Lien Facebook



En savoir plus sur cette bannière

- Taille du texte +

« Ai-je embrassé la vérité de Kisadyn pour venir, jusqu’ici, faire la sale besogne de ce devin ? »


Tahiriana avait les genoux dans l’herbe, les cheveux au vent, dos aux murs de la cité d’Ildebée. Elle avait mis quatorze jours pour traverser les terres de l’Empire, sa monture peinant à s’habituer à ce tout nouveau climat. Et, à peine arrivée à la cité la plus au sud, marquant les frontières avec les terres des Conquérants, elle s’était empressée de la traverser pour aller se recueillir sur le dernier champ de bataille qu’avait dû fouler sa sœur avant de mourir.


« Et maintenant, me voilà dans le camp de nos ennemis. Me voilà à servir ce devin… Si tu étais encore là, tu me dirais quelle voie je dois suivre. »


Autant de questions qui se bousculaient dans la tête de la prétorienne, à la belle chevelure châtain clair. Ses yeux bleu-turquoise, pailletés d’or, brillaient au soleil levant d’être couverts de larmes. Elle planta son imposante épée à terre, avec force, comme un exutoire et pleura à grosses gouttes.


« Pourquoi t’es partie ? Je n’avais que quatorze sillons ! Pourquoi tu ne m’as pas écoutée… pourquoi ? »


Elle resta quelque temps devant son épée, comme si c’était là la tombe de sa défunte sœur, pour se recueillir en silence. Le soleil sécha ses dernières larmes, l’appelant à remplir son devoir.


« Pour l’instant, je dois respecter la volonté de mon mentor. Mais, je ne tarderai pas à connaître la vérité sur tout ce que trame cet être maléfique. Et… un jour, ma lame trouvera la voie de la vengeance. Je te le promets, ma sœur. »


Aidée de son arme comme appui, elle se releva. Il n’en fallait pas moins pour soulever les vingt-huit kilos d’armure de bronze. En se retournant, elle vit un attroupement d’enfants qui l’observait plus loin, peut-être curieux de voir un chevalier se recueillir sur leur aire de jeux. Ils étaient tous habillés en haillons, lui rappelant quelques souvenirs dans lesquels sa sœur partageait encore son quotidien. L’une de la bande, la plus grande des neuf, s’approcha.


– Z’êtes sur notre territoire… dit-elle, d’une voix appuyée, mais vibrante d’hésitation.


– Et ? répondit d’un air sévère la prétorienne, nullement encline à se faire racketter par des gosses.


La jeune fille aux cheveux noirs s’approcha d’un pas lourd et leva la tête pour regarder son interlocutrice qui venait de se hisser en haut de son destrier sombre.


– Faut payer, c’est la règle, insista-t-elle de sa petite voix déterminée.


Dans son cou s’étalait le joli tatouage d’un papillon aux ailes remontant jusqu’en dessous ses oreilles.


– Tiens donc ! Et pour quel service ? continuait de questionner Tahiriana qui connaissait bien ces bandes pour avoir fait partie longtemps de l’une d’elles.


Même si c’était en des terres plus lointaines, les lois de la rue devaient être aussi dures ici qu’ailleurs. La jeune fille plissa les yeux pour jauger son adversaire, pour voir, si en insistant, elle ne risquait pas de prendre un mauvais coup de soleret. Car ce n’était pas tous les jours que la bande pouvait rançonner une cavalière toute d’armure vêtue.


– Pour vous avoir laissée en paix, le temps de votre prière et…


La grande jument noire renâcla, faisant aussitôt reculer l’enfant, nullement habituée à ce genre de bêtes.


– … et avoir veillé sur votre… monture, continua-t-elle en fronçant la peau au-dessus du nez.


– Crois-tu que l’on doive veiller sur un destrier des ténèbres ? répondit Tahiriana, s’amusant à lui faire peur.


À ces mots, la petite fille recula plus encore, comme si une peur profonde venait de ressurgir.


– Mensonge ! Vous n’êtes pas un spectre. Ils fuient devant le soleil et vivent cachés dans les profondeurs de la cité.


L’aplomb soudain de l’enfant la surprit et l’invita même à plonger la main dans son aumônière. Ici aussi, les enfants étaient bercés d’horribles histoires pour les faire dormir le soir venu.


– Tiens, une jolie pièce de votre empereur. Vous en aurez assez pour vous nourrir tous pendant plusieurs jours, dit-elle en jetant, en cloche par-dessus elle, une pièce, qui aux rayons du soleil, se révéla d’or.


L’enfant la suivit du regard, tout le long de son vol, et aussitôt se jeta à terre pour la prendre entre ses doigts. Quant à Tahiriana, elle en profita pour quitter les lieux. Si des enfants n’étaient nullement une menace, elle savait comment ils pouvaient insister au point de devenir violents. Quand la faim vous tiraille tous les jours le ventre, les plus tenaces sont prêts à tout pour survivre. Elle le savait mieux que quiconque. Les regardant faire une danse de joie autour de la petite fille au papillon tatoué, tenant au-dessus de sa tête la pièce dorée, Tahiriana laissait ici les souvenirs de son enfance.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

Joins-toi à nous sur www.yurlh.com

 

Vous devez vous connecter (vous enregistrer) pour laisser un commentaire.