Pourquoi ? Pourquoi fait-il cela ? Qu’a-t-il à gagner ? Pourquoi agit-il comme s’il voulait que nous soyons plus qu’un homme et une femme vivant sous le même toit, et ayant comme unique lien Eleanore ?
Comme je refuse de tourner la tête la première, je continue de le fixer en tentant de faire abstraction de ses pupilles enflammées. L’air est devenu électrique autour de nous. A travers la fenêtre ouverte, j’entends au loin la circulation de notre quartier, plus encombrée à cette heure-ci de la journée. Je trouve les battements rapides de mon cœur tout aussi bruyants. Ils couvrent la chaîne qui déverse dans la cuisine du rock anglais.
« Ne tourne pas la tête ! ». C’est ce que je me répète en boucle, il est hors de question que je le quitte des yeux, et lui prouve qu’il me trouble.
Au bout de ce qui me semble être une éternité à nous affronter du regard, Alexander glisse sa main droite sur la mienne, qui tient le bord de la table avec force.
— Léa, murmure-t-il doucement.
Il a l’air si timide, si maladroit. Il n’arrête pas de se passer la main gauche dans les cheveux. Ses joues rosissent légèrement lorsqu’il inspire un grand coup et ouvre la bouche pour continuer de parler. Au même moment, son téléphone posé sur le plan de travail se met à sonner. La mélodie s’élève dans la pièce et éclipse les autres bruits environnants.
Avec un regard désolé, il s’éloigne rapidement, l’attrape avec impatience et décroche.
— Que se passe-t-il ?
Le téléphone à l’oreille, Alexander revient vers la table où je suis toujours assise, et je tente de me concentrer sur mon assiette pour ne pas lui donner l’impression que j’écoute la conversation.
A mesure que la personne au bout du fil lui parle, son visage s’assombrit. Ce qu’il lui dit a l’air de le contrarier énormément.
— Nous étions d’accord pour la semaine prochaine, réplique-t-il sèchement. Je n’ai pas envie de quitter Londres avant la date prévue, ajoute-t-il en replaçant sa main sur la mienne qui n’a pas bougé d’un pouce et qui est, toujours accroché au bord de table comme pour, être certaine que personne ne pourrait la voler.
En l’entendant dire ça, je relève la tête et l’observe. Ses yeux sont fermés, sa mâchoire serrée. Alexander n’est pas content !
Si je comprends bien, il doit avancer son départ pour Vancouver de plusieurs jours. En voilà une bonne nouvelle !
Je suis mal à l’aise en sa présence, et devoir jouer son épouse ne fait qu’accentuer ce sentiment.
Je suis certaine que beaucoup de femmes donneraient tout pour être à ma place, mais moi je n’y arrive pas !
— Je suis certain que tu vas réussir à leur faire changer d’avis, répond-il plus doucement.
Il caresse le dos de ma main du bout des doigts. Je frisonne. Mon cœur fait un saut périlleux.
Ça suffit les hormones !
Pendant qu’il continue de parler, j’enlève ma main de sous la sienne, et attrape mon verre d’eau que je porte à mes lèvres pour donner une excuse inutile à mon geste. Bien sur, je ne repose pas le verre.
— Je sais que tu fais de ton mieux. Cette séparation va être longue, je n’ai pas envie d’ajouter d’autres dates. Je vais devoir attendre le vingt-quatre décembre pour revoir Eleanore et Léa. C’est beaucoup !
Alexander semble plus détendu qu’au début de sa conversation. Il me sourit avant que je ne détourne les yeux en rougissant. Rougissement qui s’accentue lorsque mon ventre émet une horrible plainte qui me donne envie de disparaître sous terre. C’est vraiment devenu une habitude en sa présence. Alexander tousse pour camoufler son rire. J’ai envie de lui tirer la langue, mais je me retiens et pousse les haricots verts en attendant – avec difficulté – car je suis affamée, qu’il termine.
Lorsque son pied me frôle, je lève la tête et le regarde. Alexander m’encourage à manger d’un signe de tête vers mon assiette.
Comme je veux l’attendre, je fais non de la tête. Il lève les yeux au ciel et me fait un clin d’œil.
— Tête de mule, articule-t-il silencieusement.
Au bout de quinze minutes à remuer encore et encore les aliments de mon assiette, je me lève de table et commence à réchauffer les plats qui se sont refroidis. Debout près du plan de travail en granite, je descends le son de la chaîne Hi-fi et fais les allers- retours entre la table et le micro-ondes.
— Oui, dès que tu en sais plus ! Bye.
Pendant que je sors précautionneusement le plat de haricots verts du micro-ondes, j’entends Alexander soupirer et déposer son téléphone sur la table. Je n’ai pas besoin de le voir pour savoir qu’il me regarde et qu’il va s’excuser à nouveau.
— Je suis dé...
Qu’est-ce-que je disais !
— Si tu dis que tu es désolé, je vais...je vais...
Je vais quoi ? Bonne question. Je me mords l’intérieur de la joue et réfléchis. Le priver de dessert ? L’envoyer dans sa chambre ?
J’ai envie de rire tellement je me sens ridicule. Son rire résonne dans la pièce. Il rit fort. Les bras croisés contre ma poitrine, je me tourne vers lui et le fusille du regard. C’est qu’en plus, il se moque de moi ! Je vais lui botter les fesses, voilà ce qu’il mérite !
En continuant de rire, il se lève de sa chaise et s’approche doucement de moi.
— Tu vas...m’encourage-t-il doucement.
La cuisine n’est pas très grande, mais la distance qui nous sépare est tout de même assez importante pour me permettre de fuir si j’en ai envie.
— Je vais…
Je perds le fil de mes pensées en le regardant s’avancer vers moi. Il ressemble à un félin qui avance lentement vers sa proie avant de lui bondir dessus. Est-ce-que je suis la proie ?
Lorsqu’il se stoppe devant moi, mon cœur s’emballe dangereusement. Qui a monté le chauffage dans la pièce ?
Je retiens mon souffle lorsqu’il glisse ses mains sur mes hanches et m’attire contre lui . Je m’en veux d’être aussi troublée par lui, mais, je n’y peux rien. C’est comme ça depuis notre première rencontre.
— Chut, murmure-t-il à mon oreille en me faisant frisonner.
— Je n’ai rien dit, je souffle en tentant de reprendre mon souffle.
Son parfum me tourne légèrement la tête.
— Peut-être, mais tu réfléchis trop, Léa !
Il dépose son front contre le mien. Je le laisse faire même si, ma raison me dicte de fuir pendant que j’arrive encore – un peu – à réfléchir. Mais au final, ai-je vraiment envie de fuir encore une fois ? Pour une fois, je veux juste arrêter de trop penser, et d’avoir peur de moi ! De lui !
— Léa, souffle-t-il tout contre mon visage.
Sa main gauche glisse le long de mon cou qu’il caresse du bout des doigts, touche mon épaule, frôle mes côtés et retire du plan de travail que je sers avec force. Tellement fort que j’ai mal aux doigts.
J’ai l’impression que mon cœur tente de s’échapper de ma poitrine. Je dépose ma main sur son torse, son cœur bat aussi rapidement que le mien. Il retient son souffle lorsque je dépose ma seconde main sur sa joue. Ses lèvres se rapprochent doucement des miennes sans les toucher. Nos souffles sont courts. Je vais devenir un tas de cendres si nous continuons comme ça.
— Léa.
Je sais qu’il ne fera rien sans mon accord. Cet homme est un vrai gentleman. Je repousse les pensées négatives qui essaient de se faufiler.
— Alexander, je chuchote en effleurant à peine ses lèvres avec les miennes.
D’ordinaire patient, Alexander grogne avant de plaquer sa bouche contre la mienne avec force pendant que ses mains font barrage entre mon dos et le plan de travail derrière moi, m’évitant ainsi de me cogner par la force de son geste. Pendant que nous nous embrassons à en perdre haleine, ses mains partent à la découverte de mon corps. Sa bouche ne quitte pas la mienne lorsqu’il dépose ses mains sous mes fesses pour me soulever du sol. Je m’accroche à son cou. Ce serait bête de me blesser juste maintenant.
L’air est devenu tellement électrique que je m’étonne que la maison n’explose pas avec nos corps en feu.
Doucement, il m’assied sur le plan de travail. Sa bouche part à la découverte de mon cou. Je gémis en rejetant ma tête en arrière pour lui laisser libre accès à ma peau.
Pendant qu’il continue à m’embrasser, j’ouvre lentement les boutons de sa chemise blanche. J’ai besoin de sentir sa peau contre la mienne. Du bout des doigts, je caresse son torse musclé. Lorsque mes doigts descendent sensuellement vers la boucle de sa ceinture, je le vois retenir son souffle. Sans le quitter des yeux – ce que je me suis toujours crue incapable de faire – j’ouvre sa ceinture. Ses yeux sont fiévreux. Les miens doivent être pareils.
Je suis en train de m’attaquer au bouton de son pantalon de costume lorsque son téléphone se remet à sonner. Mes mains retombent le long de mon corps.
Alexander semble se moquer de la sonnerie qui s’élève encore et encore dans la pièce, car il approche à nouveau son visage du mien pour recommencer à m’embrasser passionnément. Je n’ai pas sa capacité à faire abstraction de ce qui se passe autour de moi. Ce bruit est irritant !
— Alexander ! Ton téléphone.
Je ne reconnais pas ma voix. Elle est emplie de désir.
— Laisse-le sonner, réplique-t-il en enlevant mon t-shirt qu’il balance dans un coin de la cuisine avant de déposer des baisers sur mes épaules nues.
Lorsque le silence revient dans la pièce, il ajoute en descendant sa bouche vers ma poitrine encore protégée par ma brassière :
— Tu vois.
Je m’apprête à reconnaître qu’il a raison lorsque son téléphone émet à nouveau des bruits stridents.
— Tu vois, je dis en le repoussant doucement.
Je n’ai pas pu m’en empêcher. C’était trop tentant. Il lève les yeux au ciel, m’abandonne et va chercher l’objet du délit qui continue de crier.
— Oui !
Son ton est sec. Alexander n’est pas content d’avoir été dérangé.
Je profite de ces quelques minutes de répit pour essayer de reprendre mes esprits. J’inspire et expire à plusieurs reprises pour calmer les battements de mon cœur. Mon corps est toujours en feu.
Le téléphone à l’oreille, il revient près de moi et me caresse le cou du bout des doigts en me souriant tendrement. Mon cœur fait un saut périlleux dans ma poitrine. Je rougis et baisse les yeux en rougissant.
— Après-demain ! Je suppose que je n’ai pas le choix. Envoie-moi toutes les informations par mail.
Il n’ajoute rien, raccroche et dépose son téléphone à côté de moi.
Lorsque je lève les yeux vers lui, il me sourit. Sa main glisse dans mon cou pour attirer mon visage vers le sien. Il dépose ses lèvres contre les miennes. Je n’aurais pas gardé longtemps une pensée cohérente !
— Nous serions mieux dans notre chambre, propose-t-il contre ma bouche.
De toutes mes forces, je repousse mes inquiétudes et appréhensions. J’acquiesce en rougissant. Mémo à moi-même : penser à acheter de l’après-solaire, parce qu’à force de rougir, je risque de me prendre un coup de soleil.
Alexander ne me laisse pas le temps de descendre de là où je suis assise car il me prend dans ses bras en souriant.
— Tu comptes encore me déposer dans le salon, je le taquine pendant qu’il sort dans le couloir pour rejoindre les escaliers qui mènent à l’étage où se trouvent les chambres.
— Non mon amour, cette fois-ci, je te dépose sur notre lit.
Je dépose ma joue contre son torse. Les battements de son cœur sont moins rapides que les miens. Le rythme est apaisant. Il porte sa chemise ouverte que je n’ai pas eu le temps de lui enlever un peu plus tôt. Sa peau est chaude contre la mienne.
Lorsqu’il dépose son pied sur la première marche, la sonnette de la porte d’entrée résonne dans le couloir.
— C’est une conspiration, marmonne-t-il pendant que je ris.
Il lève les yeux au ciel et continue son chemin comme s’il n’avait rien entendu. Mais déjà, je me libère de ses bras. Son regard suppliant rencontre le mien, et me donne envie de le serrer dans mes bras.
— Léa, me supplie-t-il avec une moue boudeuse.
J’hésite à l’écouter, surtout que le silence est revenu dans la maison, mais quelque chose me pousse à enfiler un t-shirt qui traîne près des escaliers et me rendre à la porte d’entrée.
— C’est peut-être important.
C’est comme ça que je justifie mon geste. Je presse le pas. Lorsque je me trouve devant la porte, je me tourne et vois Alexander qui boude sur une marche de l’escalier. Eleanore lui ressemble tellement et encore plus maintenant. Les mêmes mimiques tellement craquantes.