux sur les ennemis. D’accord, elle pensait la situation désespérée.
– Qu’est-ce que… ?
François ravala la fin de sa phrase quand son arme fit un clic sans tirer. Vide ! Liz le remarqua et pendant que son ami commença à l’utiliser comme un bâton ou une masse, elle saisit l’occasion. Elle fonça sur le garde du milieu, celui qui venait de baisser sa garde parce qu’il était protégé de tous les côtés et matérialisa sa main astrale juste avant de la lui coller contre la mâchoire.
– Aïe !
C’était que ça faisait mal de frapper quelqu’un ! N’était-elle pas censée sentir aucune la douleur parce qu’elle n’était qu’un esprit ? Enfin ce n’était pas le moment d’y penser. Profitant de la stupéfaction de son adversaire, elle lui arracha son arme et la ramena rapidement à François. Elle n’était pas sûre de savoir comment s’en servir et d’ailleurs il en avait bien besoin, les quatre autres s’acharnant sur lui. Pourquoi ils ne tiraient pas ? Elle eut la réponse à cette question quand François appuya sur la détente qu’elle venait de lui tendre. Ils étaient tous beaucoup trop proches !
L’onde de choc fit que Liz rouvrit les yeux dans son corps. C’était horrible, elle avait mal partout ! Que devaient ressentir Karen qui avait été plus proche ou surtout François qui avait été au centre de l’explosion ? Prise de la peur panique qu’ils soient morts, elle se précipita vers l’affrontement. Oui, d’accord, elle essaya et se ramassa après trois pas. C’est l’intention qui comptait. D’ailleurs, maintenant que la fumée se dissipait, elle pouvait très bien voir Karen poignarder les ennemis – d’où elle sortait un couteau et surtout suffisamment de sang-froid pour faire ça ? Cela voulait sans nul doute dire qu’ils n’étaient pas morts et que donc François avait une chance… Elle réussit à se remettre sur les genoux et se détourna pour vomir le maigre petit-déjeuner qu’elle avait réussi à avaler ce qui lui paraissait une éternité plus tôt. Comment Karen et François pouvaient tuer des personnes ? Même s’ils ne ressemblaient plus à des géants, c’était toujours encore des humains qui parlaient la même langue qu’eux, qui trouvaient la bave dégoûtante et qui buvaient de la bière. Elle aurait voulu se rouler en boule et oublier tout cela.
– Allez viens, Liz.
François ne lui demanda pas son avis avant de la soulever et de la placer sur ses pieds. A sa plus grande honte, Liz se relaissa tomber. Elle ne voulait plus. Si sauver des personnes signifiait devoir en tuer d’autres qui ne lui avaient rien fait, elle ne voulait pas être une super-héroïne. Même pour Karen.
– Tu aurais préféré qu’ils nous tuent nous ? La vieille ingénieure s’agenouilla à ses côtés. C’est horrible mais tu ne vas rien améliorer si tu restes ici à te laisser mourir. On va avoir besoin de toi en haut.
Liz aurait voulu rire noir mais elle était incapable de faire sortir le moindre bruit de sa bouche. Besoin d’elle ? C’était plus qu’improbable. Elle ne servait à rien. Elle ne servait jamais à quoique ce soit. Et ses seuls amis étaient des meurtriers. Ils n’étaient pas des super-héros. Ils n’étaient probablement même pas mieux que celui qui leur avait été désigné comme super-vilain. Qu’est-ce qu’ils savaient de lui d’ailleurs ?
– On n’aurait pas dû la laisser venir, déclara François. Tu n’aurais pas dû lui faire faire une promesse aussi ridicule. Tu savais qu’elle voudrait la tenir à tout prix. Et voilà où ça nous a mené. Tu es contente de toi, Karen ?
– Eh, je n’ai jamais voulu ça, intervint la cracheuse de feu. Allez, viens. Je sais ce qu’il faut. Des preuves qu’ils sont méchants et nous les bons.
– Tu as raison, pardon. Regardons les dossiers là-bas.
Liz pressa les mains sur les yeux mais les corps des gardes du corps qui ne reposaient pas plus loin que quelques mètres lui donnaient envie de vomir. Malheureusement elle avait déjà tout fait sortir alors elle restait prostrée là à écouter les théories de ses amis qui essayaient de trouver des informations.
– Regarde ça.
– C’est horrible. On ne peut pas lui montrer ça maintenant.
– En effet.
– Mais on fait quoi ?
– Le tableau-là avec les chiffres et les noms. Laisse les photos ici.
– Regarde, Liz. On fait des choses pas bonnes mais c’est pour une bonne cause. Regarde ce qu’eux font subir à des innocents sans défense.
Elle ouvrit les yeux en sentant du papier contre sa main. Ils avaient encore des données stockées sur du papier ?! Intéressant… Oui, les informations, c’était toujours important. Peu importe de qui sur qui et apportées par qui. Peut-être qu’elles n’étaient pas fiables mais ils étaient quand même dans le quartier général dans l’étage juste en dessous du chef. Il y avait des chances que ce soit vrai.
– Une liste de personnes, identifia-t-elle.
– Oui, avec date d’internement et date de mort, précisa François en grimaçant. Tu viens maintenant ?
Liz avait beau savoir qu’ils ne lui avaient donné probablement le pire des papiers mais elle trouvait cela encore plus horrible que de tuer des personnes armées et étant conscients qu’elles faisaient un travail risqué. Elle hocha la tête et François l’aida à se lever.
Le dix-septième étage n’était pas un étage. C’était le toit. Pourquoi n’y avaient-ils pas atterri directement ? Ils auraient évité les escaliers... Au milieu de ce toit de luxe – il y avait même une piscine – se tenait Sam Moringal, le PDG du monde et le super-vilain qu’ils devaient combattre parce qu’on le leur avait demandé. Il n’était pas bien grand et même pas terrifiant. Sa barbe de trois jours grisonnait. Son costume bleu et ses cernes creusées lui donnaient un air de manager surchargé. Il avait même un ordinateur portable coincé entre un bras et une auréole de sueur. En gros, il ne ressemblait pas du tout à l’image que Liz s’était faite de lui. Conséquence logique, elle se méfiait énormément.
A côté d’elle, puisqu’elle était toujours appuyée sur lui, François semblait se détendre. Elle avait envie de lui marcher sur le pied pour le réveiller mais c’était probablement une mauvaise idée. On n’affaiblissait pas sa propre équipe avant un combat. A peine à un mètre d’eux, Karen se tenait les côtes comme si elle avait couru un marathon, ce qui aurait probablement demandé moins de condition physique que l’escalade des escaliers. Si on ajoutait qu’elle-même ne tenait debout que grâce au bras de son ami et que celui-ci venait d’affronter une dizaine des soldats de ce Sam Moringal… Le bilan n’était pas très positif pour eux. Même face à un manager en burn-out. Et surtout face au PDG de la planète.
C’était foutu, ils ne pourraient pas le vaincre. Karen n’avait plus de souffle, François était fatigué et elle n’avait toujours encore pas découvert comment utiliser son voyage astral de manière utile en combat. Comment dépeindre une situation plus désespérée ? C’était difficile. Dans un film, ce serait le moment où le super-héros arriverait en volant pour protéger les pauvres civils qui criaient à l’aide et lutterait contre le méchant en tenue de cuir. Décidément, ce n’était pas un film. Sam-Vilain ne portait que des chaussures en cuir – et peut-être une ceinture mais elle ne pouvait pas la voir. Accessoirement, il n’y avait aussi pas de civils en vue – normal sur le toit d’un immeuble – ni de super-héros volant – c’était censé être son rôle d’après Karen !
Alors oui, Liz était convaincue qu’elle n’avait plus beaucoup de temps à vivre. Enfin encore moins que précédemment puisqu’on ne pouvait pas dire que l’espérance de vie d’un être humain soit particulièrement élevée si on ramenait cela à l’âge de l’univers, de la Terre ou même à celle d’une histoire. Pourquoi elle ne pouvait pas s’arrêter de penser des trucs sans importances ? Était-ce parce que son cerveau refusait la possibilité de mourir ? Et là elle avait l’envie pressante de parler – chose qui ne lui était encore jamais arrivée. Elle voulait partager ses pensées et en discuter. Alors qu’elles étaient complètement incohérentes vis-à-vis de la situation et inutiles au plus haut point. Tant pis.
– Vous saviez que les moutons Ile-de-France ont été élevés pour produire et de la viande et de la laine. Par contre, à chaque tonte, on n’obtient qu’environ cinq kilo alors que ça peut atteindre cent kilo pour un mouton…
– Ne me dites pas que mes actions dans les pulls de laine mérinos-alpaca ont chuté ! s’exclama le chef de toute la planète. Ils ne pouvaient pas me faire cela ! C’est un geste divin qui veut détruire mes plans diaboliques !
Qu’est-ce que des pulls en laine super-douce pouvaient avoir à faire dans des plans diaboliques ? Elle ne le savait pas. Et honnêtement elle n’était pas en état d’y réfléchir plus que ça. C’était une faille de son adversaire et elle ne devait pas penser au fait qu’elle devrait peut-être tuer quelqu’un. Il était cruel, il était méchant. C’était le pire manager et PDG du monde puisqu’il torturait et tuait des personnes innocentes. C’était son devoir de super-héroïne de l’en empêcher.
– Elles ont été dépassées par celles dans les pulls en polyester, affirma-t-elle sans sourciller.
– Catastrophe ! fit Sam-Vilain. Je vais vous tuer parce que vous avez eu l’imprudence de me l’annoncer sans amener de boîte de chocolats.
Il y avait des raisonnements qui lui échappaient sur Terre. Elle n’eut pas plus de temps pour s’y attarder car il se déplaçait vraiment rapidement pour un manager en burn-out. Karen fut balancée au loin par un coup de poing dans le ventre qu’elle n’avait même pas eu le temps de voir venir. Puis Sam-Vilain était déjà auprès d’eux et François paraît les coups avec autant de dextérité qu’il était possible avec une main en soutenant une autre personne, c’est-à-dire quasiment aucune. Au moment où un coup de pied particulièrement puissant le faucha de ses jambes, il poussa Liz hors d’atteinte de leur ennemi qui s’arrêta un instant avec le tournis suite à sa dernière attaque. La jeune femme était sûre que dans quelques instants il serait sur elle pour lui faire regretter ses paroles.
Ce fut à ce moment que les nuages se déchirèrent et qu’une énorme boule blanche fondit l’air pour atterrir sur Sam-Vilain. Elle attendit un moment et Liz eut du mal à croire ses yeux jusqu’à ce que la boule se releva, se secoua et prit la parole.
– Bonjour la compagnie ! Je suis Super-Moumoute ! Vous avez besoin d’aide ?
Un mouton volant. Pire un mouton super-héros. Liz devait d’abord digérer qu’elle venait de se faire sauver par un mouton. Ça, c’était sûr, c’était un très mauvais film.
– Merci, balbutia-t-elle. Tu viens de nous sauver…
– Ne me remercie pas, c’est le travail de Super-Moumoute !
Si un mouton pouvait sourire de pleine dent et montrer son pouce d’un geste qui se voulait classe, il l’aurait fait. Heureusement que les moutons avaient des sabots…
End Notes:
Alors ? La chute vous a déçu ? (non, ce n'était pas le but, j'aimais l'idée d'un super-héros-mouton qui sauve les super-héros en détresse). Un commentaire ?
Merci d'avoir lu !
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