Gideon Stryte et le pays maudit by Lowell Gideon
Summary:

Gideon "Stryte" et ses amis ont décidé de passer quelques jours de vacances en Urvakane, petite contrée de l'état d'Illawyn connue comme un attrape-touriste. Toutefois, les vacances tant espérées des jeunes explorateurs se voient fortement compromises lorsque, par un concours de circonstances, ceux-ci se retrouvent dans un manoir abandonné servant d'antre à ceux qui hantent les cauchemars des Urvakans : les Trois Fléaux...


Categories: Low Fantasy, Fantasy Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges:
Series: Aucun
Chapters: 10 Completed: Oui Word count: 11655 Read: 15374 Published: 11/09/2021 Updated: 11/09/2021

1. Prologue by Lowell Gideon

2. Chapitre 1 by Lowell Gideon

3. Chapitre 2 by Lowell Gideon

4. Chapitre 3 by Lowell Gideon

5. Chapitre 4 by Lowell Gideon

6. Chapitre 5 by Lowell Gideon

7. Chapitre 6 by Lowell Gideon

8. Chapitre 7 by Lowell Gideon

9. Chapitre 8 by Lowell Gideon

10. Chapitre 9 by Lowell Gideon

Prologue by Lowell Gideon
Il fait nuit noire en Illawyn, une des nombreuses contrées ornant la surface de l'entité Erdarane. Comme tout pays Erdaranien qui se respecte, Illawyn était peuplée d'une multitude d'ethnies, aussi bien bipèdes que quadrupèdes, humanoïdes ou non, privilégiant ou non la parole comme mode d'expression. Autant de populations ne pouvaient vivre que dans tout autant de provinces à l'image de leur diversité. Illawyn, de par son importante superficie, encadrait des décors aux formes et aux couleurs extrêmement panachées. Sur ce point, Illawyn pouvait être comparée à d'autres états Erdaraniens tels que le pays-continent d'Ilionia, quand bien même s'en distinguait-elle radicalement par sa culture, son histoire, et l'allure de ses habitants. Les deux pays partageaient cependant l'appartenance à une même Confédération, créée afin d'assurer la paix entre les différentes civilisations d'Erdarane.

Nous nous intéresserons plus exactement à une petite contrée Illawine du nom d'Urvakane. Il s'agissait, a priori, d'une région joyeuse, aux sols bien souvent enneigés et aux montagnes à la fois impressionnantes et accueillantes. De façon générale, ses habitants étaient réputés bien recevoir les étrangers, qu'ils soient d'autres provinces Illawines ou d'états tiers. Les nouveaux arrivants, d'abord charmés par les magnifiques paysages qui faisaient la réputation du pays, l'étaient encore d'avantage par l'accueil que leur réservaient les locaux ! On raconte même que de nombreux touristes, venus en Urvakane pour une simple promenade de santé ou de curiosité, en étaient venus à s'y installer définitivement !

Mais, comme susmentionné, c'était a priori...

La charmante Urvakane renfermait un point noir majeur, trouvant sa source dans un vieux manoir abandonné, isolé de toute civilisation, perché sur une noire montagne. Et c'est justement dans ce lieu sinistre que notre histoire commence...

De l'intérieur, on voyait bien que l'abandon habitait la bâtisse, tant les toiles d'araignées et la saleté peuplaient le sol et les murs. De nombreux objets épars, dont il était difficile de deviner la nature d'origine, jonchaient le sol crasseux. Mais il ne s'agissait pas des éléments les plus inquiétants de cette vieille baraque. Loin s'en fallait, car celle-ci n'était, en quelque sorte, pas totalement abandonnée. En effet, trois silhouettes fantomatiques se dessinaient en son sein : la première était d'une rutilance sanglante et n'avait pour seul corps qu'un visage flottant surmonté de deux yeux globuleux auxquels s'ajoutaient une gueule béante et deux gigantesques pinces donnant à la créature nommée Gaffor des allures de crabe fantôme.

La seconde entité avait l'aspect type d'un drap désincarné flottant dans les airs et répondait au nom de Kummitus. Quand bien même était-il d'un aspect fort commun pour un ectoplasme, il n'en était pas moins dangereux et nul ne pouvait vraiment savoir quel tour démoniaque ce spectre cachait sous son drap !

Enfin, le troisième élément, Skhorns, évoquait un squelette doté de cornes ainsi que d'ailes de chauve-souris.

Tous trois étaient connus par les habitants d'Urvakan comme les Trois Fléaux, de par la terreur qu'ils semaient à travers la province, jouant des tours (bien souvent mortels) aux locaux, quand ils ne décidaient pas, à l'occasion, d'en capturer pour les amener dans leur antre. Peut-être cela avait-il à voir avec les ossements présents dans certaines salles de leur repaire...

Kummitus tournoyait furieusement dans les airs, visiblement en proie à un profond agacement.

-Oh ! Que je m'ennuie, râlait-il. Les gens continuent à nous craindre mais sont de mieux en mieux préparés à nos farces ! Ils ne sont plus aussi intéressants à effrayer qu'avant !

-Tout à fait d'accord, approuva Gaffor sur un ton psychotique. Je partirais volontiers sur une tuerie en masse pour changer un peu !

-Imbécile ! Qui aurons nous sous notre joug, dans ce cas ? le rembarra Kummitus. Déjà que nous n'avons presque plus que les vieux de la vieille à nous mettre sous la dent...

-Beurk !!! s'exclama le crabe spectral, non seulement leur chair n'est pas fameuse, mais elle n'est pas aussi nourrissante que celle des chérubins ou des jeunettes !

A cette pensée, Gaffor passa une horrible langue bleue et disproportionnée sur son gouffre buccal. Un peu à l'écart, Skhorns lorgnait par l'une des étroites fenêtres de la maison, comme guettant une venue hypothétique dans leur repaire.

-C'est à croire que nos exploits se répandent à travers l'ensemble d'Illawyn ! soupira-t-il. De moins en moins d'imprudents semblent venir s'égarer dans nos pénates, ces derniers temps...

-Nous sommes bien trop doués, les mecs !

Le rire suraigu du spectre à pince résonna à travers les murs délabrés. Les deux autres, pour leur part, n'avaient pas du tout le cœur à rire. Surtout Kummitus qui grommela de plus belle.

-Je me sens ramollir de jour en jour, quand bien même ai-je perdu mon enveloppe charnelle depuis des siècles ! Vivement qu'il se passe quelque chose pour changer ça !!!

Kummitus et ses deux complices n'avaient pas à s'inquiéter. Ils ne s'en doutaient pas, mais leur sombre prière allait être exaucée bien plus tôt qu'ils ne l'espéraient...
Chapitre 1 by Lowell Gideon
Le lendemain de cette sombre nuit, un groupe de touristes, en provenance de la métropole d'Urbego, fit son arrivée en Urvakane, après un assez long trajet en train aérien. A l'image d'Illawyn et a fortiori d'Erdarane, c'était une petite troupe cosmopolite d'une diversité harmonieuse. Sept créatures aux allures et caractères bien distincts composaient ce curieux assemblage :

· Gideon « Stryte » passait pour le meneur de l'équipe. C'était un personnage humanoïde assez jeune, évoquant passablement un mustélidé (peut-être plus spécialement un furet) à fourrure brune et possédant des cheveux blonds solaires coupés au carré.

· Oswald « Ozzie » tenait pour sa part le milieu entre l'homme, la chauve-souris et le koala, possédant la posture bipède de l'un, les longues oreilles et l'ouïe fine de l'autre et enfin le museau rond et noir caractéristique du troisième. Cet étrange amalgame de traits se voyait complété par une fourrure rousse ainsi qu'une longue mèche de cheveux rouge ornant le sommet de son visage débonnaire.

· Yalla était pour sa part d'allure vulpine. Humanoïde également, de longs cheveux bruns soyeux ornaient son joli minois pour se faufiler jusqu'à son dos.

· Malou, félin femelle quadrupède paraissant à mi-chemin entre la tigresse et la panthère.

· Kelly, autre créature anthropomorphe, son allure tenait à la fois du sconse et du marsupial. Un peu garçon manqué malgré sa longue chevelure blanche lui conférant un zest de féminité.

· Moddey, canidé quadrupède au pelage jaune, bleu et vert et aux oreilles tombantes.

· Enfin vint Dorian, le plus humanoïde de tous, aux courts cheveux bleus, aux oreilles en trompette, au petit nez beige et à la peau vaguement orangée.

Arrivé au beau pays montagneux, le groupe contempla les magnifiques paysages de monts qui faisaient la réputation du lieu.

-Les amis, nous voici à destination ! s'exclama joyeusement Stryte. Regardez-moi ce décor ! Ca valait le coup de faire la route, non ?

-Un vrai coin de paradis ! confirma Yalla, c'est une bonne idée que tu as eu, Stryte !

-Ne nous fions pas trop à l'apparente tranquilité du lieu ! avertit Ozzie, champion de l'inquiétude. Des rumeurs courent que rares sont les touristes revenus de cette contrée !

-Quand on voit la beauté du cadre, ça s'explique facilement ! plaisanta à moitié Kelly.

-Je vous préviens, les amis que si on doit encore affronter démons, fantômes ou autres joyeusetés du même genre, ce sera sans moi ! tint à préciser Malou

-Malou, Ozzie s'angoisse pour rien ! tenta de la rassurer Dorian

-Gardons en tête que nous ne sommes là que pour une petite excursion d'agrément. Chasse au monstre et aventures périlleuses interdites, détente et amusement obligatoires ! dit Stryte

Moddey, de son côté, et conformément à sa nature canine, humait l'air des environs, analysant tout ce qui parvenait à son radar olfactif.

-Ca sent la montagne, la nature,... ça sent...ça sent ...

Une nouvelle odeur moins agréable lui parvint : celle de l'angoisse et de la panique voilée. Qu'est-ce que cela signifiait ? Moddey décida de ne pas en faire part à ses compagnons. Après tout, ce devait être juste la paranoïa d'Ozzie et Malou qu'il flairait ! Bientôt, une autre odeur, bien plus agréable et intéressante vint lui chatouiller le flair.

-Je sens également la bonne cuisine ! dit-il en se léchant les babines. Qui a faim ?

Les amis prirent alors conscience du vide emplissant leurs estomacs, ce qui commençait à avoir des répercussions sonores.

-Les gars, je crois qu'une pause casse-croûte s'impose, dit Dorian.

-Ouais ! En plus le soir tombe ! Allons trouver une bonne auberge ! Compte tenu de la réputation d'Urvakane, cela ne devrait pas être trop dur à dénicher ! décida Stryte avec enthousiasme.

Les compagnons s'aventurèrent dans le village. Les habitations, principalement des chalets, étaient, pour la plupart, décorés de somptueux motifs lumineux. On n'aurait eu aucun mal à se croire en période de fêtes de fin d'année !

-C'est sûr que ça change de notre bonne cité d'Urbego et de ses grattes-ciels ! constata Dorian.

-C'est curieux, mais j'ai l'impression que notre venue fait sensation, fit observer Yalla.

En effet, la troupe ne tarda pas à remarquer les regards insistants des habitants qui semblaient les observer avec grand intérêt.

-On dirait qu'ils n'ont pas vu d'étrangers depuis longtemps, dit Ozzie qui commençait à se sentir mal à l'aise face à tous ces regards tournés vers eux.

-Notre accoutrement les amuse peut-être, suggéra Stryte. Qui sait ? Evitons de trop y penser.

Le furet humanoïde avisa au loin une des quelques personnes n'ayant pas remarqué leur arrivée. En l'occurrence, une adolescente humanoïde visiblement très occupée avec son téléphone portable !

-Allons lui demander si elle connaît une bonne adresse, décida Stryte.

Toujours absorbée par son activité, la jeune fille ne vit pas le groupe s'approcher et sursauta lorsque Stryte l'aborda courtoisement.

-Pardon, jeune demoiselle...

L'adolescente manqua lâcher son téléphone. Lorsqu'elle se retourna, elle fixa les voyageurs la bouche grande ouverte, comme s'il s'agissait de revenants.

-Vous...vous êtes...des étrangers ? balbutia-t-elle, visiblement mal à l'aise.

Sentant la jeune fille intimidée, Yalla lui parla le plus doucement possible.

-Oui, nous venons d'arriver et cherchons un endroit où nous restaurer et dormir. Nous avons pensé que vous pourriez peut-être nous conseiller une bonne enseigne.

L'adolescente parût encore plus mal à l'aise. Face aux regards surpris du groupe, intrigué par son hésitation, elle s'efforça de reprendre contenance.

-Excusez-moi, je suis un peu timide...en particulier face aux étrangers.

-Tu n'as rien à craindre de nous, petite ! lui dit joyeusement Kelly à dessein de la rassurer, ce qui ne sembla fonctionner qu'à moitié. La jeune fille sembla hésiter encore quelques instants avant de répondre :

-A vrai dire, je connais un très bon établissement tenu par un ami de ma famille. C'est à deux pas d'ici. Si vous voulez bien me suivre...

Les compagnons s'exécutèrent. Toutefois, Malou remarqua que les habitants continuaient à les suivre du regard tandis qu'elle et ses amis avançaient à la suite de la jeune fille.

-Je n'aime pas ça du tout ! songea-t-elle pour elle-même. Si je n'avais pas promis de me détendre un peu, je jurerais qu'il y a anguille sous roche...

Quelques instants plus tard, la troupe fut amenée à l'entrée d'un luxueux établissement sobrement nommé "Au bon accueil".

-Eh bien ! Cela me semble un endroit fort accueillant pour s'appeler ainsi ! s'exclama Moddey.

Il sourit avec reconnaissance à l'adolescente qui s'efforça de sourire, toujours en proie à un mal être évident, comme si le fait de les avoir amenés à cette auberge l'emplissait de honte.

-Je vais vous demander d'attendre ici, dit-elle d'une voix tremblante, le temps que j'annonce votre venue au patron.

Un peu plus tard, elle vint retrouver la bande à l'entrée de l'auberge en compagnie d'un grand gaillard, humanoïde comme elle, que les compagnons devinèrent être le tenancier de l'auberge, à en juger par son embonpoint et son tablier bien usé.

-Bien le bonsoir les amis ! lança-t-il d'une voix exagérément enjouée à l'adresse des jeunes touristes. Bienvenue en Urvakane ! Marie ci-présente m'a dit que vous étiez nouveaux dans la région, me trompe-je ?

-A vrai dire, nous venons à peine d'arriver. Nous venons d'Urbego, précisa Ozzie, un peu intimidé.

-Ahah ! Des gens de la capitale ! Mais qu'importe ! En Urvakane, on loge tout le monde à la même enseigne. Entrez donc, chers amis ! C'est ma tournée !

Les compagnons ne se firent pas prier quand bien même Yalla se sentait un peu pincée par le terme « gens de la capitale » à la connotation douteuse. Cela mis de côté, la réputation des Urvakans comme rois de l'accueil paraissait bien fondée ! Le groupe et Marie suivirent donc le patron vers une grande salle dans laquelle résonnait une charmante musique d'ambiance et d'où jaillissaient des odeurs à faire saliver le moins gourmand des êtres !

Le patron frappa dans ses mains afin d'attirer l'attention des clients déjà attablés.

-Chers amis ! Ce soir nous avons des invités ! s'égosilla-t-il en désignant les nouveaux-venus.

Une exclamation enjouée résonna dans la grande salle en guise de bienvenue. Certains clients allèrent même jusqu'à lever leur verre. Toute cette attention sidéra le groupe. Malou se fit la réflexion que c'était trop enjoué pour être sincère.

-Pour un accueil c'est un accueil, fit Kelly.

Le patron amena ensuite les étrangers à une grande et belle table sur laquelle il déposa peu après un amas de mets et de victuailles digne d'un banquet royal ! De quoi supprimer bien des scrupules.

-Bon appétit ! lancèrent conjointement le cuisinier et le reste des clients.

Sans attendre davantage, l'équipe se jeta goulûment sur le festin pantagruélique. Marie les observait manger avec appréhension.

-Joins-toi à nous, petite ! l'invita Stryte.

Celle-ci refusa poliment, prétextant un manque d'appétit. Mais son malaise était clairement ailleurs. Les nouveaux venus se régalaient trop pour s'en soucier, cependant.

Quand tous les plats furent engloutis, le patron revint vers eux avec le dessert.

-Spécialité locale : un fruit délicieux dont vous me direz des nouvelles, jeunes gens !

Les compagnons se servirent alors dans le plat qui contenaient d'étranges petits fruits dont la forme et la couleur rappelaient des prunes miniatures. Dès lors qu'ils mordirent dedans, ils sombrèrent dans les vignes du Seigneur. Ce fruit, au puissant goût de miel, était d'une douceur telle qu'un simple quartier suffisait à plonger dans un joyeux oubli !

-Enfin je me sens vraiment détendue...fit Malou, la tête ailleurs.

-C'est décidé, les amis ! Nous restons bien quelques semaines ici ! déclara Stryte, dans le même état d'ébriété, voire quelques mois...

Le tenancier se frotta subrepticement les mains et envoya un clin d'œil à Marie ce qui arracha à cette dernière une grimace dégoûtée.

Une fois les fruits terminés, les compagnons baillaient à discrétion.

-Je me sens un peu vaseuse, dit Malou

-Moi aussi, dit à son tour Yalla qui commençait à sérieusement piquer du nez.

-Un petit dodo ne serait pas malvenu, dit Kelly.

Le tenancier de l'auberge s'approcha d'eux :

-Je vais vous montrer votre chambre. La plus belle de l'auberge, pas moins !

Les compagnons s'efforcèrent de le suivre, tels des zombies s'agrippant tant bien que mal à la vie. Parvenus à la spacieuse chambre réservée aux invités de marque, les compagnons se précipitèrent autant que leur état leur permettait sur les lits qui s'offraient à eux. Sans prendre le temps de remercier le patron ni de se souhaiter la bonne nuit, nos sept amis s'enroulèrent d'un sommeil que même un ouragan ne saurait briser, à la satisfaction malsaine du tavernier qui regagna la salle d'accueil de l'auberge. Il y retrouva Marie qui l'y attendait et à qui il tendit une liasse de billets.

-Merci petite, tu es ma meilleure rabatteuse ! Grâce à toi, Urvakane a gagné un peu de répit ! Tu peux disposer maintenant.

Marie prit les billets qu'elle fixa quelques instants comme s'il s'agissait d'un cadeau empoisonné, après quoi elle se précipita hors de l'auberge. Une fois dehors, elle se cacha des oreilles et des regards indiscrets pour s'effondrer en larmes. Ces étrangers s'étaient montrés si polis et si aimables ! Elle avait beau ne pas les connaître intimement, elle sentait bien qu'ils n'étaient pas dignes d'une telle sentence ! Pour de l'argent, qui plus est ! Quand bien même la situation financière critique de sa famille, mêlée à l'influence croissante du Tavernier sur les gens du village et à la menace pesant sur la région l'obligeait à de telles besognes, sa conscience la harcelait jour et nuit. La pauvrette priait pour qu'un jour, elle et son peuple soit débarrassés une bonne fois pour toutes des Trois Fléaux, à cause desquels elle se voyait contrainte à de telles bassesses.
Chapitre 2 by Lowell Gideon
Plus tard dans la nuit, alors que tous les hôtes dormaient à poings fermés, le tavernier mis son sombre projet à exécution. Il fit alors appel à quelques-uns de ses employés.

-Les gars ! La prochaine offrande dort paisiblement dans la plus belle de nos chambres ! Vous connaissez la marche à suivre.

Les employés s'exécutèrent sans mot dire. Le plus discrètement possible, ils se rendirent dans la spacieuse chambre où dormaient les étrangers d'un sommeil inébranlable, au point qu'ils ne tressaillirent pas lorsque les sbires du tavernier se saisirent d'eux pour les emmener dans un immense garage où attendait un énorme fourgon à l'arrière duquel ils furent entassés. Ni les employés ni leur patron n'avaient jugé nécessaire de les ligoter, compte tenu de l'infaillible efficacité du somnifère naturel qu'étaient les fruits leur ayant été servis ! Deux employés s'installèrent ensuite à l'avant du véhicule dont le moteur s'éveilla dans un râle. Cette tâche ne semblait en rien enthousiasmer les deux larbins. A l'instar de Marie, ils se dispenseraient bien de se rendre complice d'un tel forfait mais la fragile sécurité de leur contrée en dépendait ainsi que leur propre survie...Le patron ne tolérait aucune trahison !

Le fourgon roula bien quelques kilomètres, s'éloignant considérablement des zones habitées et s'enfonçant progressivement dans le blizzard nocturne et sauvage qui finit par l'engloutir totalement, seulement entaché par la lueur des phares du véhicule. Au bout d'un moment, le fourgon entama l'ascension d'une montagne, point culminant de ces décors, au sommet de laquelle trônait un vieux manoir délabré dont la seule vue suffit à nouer les entrailles des employés de l'auberge. Mais les ordres étaient les ordres.

Les Trois Fléaux, terrés dans leur antre, virent un rayon de lumière en transpercer la fenêtre.

-Skhorns, dit Kummitus, peux-tu voir ce que c'est ?

Le squelette cornu jeta un nouveau coup d'œil dehors. Quand il vit la source de cette lumière inattendue, une manière de sourire se dessina sur sa mâchoire décharnée.

-Les gars ! Je sens qu'on va enfin pouvoir se régaler, à tout les sens du terme !

A mesure que le fourgon approchait, plein d'une bonne chair fraîche, les Trois Fléaux peinaient à contenir leur excitation.

-Miam ! Miam ! fit Gaffor dont la bouche de puit déversait des flots d'écume toxique. On va les titiller un peu pour les rendre plus savoureux !

La bouche de Kummitus s'étira en un sourire cruel.

-Branle-bas de combat, les gars ! Vu que ce sont nos premiers « invités » depuis quelques temps, ils ont bien droit à un petit traitement de faveur !

Avec force caquètements et rires infernaux, les trois démons se terrèrent dans leur repère pour y mijoter quelques fatales farces...

La camionnette s'arrêta à une distance respectable de la maison hantée. Les employés de l'auberge se dépêchèrent de décharger le fourgon. Les malheureux touristes furent donc jetés un par un sur le pas de la porte, alors que la neige continuait de tomber. Ceci fait, leurs ravisseurs filèrent sans demander leur reste, ne souhaitant pour rien au monde être confrontés aux Trois Fléaux.

Un à un, les amis ouvrirent les yeux, réveillés par le picotement du vent et des flocons de neige qui commençaient à les recouvrir. Leurs sens recouvrés, ils bondirent sur leurs pieds, pris d'une panique soudaine.

-Mais... ? Que...quoi...bafouilla Ozzie

-Que faisons-nous là au milieu de nulle part et par un temps pareil en plus ?! s'interloqua Yalla, affolée.

Stryte fouilla ses souvenirs non sans difficultés (l'effet des fruits ne s'étant pas totalement dissipé). Enfin, des fragments d'images lui revinrent : leur arrivée en Urvakane, cette jeune fille très timide, une auberge, un festin en leur honneur...Il en fit part à ses compagnons, ce qui galvanisa leurs mémoires.

-Je me rappelle autre chose, dit Kelly, ces mets délicieux et surtout ces fruits, si doux qu'ils plongeaient dans une sorte d'ivresse...

-JE LE SAVAIS !!! s'écria Malou !!! C'ETAIT UN PIEGE !!! CE GROS PLEIN DE SOUPE DE TAVERNIER NOUS A DROGUES POUR NOUS ENLEVER ET NOUS AMENER ICI !!!

Tous les regards se tournèrent vers la jeune féline.

-Mais enfin, Malou, la tempérera Dorian, pourquoi aurait-il fait ça ? Et pourquoi nous avoir amené spécifiquement devant cette vieille baraque ?

Tout le monde examina du regard le lugubre bâtiment s'élevant devant eux. Un vieux manoir fantôme, isolé de la communauté et devant lequel on se retrouvait sans explication en pleine nuit n'avait rien de très rassurant...

-Il n'y a qu'un moyen de le savoir. Qui est prêt pour un peu d'exploration urbaine ?

Les amis de Stryte se mirent à le fixer comme s'il était un fou évadé d'un asile.

-Tu...tu n'es pas sérieux, rassure-moi ?! fit Ozzie

Mais Stryte n'avait pas l'air de blaguer. Yalla intervint donc.

-Stryte, je suis d'accord avec Ozzie. Erdarane sait ce qui peut se trouver en une telle demeure. Et admettons qu'il s'agisse d'un piège, ce serait tomber droit dedans !

Le furet blond haussa les épaules.

-Que veux-tu, Yalla ! Je suis de nature curieuse. Mais si quelqu'un a une meilleure idée, je suis tout ouïe ! Sachant que le blizzard souffle, qu'il fait trop noir pour retourner au village et que, de toute façon, il nous faut comprendre dans quelle situation on s'est fourrés.

Ses amis restèrent silencieux, tout en continuant de le fixer. Stryte prit cela comme preuve de la pertinence de ses arguments. Après tout, qui ne dit mot consent !

-Bien ! Alors je suggère que nous entrions là-dedans et que nous tentions d'élucider ce mystère.

Il s'avança alors vers la porte qui tomba en avant, dégondée, lorsqu'il posa la main dessus. Stryte entra le premier, suivi de chacun de ses compagnons, à l'exception de Malou.

-Sans moi ! grogna-t-elle. Hors de question que je risque ma fourrure là-dedans !

Ozzie, qui fut l'avant dernier à entrer après une phase d'hésitation, se tourna alors vers elle :

-Tu sais, si tu choisis de rester seule dehors, c'est le froid qui t'auras ! Donc le résultat sera le même...

Malou réalisa alors que le temps s'était encore dégradé. Le vent lui écorchait les oreilles et la neige tombait en rafale, l'aveuglant presque et la faisant grelotter, malgré l'épaisseur raisonnable de sa fourrure. Il n'en fallut pas plus à la féline pour se décider à suivre ses compagnons à l'intérieur du vieux taudis. Si elle devait y passer, autant que ce soit en compagnie de ses amis. Et au chaud tant qu'à faire !
Chapitre 3 by Lowell Gideon

A l'intérieur du manoir, nos héros se trouvèrent face à une infinie mer d'ombre, que les faibles traces de lumière en provenance de l'entrée et des fenêtres éclairaient à peine.

-Eh bien ! fit Moddey. Voilà une maison bien sympathique.

Ses amis ne pouvaient en dire autant. Ils n'osaient imaginer ce qui pouvait bien se tapir dans tant d'obscurité !

A peine tout le monde fut entré que la porte tombée à terre se redressa spontanément, comme par magie, pour claquer violemment derrière eux.

-Hé ! Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?! s'énerva Ozzie

Son premier réflexe fut d'agripper la poignée qu'il tira de toutes ses forces. Mais, comme il fallait s'y attendre, la porte refusa obstinément de bouger. Ozzie insista et redoubla d'effort à en grincer des dents. C'est alors qu'il bascula en arrière, la poignée entre les mains, sans avoir réussi à faire bouger cette foutue porte.

Kelly décida de prendre les choses en mains. De ses jambes et pieds entraînés au combat, elle asséna un coup dans la porte qui se volatilisa au moment de l'impact, laissant place à un mur indestructible !

Les amis durent se rendre à l'horrible évidence : ils étaient bel et bien prisonniers de ce sombre taudis ! C'est alors que d'horribles rires résonnèrent tout autour des compagnons, qui ne savaient que trop bien ce que de tels caquètements présageaient !

-C'est bien ce que je pensais, murmura Stryte, une maison hantée !

-Que...Qu'est-ce que tu dis ? trembla Moddey.

-Sans blague ! ironisa Malou. Et que fait-on maintenant, monsieur le téméraire ?

-Nous devons en savoir plus et explorer cet antre ! Surtout, restons grouper ! Ozzie et Malou, puisque d'entre nous, vous êtes ceux qui voient le mieux dans le noir, vous ouvrirez la marche.

C'est ainsi que le groupe entama son exploration ténébreuse à la suite d'Ozzie et Malou qui auraient donné n'importe quoi pour ne pas être là. Yalla, qui marchait à l'arrière du groupe avec Moddey, sentit quelque chose lui étreindre la jambe.

-Moddey, je sais qu'on doit rester groupés dans ce lieu sinistre mais ce n'est pas une raison pour t'accrocher à moi de la sorte !

-Mais... ? Yalla ! Ce n'est pas moi qui...

Yalla réalisa soudain que ce qui s'enroulait autour de sa jambe avait la consistance d'un long tentacule gluant ! Elle sentit progressivement la chose lui remonter le genou jusqu'à parvenir sous sa jupe ! La panique envahit la vulpoïde qui se mit à hurler. Ses compagnons sursautèrent :

-Yalla ! Que se passe-t-il ? s'enquit Kelly.

Mais ce fut à son tour ainsi qu'au reste de la troupe de frémir d'horreur tandis que d'autres tentacules jaillissaient du sol pour leur agripper jambes et pattes ! Les premiers réflexes des aventuriers furent de se débattre voire de pincer et/ou mordre les appendices visqueux. Aucune de ces méthodes ne se révéla efficace, les tentacules resserrant leur étreinte à chaque attaque, au point de bientôt les ligoter entièrement !

« Cette fois c'est la fin ! » songea Ozzie suffoquant. Un drôle de miracle se produisit toutefois par l'intermédiaire de Kelly qui, sous l'effet de la frayeur, de la colère et de la constriction eût un réflexe type des méphitidés auxquels elle s'apparentait. Une odeur méphitique due à un jet de musc émana d'elle. Une de ces odeurs qui harcelaient l'odorat, brulait la gorge et piquait les yeux. Si ses compagnons, de par leur situation, n'en pouvait rien sentir, ce ne fut pas le cas de l'entité tentaculaire ! Prise de violentes convulsions, elle finit par relâcher son étreinte et ses proies, pour se fondre dans le sol comme si elle n'avait jamais existé ! Les compagnons attendirent quelques secondes en se bouchant le nez afin de ne pas respirer les horribles relents. Quand ils furent sûrs que l'odeur fut partie et que chacun avait retrouvé son souffle, Kelly fut la première à parler.

-Je me disais bien qu'elle finirait par être utile, cette odeur qui me colle aux basques depuis toujours !

-Qu'était-ce donc que cette chose ? gémit Yalla, encore sous le choc.

-Je ne sais pas, mais sûrement le fruit d'une magie peu recommandable ! dit Stryte. Ne nous attardons pas ici, il faut en avoir le cœur net !

L'espace d'un instant, Stryte se demanda s'il avait eu raison de vouloir se lancer dans un tel périple. Mais il était trop tard pour faire machine arrière. La seule option était d'aller au bout de cette erreur voir si c'en était une.

Cachés aux yeux des vivants, les Trois Fléaux avaient tout vu des exploits de ceux-ci.

-Ces cloportes sont peut-être plus forts qu'ils en ont l'air ! dit Skhorns. Ils risquent de nous donner du fil à retordre !

-Un coup de chance passager, rien de plus ! rugit Kummitus avec autorité. Mais cela ne va pas durer ! C'est moi qui vous le dis ! Tout le monde à son poste !

Les Trois Fléaux se dispersèrent dans leur immense repaire, chacun connaissant son rôle. Ces misérables mortels ne payaient rien pour attendre !

Chapitre 4 by Lowell Gideon
Nos héros continuèrent donc leur noire exploration, redoublant de prudence compte tenu de leur dernière mésaventure.

-Stop ! crièrent de concert Ozzie et Malou. Nous voici face à une gigantesque porte !

-Sauriez-vous l'ouvrir ? leur demanda Dorian

-Heu...penses-tu sincèrement que ce soit une bonne idée ? demanda Ozzie

Stryte émit un soupir agacé face au comportement pusillanime de son ami et se précipita pour tenter d'ouvrir la porte qui leur faisait face. En vain. Soit que cela relevait également d'une mauvaise magie, soit que cette poignée n'avait été manipulée depuis bien longtemps.

-Bon, laissez faire les professionnelles ! En espérant que celle-ci ne se fonde pas dans le mur comme la précédente.

Kelly s'avança à son tour vers la porte et demanda à ses amis de s'en écarter pour effectuer sa manœuvre en toute sécurité. Après quelques instants de concentration, elle effectua une magnifique pirouette digne des plus grands maîtres en arts martiaux qui lui permit, d'un bon coup de pied, de défoncer la porte récalcitrante.

-Et voilà le travail ! s'exclama Kelly avec contentement.

Aussitôt, un gigantesque et bruyant flot, comme un essaim de créatures volantes, jaillit de la salle déverrouillée, fonçant sur nos héros. Ce flot du mal était à base d'horribles créatures volantes aux yeux jaunes globuleux, aux becs munis de rangées de petites dents tranchantes, évoluant dans l'air grâce à leurs ailes de démons tout en poussant des cris stridents. Les compagnons se débattirent de toutes leurs forces face à cette soudaine attaque aérienne.

-C'est une vraie tornade ! cria Dorian, luttant avec peine contre toutes ces ailes qui le frappaient de plein fouet.

Malou et Moddey essayèrent bien de croquer quelques volatiles, mais ceux-ci jouissaient d'une rapidité redoutable !

-AU SECOURS !!! hurla Yalla qui vraisemblablement jouait de malchance, J'AI UNE DE CES BESTIOLES DANS LES CHEVEUX !!!

La malheureuse avait beau se secouer, la créature continuait à s'agiter dans sa chevelure. Saisissant le volatile à deux mains, elle parvint, au prix d'un sacrifice capillaire, à s'en débarrasser.

Après quelques instants, l'averse d'ailes et de cris cessa. Les compagnons purent relever la tête.

-Saletés ! s'énerva Yalla en se recoiffant à grand peine.

-Et nous ne sommes qu'au début de notre exploration ! fit remarquer Moddey. Je n'ose imaginer quels pièges nous restent à affronter dans cet immense manoir !

-Vachement rassurant ! maugréa Malou.

La salle que Kelly venait d'ouvrir s'avéra un peu moins obscure et la bande découvrit qu'elle renfermait une gigantesque bibliothèque !

-Je ne sais pas qui peut ou pouvait bien habiter cette demeure, mais mon instinct me dit qu'ils aiment ou aimaient la lecture ! observa Moddey.

Mais, alors que les amis avaient commencé à longer les étagères poussiéreuses, Ozzie sentit quelque chose le frapper violemment à l'épaule.

-Ah non ! se fâcha-t-il. Comme si ce n'était pas déjà assez effrayant comme ça, vous vous amusez à me faire peur !

Ses compagnons ne comprirent pas ce qu'Ozzie voulait dire et clamèrent leur innocence. De fait, aucun n'était responsable de ce coup ! C'est alors que Stryte sentit aussi quelque chose le frapper dans le dos.

Ce fût bientôt le groupe entier qui fut bombardé par des projectiles, en l'occurrence des livres jaillissants des étagères pour venir les percuter violemment !

-Vite ! Courrez ! cria Stryte.

Les bouquins maudits accélérèrent aussi la cadence à mesure que la troupe fonçait à travers la bibliothèque possédée !

Les compagnons parvinrent bien vite au bout de la bibliothèque qui, à leur grande horreur, s'avéra une impasse, une autre étagère s'élevant devant eux tandis que les livres enragés les rattrapaient !

-Cette fois, c'en est fait de nous ! geignit Ozzie, désespéré.

-Attendez un peu ! s'écria Dorian.

Le garçon venait d'examiner l'étagère qui leur bloquait le passage. Il avait remarqué que trois livres en dépassaient parmi tous les autres bien rangés. Il se rappela alors un jeu auquel il aimait jouer et qui contenait une énigme du même genre ! Au hasard, il renfonça chacun des livres proéminent un par un, mais ceux-ci rejaillirent aussitôt. Ce n'était pas la bonne méthode. Il essaya dans un autre ordre et le résultat fut le même. Et l'ouragan de pages approchait dangereusement. Dans un geste désespéré, il appuya sur les trois à la fois. Cette fois, ils restèrent enfoncés et les livres volants se rangèrent bien sagement. Une nouvelle fois, les amis venaient de narguer la mort !

-Ouf...Il était moins une ! Bravo Dorian ! souffla Kelly

-Et maintenant ? demanda Malou.

-Attendons un peu ! dit Dorian. Peut-être que dans quelques instants, une sortie s'ouvrira ! Ca fait souvent ça dans les jeux.

La sortit s'ouvrit bien, mais pas de la façon attendue par le groupe. Le sol se déroba sous leurs pieds, précipitant les compagnons dans un gigantesque toboggan aux violentes boucles et virages, dont les parois se renvoyaient leurs cris de terreur. Et ce n'était rien par rapport à ce qui guettait la troupe en fin de descente !
Chapitre 5 by Lowell Gideon
Quand enfin l'interminable descente cessa, les compagnons baignaient dans une gigantesque mare verdâtre et pestilentielle.

-Beuârk !!! fit Malou ! Dans quoi somme nous encore tombés ?!

Ozzie examina le liquide nauséabond.

-On croirait une sorte de potage à base de déchets !

De quoi faire redoubler les exclamations dégoûtées.

« MIAM ! MIAM ! »

Les amis fouillèrent l'endroit du regard, cherchant la source de ce bruit abrupt. Personne en vue, naturellement ! Vaillamment, Stryte se releva, les jambes trempant dans la répugnante substance.

-QUI EST LA ? MONTREZ-VOUS, SI VOUS L'OSEZ !!!

Un grand rire résonna dans la drôle de salle.

L'émetteur de la voix se matérialisa, et ce que virent les compagnons leur glaça le sang : devant eux, Gaffor, ses pinces géantes et sa bouche de puit écumante apparurent.

-Appelez-moi Gaffor, pauvres mortels ! Vous avez triomphé de tout les pièges jusque là, mais comme le veut la formule, « après l'effort, le réconfort ». Un bon repas par exemple !

Sa langue spectrale passa goulûment sur ses babines. Les compagnons ne tardèrent pas à comprendre ce que le monstre insinuait.

-A TABLE !!! rugit le Fléau.

Ouvrant toute grand sa bouche béante, il plongea sur la troupe, l' engloutissant ainsi qu'une bonne ration de potage !

A l'intérieur de sa bouche, les compagnons luttaient de toutes leurs forces pour ne pas se laisser avaler, agitant bras et jambe à contre-courant du potage giclant vers l'estomac de Gaffor et gardant à grand peine la tête à l'air libre pour ne pas périr noyés !

Mais celui-ci n'était pas aussi stupide qu'il pouvait paraître ! Aussitôt, afin de pousser ses proies dans leurs retranchements et dans son estomac, il avala une nouvelle rasade de soupe pestilentielle. Les compagnons n'avaient plus aucun accès oxygéné. Ce fut Malou qui, relevant machinalement la tête tout en luttant, aperçu ce qui s'avérait leur source de salut. Nageant de toutes ses forces vers le haut, elle espérait atteindre l'étrange appendice pendouillant au palais du monstre et qui évoquait grandement une luette. Au prix d'un dernier effort, elle parvint à l'atteindre et s'y agrippa fermement, priant de tout cœur pour que son plan réussisse !

Gaffor se sentit soudain tout drôle : il avait des vertiges et commençait à être sujet à d'oppressantes nausées.

-Ouh là...J'aurais peut-être dû y aller mollo sur les amuse-gueules...

Sa nausée monta de plusieurs crans et bientôt, dans un renvoi sonore, son gouffre buccal déversa tout le contenu de son estomac. Les compagnons furent de nouveau projetés dans l'écuelle géante remplie de "potage". Quand ils recouvrèrent esprits, ils se virent encore plus sales qu'avant !

-C'est moi où on vient de se faire...dégobiller ? demanda Ozzie en choisissant bien le dernier mot.

Gaffor, remis de ses nausées, manqua s'étrangler de fureur en voyant que ses proies s'étaient échappées. Aussi, il n'en resta pas là :

-MISERABLES CLOPORTES !!! VOUS VOUS CROYEZ PLUS MALINS QUE GAFFOR ?

Mais, alors qu'il s'apprêtait à replonger sur les compagnons, Moddey eût une idée. Se faufilant derrière Kelly, il lui mordit brutalement la queue, lui arrachant un grand cri ainsi qu'un nouveau flot musqué.

-Bouchez-vous le nez ! dit Moddey aux autres.

L'odeur redoutable parvint à Gaffor, le coupant brusquement dans son élan. Il sembla pris de convulsions tant l'odeur lui était insupportable !

-PAR LES ENFERS !!! hurla-t-il.

Sa bouche se tordit en d'horribles grimaces inexpressives tandis que ses gros yeux versaient des fleuves.

-Oh...je ne me sens pas bien...pas bien du tout...Ohhh !

« PLOP !!! ». Gaffor venait d'éclater en plusieurs petites molécules qui elles-mêmes disparurent comme de simples bulles de savon.

-Ouf ! dit Dorian, bon débarras !

-Nous sommes salis mais en vie, c'est déjà ça ! renchérit Stryte.

Kelly se tourna vers Moddey.

-Même si ton idée s'est avérée bonne, tu n'étais pas obligé de m'arracher la queue comme ça !

Le canidé eût un sourire gêné.

-Qui veut la fin veut les moyens, Kelly !

On félicita Malou grâce à qui le groupe était sauvé. Momentanément, tout du moins, car il n'y avait rien dans cette pièce qui paraissait une sortie ! Moddey inspecta les murs qu'il gratta de la patte. Alors qu'il commençait à perdre espoir, il sentit un mur plus creux que les autres. Il appela alors Malou pour qu'elle l'aide dans son entreprise. C'était peut-être là la solution !

Le résultat ne se fit pas attendre : les deux quadrupèdes réussirent à creuser une ouverture suffisamment large pour y faire passer le groupe. Un à un, chacun s'y engouffra. Quels nouveaux mystères les attendaient donc de l'autre côté ?
Chapitre 6 by Lowell Gideon
L'ouverture creusée par Moddey et Malou débouchait sur un étroit tunnel au bout duquel luisait un zest lumineux.

-On m'a toujours dit qu'il ne fallait pas suivre la lumière au bout d'un tunnel, geignit Ozzie.

Ne faisant aucun cas de ses dires, les explorateurs de l'ombre se dirigèrent vers la lumière, sachant que dans un tel arsenal, cela ne pouvait être bon signe.

Quand ils atteignirent l'endroit illuminé, ils en furent d'abord éblouis (normal quand on a passé tant de temps dans le noir). Quand leurs yeux s'habituèrent à la lumière, tous furent frappés d'horreur et d'effroi une nouvelle fois. La raison était qu'ils avaient pénétrés dans une grande salle circulaire dont le sol était jonché d'ossements. Probablement les précédentes victimes de ce lieu. Parmi les compagnons, seuls Moddey trouva quelques réjouissances à cette vision.

-Tous ces os ! De quoi faire un festin !

Déjà, il s'apprêtait à aller se servir en se léchant les babines. Stryte le retint par la queue.


-Idiot ! Ta gourmandise te perdra ! Autant d'ossements dans une seule pièce, il doit y avoir un os...si j'ose m'exprimer ainsi !

Dorian repéra à l'autre bout de la pièce ce qui donnait l'espoir d'une issue.

-Les amis, j'ai localisé la sortie, dit-il en la désignant. Il s'agit maintenant de l'atteindre sans bobos !

Kelly se précipita devant, malgré les recommandations de prudence.

-Que des ossements inoffensifs ! Pas de quoi s'inquiéter !

Mais Kelly apprit bien vite que l'impulsion est mauvaise conseillère ! En effet, le deuxième des Trois Fléaux les observait sous couvert d' invisibilité. Il s'agissait de Skhorns qui ricanait intérieurement à la perspective de la surprise qu'il leur avait réservé. Il claqua bruyamment des doigts, faisant sursauter les amis qui ne purent bien sûr pas trouver la source du bruit.

-Qui..qui a fait ça ?...trembla Ozzie.

Personne ne le savait. Et c'est alors que la « surprise » de Skhorns se mit en branle. Comme mus par quelque force funeste, les ossements se mirent à gesticuler, sans aide extérieure, pour venir s'assembler entre eux afin de former des corps. Des corps évoluant mécaniquement, comme dénués de toute forme de libre arbitre ! Simples puzzles d'os revenant maladroitement à un souffle de vie. Nos héros se recroquevillèrent les uns contre les autres, face à ce qui fut bientôt une armada de squelettes s'avançant vers eux en poussant de grands râles et qui finirent par les acculer.

-Et maintenant ?...gémit Malou, les yeux écarquillés de terreur ?

Un squelette se jeta brusquement sur le groupe en rugissant. En quelques instants, il retrouva son état initial suite à un bel enchainement technique de la part de Stryte qui parût surpris du résultat de son mouvement réflexe. Il décida de faire subir le même sort à d'autres squelettes arrivant en renforts. Encouragés par son audace, ses amis vinrent lui prêter main-forte. Kelly, elle-même connaisseuse en négociation musclée, mit à elle seule une bonne dizaine de squelettes hors d'état de nuire. Yalla et Dorian étaient loin d'être pris au dépourvu. Malou et Moddey mordaient pour leur part les tibias et autres articulations à leur portée. Il suffisait d'arracher un seul os pour que les corps se désagrègent.

-POUAARK !!! fit Moddey, ces os sont infects ! Ils ont un atroce goût de vieux renfermé !

Ozzie, pour sa part, n'en menait pas large dans un premier temps. N'ayant pas l'âme combattante, il ne pouvait que prier lorsqu'un groupe de squelettes s'avança vers lui en grognant. Aux abois, le pauvre Ozzie ne pût que lancer un grand cri d'effroi. Un cri si puissant qu'il pourrait facilement réveiller vingt cimetières ! Le malheureux ferma les yeux, croyant son heure arrivée. Ne sentant rien venir, il se résolut à ouvrir les yeux. Il constata avec stupéfaction l'effet de son précédent cri sur les assaillants, qui furent de nouveau réduits à des amas osseux. Le fait d'avoir trouvée son arme redonna confiance à Ozzie. En effet, comme tout bon membre de la famille chiroptère, Ozzie possédait la force du sonar qui, utilisé de la bonne façon et au bon moment pouvait s'avérer une arme redoutable contre qui n'était pas préparé ! Ainsi, tout un chapelet de squelettes tomba sous les coups de sonar d'Ozzie ! Et bientôt, grâce aux efforts combinés des membres de l'équipe, les squelettes furent tous réduits à des tas d'os inanimés. Les amis ne furent pas peu fiers de leur travail d'équipe !

-Bien bien ! fit Kelly avec satisfaction, moi qui craignais un dur défi, je suis heureuse de voir que je me suis trompée !

-TU N'AS ENCORE RIEN VU, MORTELLE !!!

Skhorns se révéla aux héros, qui, quoique surpris, n'en furent pas effrayés pour autant, venant d'affronter une armée de squelettes !

-Tiens ! Un nouveau sac d'os, lança Kelly présomptueusement. Tu viens aussi te faire mettre en pièces ?

Skhorns lui répondit par un rictus mauvais, ce qui devait être une manière de sourire.

-Je me nomme Skhorns, mortels, et je suis maître en cette pièce ! Je vois que vous avez triomphé de ma collection de squelettes, mais maintenant c'est moi que vous allez devoir affronter ! Je dois dire que je serais ravi d'ajouter vos os à ceux des misérables ayant trépassés avant vous !

Kelly, toujours aussi impulsive, ne pût retenir un éclat de rire, mais ne fût guère imitée par ses amis qui avaient vite compris que ces ossements ne s'étaient pas faits tout seuls !

-Voyez-vous ça ! Et où sont tes renforts dans ce cas ?

De nouveau, Skhorns claqua des doigts, impassible. Les ossements se mirent à gesticuler et à virevolter à travers la pièce en une gigantesque tornade qui empêcha nos héros de voir distinctement ce qui se tramait.

Quand l'ouragan cessa, Kelly comprit qu'elle avait gravement sous-estimé l'adversaire. Devant elle apparût un golem osseux formé de Skhorns fusionné à l'intégralité des os de la salle ! Le Fléau rit bruyamment, ravi de lire la décontenance sur les visages adverses !

-MAINTENANT MORTELS, PREPAREZ-VOUS A PERIR COMME TOUS CEUX AYANT OSE M'AFFRONTER !!!

Le monstre osseux se rua vers la troupe qui réalisa qu'elle ne pouvait faire face à un géant pareil !

-VITE !!! TOUS VERS LA SORTIE !!! cria Dorian.

L'ennui était que la sortie en question se trouvait derrière Skhorns qui leva le bras afin d'asséner un coup destiné à réduire nos héros en flaques sanguinolentes. Mais, encombré par son poids, il ne pût donner un coup aussi rapide qu'il aurait voulu ! Les compagnons en profitèrent pour lui filer entre les pattes, au sens propre comme au figuré, et se précipiter vers l'issue indiquée par Dorian, ce qui rendit Skhorns fou de rage

Quand les compagnons franchirent l'issu, ils virent qu'un obstacle s'y trouvait. De par sa vision nocturne très performante, Ozzie fut le premier à voir que cela ressemblait à un moyen de transport.
-On dirait un chariot minier, ou un truc de ce genre...

-Tous à bord ! ordonna Stryte.

Quand bien même nul ne savait où cet engin les mèneraient, il représentait leur seul espoir. Les compagnons se dépêchèrent d'y monter. Déjà, ils entendaient le démon accourir dans leur direction ! Yalla se dépêcha de tirer un levier à l'avant du chariot qui entama sa course sans plus attendre. Le wagon ne tarda pas à gagner en vitesse, et les cris rageurs de Skhorns finirent par se perdre au loin.

-Ouf ! fit Yalla, je crois qu'on l'a enfin semé !

C'est alors que le wagon ralentit brusquement et se pencha dangereusement vers l'arrière, comme si une main géante l'avait agrippé. C'est alors que des mains squelettiques apparurent à l'arrière du wagon, bientôt suivi du visage de Skhorns. Celui-ci n'avait pas lâché l'affaire !

-DANS TES RÊVES, MA BELLE !!! rugit-il.

Le chariot entamait une nouvelle descente.

-LES GARS !!! hurla Stryte. TASSONS-NOUS A L'AVANT DU CHARIOT !!:

Le mustélidé espérait, par cette manœuvre, mettre le maximum de poids à l'avant du véhicule pour le faire accélérer en descente, espérant ainsi déstabiliser Skhorns qui restait toutefois fermement accroché !

-PERSONNE N'A JAMAIS ECHAPPE AUX TROIS FLEAUX !!! JE DIS BIEN : PERSONNE !!! beugla-t-il en se hissant davantage à l'arrière du chariot.

Malou, qui s'était risquée à regarder en avant, hurla soudainement :

-ATTENTION !!! BAISSONS-NOUS !!!

Le groupe s'exécuta, évitant ainsi une fatale collision frontale avec le plafond d'un étroit tunnel dans lequel le wagon se glissa. Skhorns, beaucoup trop grand et trop large pour passer, n'eût pas autant de chance. Le choc fut sonore, tel un grand éclatement, et les os se retrouvèrent de nouveaux éparpillés, cette fois définitivement.

Bien que débarrassés de leur poursuivant, la bande était toujours entraînée par le wagon dans une course endiablée. Leurs cœurs commençaient à chavirer.

-Oh misère...gémit Malou. Maman m'a toujours interdit d'aller dans les Montagnes Russes !!!

-Et moi c'est la dernière fois que je monte à bord d'un train fantôme ! ajouta Moddey

-Je ne me sens pas bien du tout, dit Yalla, le cœur au bord des lèvres.

-Moi non plus, gémit Ozzie.

Il suffit d'un virage de plus pour arracher des vomissements aux aventuriers. Enfin, le chariot stabilisa sa course, ce qui donna à Stryte le loisir de réfléchir un peu à ce qu'avait dit Skhorns.

« Il s'est présenté comme un des Trois Fléaux. Si lui en était un, se pourrait-il que Gaffor en était un aussi ? Dans ce cas, cela signifierait qu'il nous en reste encore un à affronter et qui risque de s'avérer encore plus coriace ! »

Stryte sentait que lui et sa bande n'étaient pas au bout de leurs peines. C'est alors qu'une nouvelle porte s'ouvrit devant le chariot...
Chapitre 7 by Lowell Gideon
Cette nouvelle salle était comme un immense carrousel à l'arrêt. Les murs étaient couverts de portraits représentant tous le même personnage aux allures de fantôme drapé.

-Ils faudrait penser à diversifier un peu plus la déco ! ironisa Kelly en descendant du chariot, suivie de ses camarades.

De l'autre côté du manège se trouvait une porte. A priori, il aurait suffi aux compagnons de traverser la pièce pour l'atteindre mais c'eût été trop facile ! Ils en savaient quelque chose.

-Une pièce en forme de carrousel, des tableaux représentant un drôle d'ectoplasme, à quelle sauce serons-nous mangés cette fois ? soupira Yalla désabusée.

-Je sens qu'on ne va pas tarder à le découvrir, répondit Stryte en posant un pied sur le carrousel.

Comme il fallait s'y attendre, le carrousel se mit à tourner une fois toute la bande dessus et une musique étonnamment joyeuse se fit entendre.

-Tiens, ça change d'ambiance ! remarqua Moddey

A peine eût-il dit cela qu'une pluie de boule de feu jaillit du plafond. Les compagnons durent donc jouer d'agilité, de sauts habiles et de chance pour résister au mouvement du manège les entrainant et ne pas se retrouver dans l'angle d'un brûlant projectile ! Le brouhaha explosif dura un bon moment, rendant inaudible la musique. Quand enfin cela cessa, les compagnons cessèrent de courir afin de reprendre leur souffle et d'attendre que leurs oreilles cessent de bourdonner.
Quand leurs oreilles furent de nouveau perméables à la musique, un étrange envoûtement s'empara des compagnons qui commencèrent à bien apprécier ce petit air entraînant ! Comme s'il n'avait pas été essoufflé quelques instants auparavant, Stryte se releva et prit la main de Yalla, le regard pétillant d'une envie soudaine :

-Mademoiselle, m'accorderiez-vous cette danse ?

Yalla fixa un moment son ami, saisie par son comportement, avant de se laisser elle aussi gagner par l'envoûtement.

-Volontiers, charmant monsieur !

Les deux se lancèrent dans un slow effréné, oubliant vraisemblablement le monde en dehors de leur danse. Cette étrange allégresse gagna bientôt le reste du groupe. Ozzie invita à son tour Kelly à danser, qui accepta sans rechigner. Puis ce fût à Moddey et Malou de se joindre à la fête. Dorian se retrouva, lui, sans partenaire. Peut-être pour cela fût-il le seul à échapper à l'envoûtement.

Flairant un piège, Dorian tenta tant bien que mal de ramener ses amis à la raison...en vain ! Le sortilège était trop fort ! Et c'est là que la suite du traquenard s'enclencha.

Le garçon vit une forme fantomatique jaillir d'un des tableaux. Il s'agissait d'une petite entité spectrale à l'image de celle représentée sur les fresques murales et qui se faufilait vers Stryte et Yalla. Dans leur maudite béatitude, ils ne se rendirent compte de rien. Ni une ni deux, Dorian se rua aussi vite qu'il le put vers le spectre (il courrait dans le sens inverse de la rotation du manège). Arrivant derrière celui-ci, il lui flanqua, sans réfléchir, un bon coup de pied à ce qui lui servait de séant, juste avant que le spectre ne puisse s'en prendre à ses amis ! Le spectre effectua un tonneau dans les airs, déséquilibré, avant de se volatiliser. Un autre vint alors, cherchant à s'en prendre à Ozzie et Kelly ! Dorian réitéra la même opération que pour le précédent. C'est alors que les fantômes surgirent en groupe des peintures, bientôt trop nombreux pour que Dorian y fasse face seul ! Que faire donc ?

-Hep ! Hep ! fit-il en claquant dans les mains pour attirer leur attention. Je suis là ! Approchez donc, esprits frappeurs de carnaval !

Rien à faire. Les fantômes s'approchaient inéluctablement des danseurs sans prêter la moindre attention aux provocations. Dorian se dût d'agir.
Profitant des rotations du manège, il se laissa porter et, en un tour, parvint à botter les fesses de tous les fantômes présents ! Une fois ceux-ci vaincus, la musique à son tour se tût et le manège s'arrêta. Les danseurs sortirent de leur torpeur et furent bien surpris et gênés de se trouver en face à face avec leur partenaire ! Dorian s'en amusa intérieurement. Il s'empressa de leur expliquer dans quel panneau ils étaient tombés et comment il les en avait sorti.

-Ne me remerciez pas trop tôt ! tint-il à préciser. Habituellement, c'est le moment où un plus grand méchant arrive !

Cela ne manqua pas. Un nouveau spectre à l'image de ceux des fresques murales se matérialisa devant la bande. Celui-ci était beaucoup plus grand et effrayant, cependant. D'un ton fier et impérieux, il se présenta :

-Voyageurs, vous avez devant vous le plus grand des Trois Fléaux, à savoir moi, Kummitus !

Les compagnons ne tremblèrent pas, ayant eu largement l'occasion d'épuiser leur réserve de peur au cours de leur aventure.

-Je vous félicite d'être parvenus jusqu'ici, reprit Kummitus. Mais cela ne changera rien à votre destin. Votre voyage s'arrête ici, étrangers !

Après avoir traversé tant d'épreuves et affronté tant d'ennemis, les voyageurs n'avaient pas envie de se laisser faire !

-Nous vendrons chèrement notre peau ! affirma courageusement Stryte.

-Je me permets de te rappeler que nous avons vaincu tes deux complices, ajouta Yalla, dans la même posture de défi que celle adoptée par le reste du groupe.

L'assurance des mortels arracha au Fléau un rire gras.

-De la simple chance ! Mais personne n'est jamais sorti vivant d'ici et vous ne serez pas les premiers ! EN GARDE !!!

Kummitus plongea sur les voyageurs qui eux même plongèrent au sol pour l'esquiver. Un courant glacial les effleura quand Kummitus les survola. Celui-ci réitéra sa manœuvre au ras du sol pour ne pas laisser d'échappatoire à ses proies ! Celles-ci roulèrent pour l'éviter, lui échappant de nouveau, ce qui eût pour effet d'enrager le Fléau qui changea de tactique ! Se gonflant dans les airs, il cracha sur eux un souffle de brouillard glacé. Ozzie, pas assez rapide, fut le premier touché. Aussitôt, il se figea sur place, comme ankylosé ! Ravi de cette réussite, Kummitus continua avec plus d'ardeur. Bientôt, Kelly, Stryte, Yalla et Dorian subirent le même sort qu'Ozzie. Il ne restait plus que Malou et Moddey en lice. Ces derniers, quadrupèdes, avaient plus facilement échappé au souffle glacial, de par leur posture horizontale. Mais Kummitus n'était pas du genre à abandonner !

-JE VOUS AURAI, VERMINES !!!

Il prit une grande inspiration et lança un jet de brouillard particulièrement puissant qui se matérialisa en une gigantesque muraille emplissant la salle et avançant lentement vers les deux quadrupèdes qui, dos au mur, croyaient vivre leurs derniers instants.

-Moddey, dit Malou alors que la muraille avançait fatalement vers eux, avant de finir gelée, je voudrais te dire que...

Mais Moddey n'entendit pas la fin de la phrase, prit qu'il était par une idée qui venait de lui surgir. Une idée folle et quelque peu osée, mais face à la mort, il ne fallait pas craindre le ridicule. Alors que la muraille allait les engloutir, Moddey leva la patte en sa direction et...compissa la flamme bleutée ! La chaleur urinaire provoqua une réaction en chaîne sur le souffle glacial qui revint brusquement à son émetteur. Son horrible visage se décomposa et son corps entier se mit à dégouliner. Malou, qui avait ressenti un mélange de surprise et de gêne face à l'astuce de son ami canin, ne tarda pas à constater l'efficacité de ce tour.

-AU SECOURS !!! cria Kummitus. JE FONDS !!!

Le chef des Trois Fléaux fut rapidement réduit à l'état d'une gigantesque flaque qui disparu dans le sol, sans laisser aucune trace. Les deux quadrupèdes sautèrent de joie face à leur exploit. Moddey expliqua sa drôle d'astuce à Malou.

-En sentant le froid glacial qui émanait de lui, je me suis dit, poussé par la terreur, qu'on pouvait utiliser cela à notre avantage. Qui plus est, le fait qu'il ne refasse pas le coup des boules de feu donnait déjà un indice !

La magie noire de Kummitus partie, leurs amis gelés revinrent à la vie. « Tant mieux, songea Moddey en son for intérieur, je n'aurais pas à les arroser ! »

Leurs amis mirent un peu de temps à se réapproprier leurs corps engourdis par le froid. Yalla, la première, parla.

-Moddey, Malou...vous...vous avez vaincu Kummitus ?

Les deux acquiescèrent fièrement quoique Moddey espérait ne pas avoir à expliquer comment.

-Fantastique ! s'exclama Stryte. Nous avons vaincu les Trois Fléaux. Maintenant, il nous faut sortir d'ici et regagner le village. Marie et le tavernier nous doivent des explications !

C'est alors qu'un bruit sourd comme le tonnerre se fit entendre, accompagné d'un tremblement qui ébranla tout le manoir. La voix de Kummitus résonna de nouveau :

-J'AI DIT QUE PERSONNE N'ETAIT JAMAIS SORTI VIVANT D'ICI !!! CE N'EST PAS AUJOURD'HUI QUE CELA COMMENCERA !!!

Un éclair traversa la pièce. Sans mot dire, les amis prirent leurs jambes à leurs cous tandis que la maison tremblait de plus en plus fort sous le sabordage des Fléaux !
Chapitre 8 by Lowell Gideon
L'issue empruntée par le groupe menait à un gigantesque escalier qui lui-même menait certainement à la surface ! Les voyageurs entamèrent la montée en fil indienne et aussi vite qu'ils purent ! Tout tonnait autour d'eux maintenant.

Le destin frappa de nouveau quand une marche sur laquelle Malou venait de poser une patte arrière céda. La pauvre féline, qui courrait en queue de file, se retrouva coincée !

-SORTEZ-MOI DE LA !!! supplia-t-elle.

Ses amis interrompirent leur fuite et virent dans quelle fâcheuse posture se trouvait leur compagne d'aventure !

-J'ARRIVE !!! lui cria Moddey, qui courait devant elle, en redescendant les marches en sens inverse.

Agrippant les pattes avant de son amie une fois arrivé à sa portée, il s'empressa de la tirer de toutes ces forces, ce qui ne fût pas tâche facile, sa patte étant bien enfoncée ! Et la maison continuait de s'écrouler.

Comme si cela ne suffisait pas, l'escalier que nos amis montaient commença lui aussi à dangereusement trembler. Le résultat ne se fit pas attendre : les premières marches s'effritaient ! Une par une, les autres suivirent !

Une nouvelle secousse et la patte de Malou se décoinça. Il leur fallait maintenant courir pour leur vie ! Au bout de quelques marches de plus, les compagnons virent une ouverture. Sans faiblir malgré l'épuisement, ils s'y engouffrèrent tandis que l'escalier finissait de s'écrouler.

Les compagnons se virent revenus dans le hall d'entrée. Courant à perdre haleine vers la porte de sortie, un détail qu'ils avaient oublié les frappa : la porte n'avait pas reparu.

-AHAHAHA !!! résonna la voix de Kummitus. VOUS NE CROYIEZ TOUT DE MÊME PAS VOUS EN SORTIR AINSI ?! PERSONNE NE NOUS ECHAPPE, DUSSE-JE FAIRE PERIR NOTRE POUVOIR AVEC VOUS !!!!

Il est vrai que les monstres avaient pensé à tout. Les compagnons sentirent se sceller leur destin tandis que des éclairs tombaient autour d'eux. C'en était fini d'eux. Stryte en fut le plus affecté : il était celui qui les avait entrainés là-dedans ! Et voilà le résultat...Les larmes aux yeux, les compagnons, dans un ultime geste de résignation, se prirent par la main, attendant leur fin... Bientôt vint une nouvelle secousse, bien plus forte que les autres, et le toit s'effondra. Sans que les compagnons accablés ne s'en rendent compte et par un heureux hasard, des fragments de charpentes s'assemblèrent au-dessus d'eux à la manière d'un abri, isolant ainsi les autres débris qui chutaient en masse autour d'eux.
Chapitre 9 by Lowell Gideon
Pendant ce temps, au village, les habitants se tenaient tous éveillés, malgré l'heure avancée de la nuit. Les hurlements apocalyptiques des Trois Fléaux lors de l'effondrement de leur antre n'étaient pas passés inaperçus, et tous craignaient que cela soit de mauvais augure.

-Qu'avons-nous fait pour réveiller leur courroux ?! dit une femme, paniquée.


Bientôt, son inquiétude gagna l'ensemble des villageois qui commençaient à craindre pour leur tranquillité et a fortiori pour leurs vies.

-Oh ! Regardez tous ! dit un enfant en désignant l'issue du village, précédemment empruntée par le fourgon du Tavernier.

Les villageois se retournèrent et ce qu'ils virent les stupéfia. A l'endroit désigné par l'enfant se dressaient sept silhouettes que la jeune Marie reconnut aussitôt. Elle ne pouvait expliquer comment, mais devant elle et l'ensemble d'Urvakane se trouvait le groupe de voyageurs qui devaient servir de pâture aux Trois Fléaux, couverts de poussière mais autrement intacts ! Elle s'empressa d'aller à leur rencontre.

-Vous ?...Comment...Que s'est-il passé ?! Comment avez-vous pu vous échapper ?

Yalla lui lança un regard sévère :

-Alors comme ça tu savais à quoi nous allions être confrontés ?! Je crois que tu nous dois quelques explications, jeune fille !

Marie ne pût soutenir longtemps les regards cruellement accusateurs que lui lançait le groupe. S'effondrant au sol, elle éclata en sanglot, prise d'atroces remords.

-J'ai honte...Je suis une horrible personne !!! J'ai participé à votre enlèvement !!!

-Nous qui te croyons digne de confiance, tu nous vois bien déçus ! fit Ozzie

-Je...n'avais pas le choix !!! hurla la jeune fille.

Elle leur avoua toute l'histoire et leur expliqua comment elle en était arrivée à de telles besognes, le mauvais ascendant qu'avait le Tavernier sur la population Urvakane ainsi que le règne de terreur des Trois Fléaux.

-Non seulement le sacrifice d'étrangers nous permettait de gagner un peu de répit, mais le Tavernier en profitait pour assouvir sa mauvaise influence ! Quiconque faillissait à lui livrer des touristes à envoyer aux Trois Fléaux risquait de finir lui-même dans leur antre ! Et la pauvreté de ma famille me laissait encore moins le choix !

Marie sanglotait bruyamment. Pris d'un élan de compassion, Stryte parla, s'adressant aussi bien à elle qu'à l'ensemble des villageois.

-Citoyens d'Urvakane ! Le règne de terreur des Trois Fléaux est définitivement terminé. Leur antre est en ruine ainsi que leur pouvoir ! Un mélange d'astuce, de travail d'équipe et de véritable chance nous a permit d'en venir à bout !

Si les Urvakans étaient sidérés de voir les voyageurs ainsi revenir du repère des Fléaux, certains émirent des doutes face à la nouvelle de leur disparition.

-Si vous ne nous croyez pas, dit Dorian, envoyez donc un éclaireur ! Toi, par exemple (Il s'adressait à un Urvakan aux allures de chat-huant), puisque tu sais voler et que les gens de ton peuple ont une bonne vision nocturne !

Le villageois aviaire s'exécuta, estimant qu'on ne discutait pas les ordres de tels personnages ! Il prit son envol vers la montagne hantée. Quand il revint, un peu plus tard, il ne pût qu'approuver les dires des héros.

-Vous m'en voyez bien surpris, mais la maison des Trois Fléaux n'est plus que ruines, sans aucune trace d'eux nulle part !

Se réalisant enfin libres, les villageois émirent à l'unisson un bruyant cri de joie. Ils s'apprêtèrent à faire une gigantesque ovation aux héros quand Kelly les interrompit dans leur extase :

-Quand bien même nous sommes heureux de votre liberté fraîchement retrouvée, nous avons encore un compte à régler avec votre Tavernier, à cause de qui nous avons passé une nuit en Enfer !

-QUE SE PASSE-T-IL ICI ?! tonitrua une voix.

Tout le monde la reconnût et en connaissait bien l'émetteur. Le Tavernier, qui, de par son goût pour la bonne chère, avait le sommeil plus lourd que le reste des villageois, venait d'apparaître après tout le monde. Un de ses employés, déjà présent sur les lieux, lui montra la cause de ce rassemblement. Quand le Tavernier aperçut les voyageurs, il fut saisie d'une soudaine catatonie.

-VOUS !!! LES TROIS FLEAUX NE SONT PAS PARVENUS A VOUS AVOIR ?!!! dit-il en retrouvant l'usage de sa voix sourde.

-C'EST UN AVEU !! rugit Stryte en s'avançant vers lui. ET NE TE FATIGUE PAS AVEC DES EXPLICATIONS FUTILES !!! MARIE CI-PRESENTE NOUS A TOUT EXPLIQUER : DE NOTRE ENLEVEMENT A TES MAGOUILLES POUR PRENDRE LE POUVOIR SUR URVAKANE !!!

Subrepticement, le Tavernier lança un regard noir à Marie, lui signifiant qu'il lui ferait payer cette trahison.

-SI TU VEUX TOUT SAVOIR, reprit le furet, GRÂCE A NOUS, LES TROIS FLEAUX NE SONT PLUS !!! NOUS AVONS DEJOUE TOUS LEURS PIEGES ET DETRUIT LEUR MAISON !!! MAINTENANT, IL EST TEMPS POUR NOUS DE TE REMERCIER POUR CE PETIT VOYAGE A TRAVERS LA PEUR ET POUR LES HABITANTS DE TE RENDRE LA MONNAIE DE TA PIECE !!!

Sentant son pouvoir et sa personne en danger, le Tavernier réagit le premier.

-ATTRAPPEZ-LES !!! ordonna-t-il à ses employés.

Ceux-ci réagirent, mais pas comme le Tavernier s'y attendait. Au lieu de s'exécuter, ils lui firent face avec un air de défi.

-Les étrangers ont raison, « patron », dit l'un des employés. Cette fois, ça suffit !

Le Tavernier qui, tout massif qu'il était, n'avait jamais eu de vrai courage, perdit toute contenance : les villageois s'avancèrent vers lui, menaçants et bien décidés à en découdre. Seul contre tous, le Tavernier fouilla la foule du regard en quête d'une issue qu'il ne trouva pas, étant encerclé de toute part.

-VENGEANCE !!! hurla un villageois.

Aussitôt, un groupe de ses concitoyens se jeta sur le Tavernier sans lui laisser l'occasion de se défendre. Meurtri par les coups, celui-ci se retrouva K.O en quelques minutes. Ses anciens employés, après l'avoir ligoté, l'emportèrent à dessein de l'enfermé dans son fourgon pour le bannir loin d'ici, là où il ne pourra embêter personne.

Urvakane, libérée de toutes craintes, pût enfin célébrer joyeusement l'évènement. Marie, à qui les compagnons avaient accordé leur pardon (après tout, dans un sens, c'était grâce à elle qu'Urvakane était sauvée), passa de l'état d'adolescente timide à celui de jeune fille joyeuse et souriante en l'espace d'un instant.

-Les vacances peuvent commencer, sourit Stryte. Pour tout le monde, de surcroît !

FIN DE L'EPISODE
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