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À peine la kaernasse amarrée, au pont du port de guerre de la capitale, que l’empereur, accompagné d’une cohorte de gardes écarlates, pénétrèrent à bord. Il était secondé d’un homme qui avait la particularité de ne porter qu’un gant blanc. Une fois devant le corps tremblant de son éminence le devin impérial, le Magnus Kéol, lui-même, se mit à genoux à son chevet.


– Que vous est-il arrivé mon vieil ami ?


Rulaskys lui conta en quelques mots la découverte de l’île et du tombeau, pour en arriver à la dure conclusion.


– Ce n’est qu’après avoir pénétré dans l’antichambre de la mort que nous découvrîmes un tombeau de talc brisé. À peine son éminence le devin impérial se mit à lire un parchemin, qu’un de mes hommes le regarda avec la fureur du démon et tenta de lui enfoncer une dague dans le cœur. Une de mes valeureuses combattantes réussit à le faire trébucher, mais sa dague termina ici, dans son pied.


En même temps qu’il narrait cette histoire, il souleva le drap pour montrer la vilaine blessure. Le pied était devenu noir, comme si le sang s’était coagulé en surface. Et de l’endroit où avait frappé la dague, sortait un jus jaune et visqueux. L’odeur de fromage trop fait emplit de suite la petite cabine.


– Notre médecin ne put lui administrer des médicaments que plusieurs jours après avoir réussi à quitter cet enfer.


Le Magnus Kéol qui était toujours agenouillé semblait réellement affecté par l’état du devin. Son regard se porta sur l’homme au gant blanc.


– Que pouvez-vous faire pour le sauver ? lui demanda l’empereur.


– Je ne suis que médecin. Les maladies, je sais les combattre. Mais la gangrène, je ne peux que vous convaincre de l’amputer.


– Vous pensez qu’en lui coupant cette… chose, qu’est devenue son pied, vous pourrez le sauver ? continua l’empereur.


– Si Xyle est avec moi, oui, je le crois. 


L’empereur se releva avec la vélocité d’une queue de scorpion qui frappe sa proie.


– Croyez-vous aussi que je vais remettre, entre les mains du dieu de la chance, la vie de mon plus grand ami ?


L’homme au gant blanc se mit aussitôt à genoux, comprenant l’erreur de ses dernières paroles.


– Je… je… crois qu’il vous faut le concours de la donneuse de vie du temple d’Anhouryn. Si quelqu’un ici peut lui sauver la vie, c’est bien elle.


– Mais, elle se trouve à Ildebée, cette donneuse… C’est à plus de six jours à dos de méhari, pas moins d’une demi-lune rouge pour la faire venir ici ! cria d’impuissance l’empereur.


À ce moment, il sentit des doigts lui toucher le bout des siens. Pressentant que c’étaient ceux du devin, il se retourna.


– Khalaman… Je suis tellement heureux de revoir votre visage avant de repartir… parla d’une voix à peine audible le devin.


Le Magnus Kéol se rapprocha alors de sa bouche pour mieux l’entendre.


– Je suis si déçu de partir si tôt. J’avais prévu tant de choses à faire en votre compagnie.


Le devin lui serra un peu plus fort les doigts. 


– Je ne vous ai pas tout dit, Khalaman. Et, je n’ai pas le temps, ici, de vous l’expliquer. Gardez à l’esprit de protéger Rulaskys de votre mauvaise humeur. Il a fait tout son possible pour me sauver. Et puis… il va falloir vous entourer d’un nouveau conseiller. C’est le dernier conseil que je vous donnerai… Je sais qu’il est difficile de vous convaincre, mais écoutez… C’est un prétorien de Kisadyn qu’il vous faut… Eux seuls auront la vertu de vous protéger du mensonge…


L’homme au gant blanc le regardait, les yeux intrigués par la teneur des propos qu’il ne pouvait entendre. Khalaman l’avait écouté. Mais avec la peine qui broyait en même temps son cœur, il n’avait pas retenu toutes les paroles.


– Je le ferai, mon ami… Mais, vous n’allez pas mourir… Je vous le jure… Vous resterez éternellement présent dans mon cœur et j’érigerai, dans chacune des cités de l’Empire, une statue de votre personne pour qu’aucun de mes fidèles sujets ne vous oublie.


À ces mots et vaincu par la fièvre, le devin sourit et retomba dans la léthargie qui l’avait accompagné durant le voyage. Le Magnus Kéol, bien qu’il eût d’abord peur de l’avoir perdu, sentit le cœur du devin qui battait encore. En se relevant, il regarda l’un de ses gardes écarlates, droit dans les yeux.


– Allez, avec une escorte, à la maison d’Anhouryn et faites-moi venir, sur le champ, leur plus haut dignitaire, sur injonction de l’empereur lui-même !


– Ô Magnus ! répondit le garde pour signifier que cela serait fait comme il venait de l’ordonner.


– Quant à vous, trouvez-moi des hommes avec un lit qu’on le transporte au palais. La stabilité de cette embarcation ne pourrait être profitable à l’opération qu’il s’apprête à subir.


Enfin, des gardes rouges arrivèrent avec un grand lit à porteur. Ils prirent doucement le corps du devin, habillé de sa robe, et toujours suintant de fièvre. Tout cela se passait sous les yeux compatissants du Magnus Kéol et, plus intrigants, de l’homme au gant blanc. Ce dernier, avant de sortir de la cabine, eut comme l’envie d’y rester pour chercher du regard un objet qui n’était plus là. Enfin, ce fut ce que ressentit Rulaskys qui veilla à le faire sortir pour refermer, derrière lui, la cabine, maintenant vide du devin. En lui montrant de la main la sortie du navire, il se félicita d’avoir caché, sous le matelas en laine trempé de fièvre, le livre de la Concession Divine.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

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