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La nuit dernière, grandement déçu par la complexité du cadenas bloquant la cage du barbare, Kwo avait dû se résoudre à refermer le sien. L’attente de la nuit suivante fut longue, surtout qu’ils devaient tous deux tenir leur langue. Une fois venue, l’aomen réussit à crocheter le sien plus rapidement que la précédente fois. Malheureusement, même une nuit tout entière à trifouiller l’orifice de la serrure de Yurlh ne suffit pas à la vaincre. Une autre journée d’attente s’ensuivit, qui ne fut pas sans germination d’idées dans la caboche de l’aomen.


Dès le crépuscule tombé, il était libéré de ses chaînes. La pleine lune rouge avait fait place à la blanche et ce n’était pas pour lui déplaire. Il était maintenant plus simple de discerner sur le sol sombre, le fin crochet qui n’avait de cesse d’y tomber. Kwo s’approcha de la cage de son compagnon d’infortune pour lui dire ce qu’il avait tourné et retourné dans sa tête toute la journée.


– Je vais tenter d’ouvrir la serrure de notre prison. Peut-être que de l’autre côté, je trouverai l’endroit où ils posent les clefs.


Ses mots sortaient d’une voix peu convaincante car Kwo redoutait le pire. Yurlh grogna pour acquiescer. Il avait une confiance inébranlable en son ami qui l’avait sauvé du marais. Même si Kwo devait se concentrer sur la serrure de la porte, ses pensées, peu à peu, étaient envahies par l’acte qu’il s’apprêtait à faire.


« Son cadenas est impossible à ouvrir. J’ai essayé, j’ai essayé…, se répétait inlassablement Kwo, pour doucement se convaincre qu’il avait fait le bon choix. »


À plusieurs reprises, il tenta de cracher dans la serrure. Mais la salive ne venait pas, comme si son corps refusait ce qu’il projetait de faire. Et puis, le crochet parvint à actionner le pêne dormant pour le libérer de la gâche. La porte maintenant était ouverte, mais Yurlh pendait toujours au milieu dans sa cage, indéniablement prisonnier.


– Je trouve la clef et je reviens, mon ami, murmura Kwo, tentant de masquer, dans sa voix, les larmes montantes de sa trahison.


– Gnia… répondit Yurlh, toujours convaincu de la véracité de ses paroles.


Même si les geôliers quittaient tous les soirs cette gigantesque prison, Kwo marchait lentement, le dos vouté pour se cacher. Il se trouvait maintenant dans le couloir circulaire qui permettait d’accéder aux portes à barreaux des autres cellules. Ce corridor de barreaux entrecroisés courait le long des murs du marché, dont personne ne s’était jamais évadé. En face des cellules, d’autres portes faites de bois donnaient dans les pièces d’où sortaient les geôliers avec la nourriture.


C’était peut-être ici qu’il trouverait le trousseau de clefs, Kwo l’espérait de tout son cœur. Mais ces journées, à observer l’un des triplés qui leur apportait la mangeaille, disaient le contraire. Les clefs étaient attachées à un porte-clefs de fer, forgé en arc de cercle, et enchâssé dans la ceinture retenant son gros ventre de morfal. Sûr que le ratrid qui commandait aux trois frères-gardiens ne pouvait la porter. Il aurait dû faire trois tours autour de son petit corps pour ne pas que la ceinture lui tombe aux pieds, pensait Kwo.


La vérité des jours passés s’imposait. Le gaillard était le porte-clefs, le seul habilité à ouvrir les cellules. Et il aurait fallu le déshabiller de sa ceinture pour les lui voler. Alors, de là à trouver la ceinture pendue à une patère, dans cette salle, c’était inespéré. Ce gros lard devait dormir avec, et c’était ce pourquoi il était payé. Mais Kwo n’arrivait pas à se résoudre à abandonner son ami sans au moins avoir essayé. Et peut-être que Xyle serait une fois de plus à ses côtés. Peut-être que derrière, il retrouverait sa sacoche espérait-il, tout en frottant le galond d’or caché dans le revers de sa chemise jaune.


Bien sûr, cette porte aussi était close. Mais Kwo, depuis déjà deux nuits, avait repris du service. Et elle ne le resta pas longtemps. Derrière, l’endroit était plus sombre que les prisons du marché, plus sombre encore que le corridor au plafond de bois. C’était une sorte de cave à la voute de pierre, interdisant à la lumière des astres de passer. Comme si Xyle l’avait définitivement abandonné, il ne trouva ni lanterne, ni torche, ni rien qui ne ressemble à une flasque d’huile pour alimenter quelconque réceptacle lumineux.


Bien décidé à ne pas repartir les mains vides, il s’arma de patience et tâta, de ses doigts, les reliefs sombres et inconnus. Le métier de voleur ne s’oublie jamais. Juste avant, il avait pris soin d’écouter que personne ici ne ronflait. Les doigts ont de la mémoire. Kwo en était persuadé. Ce fut ainsi qu’il passa en revue les objets entreposés dans la pièce. Et quand il n’était pas sûr, il sortait dans le corridor pour mieux les identifier.


De sacoche pleine d’or, il n’en trouva point. Et d’ailleurs, qui donc d’assez bête aurait laissé, à la merci de ses sbires, une si grosse fortune ? Le ratrid était tout sauf un imbécile, réfléchissait Kwo. Son or ne devait être accessible que par lui seul. Mais où pouvait-il cacher son tas de galonds ? Toujours en cherchant les clefs ou tout autre outil pouvant lui être utile, Kwo pensait.


Mais, la nuit avançait inlassablement. Et même si de s’imaginer retrouver la sacoche pleine d’or l’avait amené à rester plus longtemps dans ce lieu lugubre, Kwo en revint à la dure réalité. Il fallait maintenant se décider à patienter encore une journée et risquer le courroux de Korshac ou bien prendre la tangente en abandonnant Yurlh. Une décision difficile, néanmoins nécessaire, s’il voulait survivre. Peut-être parviendrait-il à revenir libérer son ami plus tard ?


Toujours luttant avec ses pensées, sa main fouillait dans un sac et toucha un outil aux formes encourageantes. Il le sortit pour l’observer à la lueur de l’aube. Il actionna ses mâchoires d’acier et entendit, en réponse, un pélican jacasser au sommet de la voute en fer. Cela annonçait la fin de cette nuit. Mais, le nouveau plan que venait de lui inspirer cet objet pouvait fonctionner.


Avant que le marché aux esclaves ne se réveille, il remit tout en place, referma pour la dernière fois, l’espérait-il, les bracelets et son cadenas. Les mains serrées, soulevant ses lourdes chaînes, il se rapprocha du barbare.


– J’vais nous sortir de là. J’te l’promets.


– Gnia.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

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