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– Paré à l’abordage ! ordonna Voréa, d’un ton empreint de fierté.


L’effort imposé aux rameurs dans la nuit pour les rattraper payait enfin. La mer restait belle à naviguer. La houle d’automne, enveloppée d’un été qui s’éternisait, ne s’était pas encore éveillée.


– Si Ashaïr a su tenir muet Worh, c’est pour nous laisser la voie, expliqua-t-elle à Delg Mir qui portait déjà son bassinet, redoutant la confrontation avec les marins d’un si illustre contrebandier.


– Plus que quelques brasses et tu es à moi, Grand Blanc ! lança Voréa, tout en portant sa lunette au visage.


– Tu jettes à la mer ta cargaison mais c’est déjà trop tard, Korshac. Je viens frapper à ta porte ! ajouta Voréa du ton propre aux sarénors qui préparent leurs troupes pour insuffler l’envie de vaincre.


Elle transmit son instrument d’observation à Delg Mir. Le moment était venu de passer en revue les troupes pour exalter leur moral. Une fois sur le pont, entre les rangs des soldats et arbalétriers, Voréa savoura chacun de ses mots.


– Nous l’Empire, hommes et femmes de mer, le jour est venu d’embrasser la gloire. Hier, le Grand Blanc tentait de nous échapper. Mais cette nuit, nos rameurs ont donné leurs bras pour aujourd’hui réaliser notre première prise. Nous prendrons le navire par tribord ! Les soldats, en premier, boucliers en avant. Viendront les arbalétriers. Pas de quartier. Visez d’abord les marins, les rameurs en dernier. Vous deux, avec moi. Ensemble, nous ferons boire l’océan à ce Grand Blanc. Nous, l’Empire !


Tous les guerriers reprirent en cœur :


– Nous, l’Empire !


Les yeux brillant de l’envie d’en découdre, Voréa vint se poster à la proue, pour un peu plus se rapprocher du navire qu’elle convoitait. Mais au lieu de le découvrir plus près, il semblait à même distance qu’avant le discours, voire même un peu plus loin. La capitaine en fronça ses grands sourcils noirs, cherchant, dans sa colère montante, quelle pouvait être la raison de ce soudain revirement.


– Sarénor ! Sarénor ! criait Delg Mir de l’autre bout du navire.


Sa voix porta, glissant sur le silence des guerriers patientant le combat. Il accourut, visiblement annonciateur de la nouvelle qui devrait l’éclairer.


– Tenez… prenez-la… et regardez… Je n’sais pas ce qu’ils font mais ils nous distancent, lui annonça Delg Mir en lui tendant la lunette.


Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre. Assez vite, elle rangea sa longue-vue dans l’étui qu’elle portait à sa ceinture, puis se pencha par-dessus bord.


– Non, ils ne prennent pas de vitesse, ils nous ralentissent. T’es bien un requin des mers, rusé et perfide, dit-elle en crachant.


La défaite était dure à avaler mais ce n’était que partie remise. 


Alors qu’ils parvenaient avec peine à trancher une corde lestée de deux caisses en bois, une autre venait se coincer dans leur éperon. Le pauvre gars, pendu à une amarre au bas de la proue, mettait à chaque coup de hachette sa vie en jeu. Tels étaient les ordres.


En plus de tenir la distance, Xyle était de leur côté, pensait Voréa en maudissant le dieu de la chance d’avoir choisi un si mauvais camp.


Le jeu dura toute la journée. Et à chaque fois qu’elle replaçait la longue-vue sur son œil droit, c’était en redoutant de voir les quatre acolytes de la Squale lui montrer leurs fesses en sautant de joie.


– Vraiment dégoûtants, ces flibustiers ! N’ont-ils aucun honneur ? râlait-elle en les voyant les distancer.


Si la journée ne fut qu’une succession d’humiliations pour Voréa aux yeux de son équipage, le soleil couchant lui apporta un certain réconfort. Ce fut Delg Mir qui le vit en premier.


– Capitaine, au-delà de nos ennemis approche un navire… et il porte nos couleurs.


La nouvelle était trop belle. Voréa s’en délecta le temps des quelques rayons du soleil non encore avalés par les eaux. Et puis, même si elle ne voyait plus grand-chose de son ennemi, elle continua de le cibler.


Delg Mir restait à ses côtés, espérant ainsi la réconforter dans son échec. Mais alors qu’il la croyait vaincue, il la vit reprendre de sa superbe.


– Notre galère de ravitaillement les a obligés à faire un choix, Delg Mir.


D’abord, il ne comprit pas. Mais Voréa semblait terriblement sure d’elle. Enfin, elle cessa de les observer et se retourna vers son second.


– Cette nuit, ils vont changer de cap, lui expliqua-t-elle, d’un ton déterminé.


– À quoi le voyez-vous ? Il fait aussi sombre que dans une cale, les nuages nous cachent la lune blanche.


– C’est parce que je ne vois plus rien qu’ils changent de cap. Il a ordonné l’extinction des feux pour ne pas que je sache quelle route il va prendre.


Delg Mir commençait à comprendre et tenta d’enchaîner le raisonnement de sa supérieure.


– Il va rejoindre la Mer Déchirée plutôt que passer au nord de Mazkaï…


– C’est ce que ferait tout capitaine sensé mais pas très malin. Non, Korshac est un requin rusé. Il va prendre le large, la pleine mer, pensant que je vais me tromper en suivant son fantôme nocturne vers les flots rassurants de la Mer Déchirée. Mais je ne me tromperai pas, moi !

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

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