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Au matin du quatrième jour, la galère impériale les chassait toujours. Korshac était d’une humeur massacrante. Pour couronner le tout, la veille au soir, Kaïsha ne lui avait même pas adressé la parole. À ses questions, pour réponse, elle faisait mine de dormir.


– À croire que les femmes se sont liguées contre moi, beuglait-il, à la proue de son navire, observant les eaux qui grondaient toujours plus fort.


Toute la matinée, le capitaine marchait seul sur le pont, dans des va-et-vient incessants : un coup à l’arrière pour jeter un œil sur sa poursuivante, un coup à l’avant pour guetter la tempête naissante. En vingt-huit sillons, le Grand Blanc avait eu le temps d’apprendre à lire chaque signe des éléments pour en déduire sa propre météo. Alors que le soleil devait être à son zénith, dans un ciel voilé de nuages plus gros qu’hier, Korshac s’impatientait qu’elle abandonne.


– Tu dois être une sacrément bonne navigatrice ou sacrément folle ! lançait-il aux vents, dans l’espoir qu’ils lui portent son insulte aux oreilles.


Narwal aussi était rongé d’inquiétude. Avec pas moins de vingt-six sillons passés aux côtés du capitaine, il en avait traversé des grosses mers. Mais, le Cap des Crocs Hurlants, en automne, ce n’était pas une bonne affaire.


– Non, pas une bonne affaire, marmonnait-il en se grattant de la tempe jusqu’aux oreilles.


Quand enfin, l’arba-galéanne de l’Empire signa son abandon en disparaissant de l’horizon, le capitaine donna immédiatement son ordre :


– T’as mis l’temps à me lâcher les fesses. Qu’on hisse la grand-voile !


Narwal, qui n’était jamais loin, le transmit en se mordant les lèvres de nervosité. Quant à Korshac, il gardait la joue gauche crispée, signe qu’on était dans de beaux draps. Néanmoins, Narwal s’en rapprocha, avide d’une parole rassurante.


– On est bien près de la tempête, capitaine. Vous pensez qu’avec l’aide d’Ashaïr, on pourra regagner les côtes ?


– On n’a pas l’choix, Narwal. C’est le front du sauveur ou le Cap des Crocs Hurlants… répondit Korshac avec la plus grande sincérité.


Après autant de sillons passés ensemble, le Narvalo avait au moins le droit, dans la tourmente, à cet égard. Narwal soupira et tendit tous ses muscles pour se mettre en branle.


– Allez, du nerf les matelots. On hisse la voile ! cria-t-il en partant vers le mât.


Korshac donna encore quelques ordres pour coordonner ses troupes afin d’éviter un combat autrement plus dangereux que d’affronter l’Empire. Et quand il eut terminé, glissant sur le pont balancé par le creux des vagues, le pélican raide vint se prendre entre ses pieds. Il était toujours là pour lui rappeler le mauvais présage donné deux jours plus tôt. Le capitaine s’accroupit afin de caresser sa robe blanche de plumes. Il le saisit entre ses mains puis le souleva. L’emportant à bord du navire, il le remit dans le cordage d’une amarre enroulée à même le sol. Cette petite cérémonie se passait sous les yeux furibonds de la femme-panthère qui montait.

Note de fin de chapitre:

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