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— Le tournage a été ralenti par son départ, il ne pourra pas être ici à Noël, j’explique à Jack et papa.

Depuis que j’appréhende vraiment ça, je ne sors que quand c’est vraiment nécessaire. Mes parents l’ont compris et multiplient les visites. Cela fait une heure qu’ils sont chez nous. Nous sommes assis dans le salon, face à la cheminée qui est allumée pour réchauffer la maison. Je tiens dans mes mains mon mug Harry Potter rempli de thé vert que je porte de temps en temps à ma bouche.

Eleanore, assise sur le sol décore le bas du sapin de Noël en plastique que je viens de remonter de la cave. Il ressemble à un vrai sapin, sans les inconvénients : les épines partout dans la maison et devoir s’en séparer chaque année après son travail accompli. Bien sûr, Jack trouve que c’est une inqualifiable faute de goût. C’est la même histoire chaque année à Noël. Et chaque année, une fois ce dernier décoré, il finit par reconnaître qu’il n’est pas si hideux que ça.

 

J’observe Eleanore accrocher avec application une boule en plastique rouge sur une branche basse. Elle porte une robe pull beige et des collants de la même couleur. A son second essai, elle plisse les yeux, sort légèrement la langue et tente à nouveau. Eleanore est comme moi, elle ne se décourage pas facilement, alors, elle recommence encore et encore jusqu’au moment où elle réussit.

— Bravo ma chérie, je dis en lui souriant.

Elle me sourit fièrement et retourne fouiller dans les cartons qui contiennent nos décorations.

En la regardant faire, je me demande si Alexander va lui manquer à Noël ? cela ne fait pas tellement longtemps qu’il est apparu dans sa vie, mais elle est très attachée à son papa.

Va-t-il me manquer ?

Bien sûr, il me manque déjà. Noël va être difficile sans lui. Je soupire bruyamment. L’amour, c’est plus facile dans les romans.

 

— Tu te souviens de Roody, mon ami de la galerie d’art de New York ?

Je tourne la tête vers Jack. Je me souviens du géant aux yeux sombres et au sourire de pub. Père de cinq enfants, marié depuis vingt ans et toujours aussi fou de sa femme. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises.

— Oui, je réponds.

— Il a un chalet à deux heures de Vancouver.

— A Whistler, précise papa.

Je fronce les sourcils. Je ne comprends pas où ils veulent en venir.

— Ils partent à Saint-Barth pour les vacances de Noël. Il déteste le froid, les touristes et il me doit un gros service. Si Alexander ne vient pas à nous pour Noël, nous irons à lui.

J’écarquille les yeux. L’idée est très tentante.

— Et sa famille ?

— On leur propose de venir avec nous. J’adore m’occuper de ce genre de chose, tu le sais. Alors laisses-moi gérer et toi, tu vas le rejoindre plus tôt pour lui faire la surprise. Je sais, ajoute-t-il quand j’ouvre la bouche pour répliquer, je sais que tu ne veux pas être séparée de notre puce trop longtemps. Mais tu peux partir trois jours avant nous. Ce sera un peu votre voyage de noces. Fais-lui la surprise. Par contre, par pitié, je m’occupe de ta valise. Les culottes en coton, ce n’est pas sexy.

— Jack ! je râle.

Mes joues qui ont prises une teinte rouge lorsqu’il a parlé de voyage de noces, se réchauffent encore plus.

Je suis certaine, que Jack a compris depuis longtemps qu’Alexander et moi sommes proches. Il rigole en terminant son thé et se lève.

Sans me laisser le temps de répondre, Jack rejoint ma chambre. Je le connais suffisamment pour savoir que si je ne le laisse pas faire, il va me harceler jusqu’à ce que je cède. Et puis, je peux toujours défaire ce qu’il a fait une fois qu’il sera parti. L’idée, c’est de lui laisser l’illusion qu’il contrôle.

D’ailleurs, ce n’est pas une mauvaise idée de pouvoir se retrouver juste tous les deux.

 

Je passe les jours suivants à préparer notre départ. Jack a eu la confirmation que nous pouvons utiliser le chalet. J’ai les clés dans la poche intérieure de mon sac à main puisque je serais la première sur place. Je passe le plus de temps possible avec Eleanore. On cuisine, on rigole, on dessine et on termine de décorer le sapin de Noël. Et bien sûr, quand Alexander nous téléphone, je ne dis rien et lui fais croire que nous passerons les fêtes chez mes parents. Quelques heures avant mon départ, je reçois l’équipe d’Alexander qui continue de me préparer pour notre interview à la télévision nationale.

Je suis assise sur le canapé face à plusieurs membres de son équipe. Son agent, l’assistante de ce dernier, leur spécialiste des relations à la presse et un comportementaliste que j’ai déjà vu dans plusieurs émissions. Ils analysent chacun de mes gestes de la tête aux pieds.

— Ne tape pas la mesure sur le bord de ta chaise, cela veut dire que tu es stressée, m’explique ce dernier. Vous serez assis sur des fauteuils à côté de la journaliste. Alexander sera assis le plus proche d’elle, et te tiendra la main gauche. Pour montrer que tu es à l’aise, tu peux déposer ta main libre sur l’accoudoir ou sur ta cuisse. Mais interdit de bouger les doigts.

J’acquiesce. Pas de mouvements de doigts. Je l’ajoute à ma liste mentale : pas de grimaces, interdit de lever les yeux au ciel, de bouger mon nez pour me retenir d’éternuer, je dois sourire avec mes yeux en plus de ma bouche, je ne dois pas être crispée, et tellement d’autres choses que je me suis fait des notes que je relis le soir.

— Tu as la liste des questions et les réponses les plus adaptées qui vont avec, enchaîne l’agent d’Alexander en regardant sa montre. L’équipe a bossé longtemps sur ces réponses, apprends-les par cœur.

— Qu’est-ce-que je fais si j’ai un trou de mémoire ? je demande d’une petite voix.

— Serre les doigts d’Alexander, répond l’assistante. Il t’aidera. Quand il sera de retour, on aura l’occasion de répéter une fois avant l’interview.

J’acquiesce en les regardant se préparer à partir. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je vais me ridiculiser devant l’Angleterre.

 

Deux heures plus tard, je boucle ma valise toujours ouverte sur mon lit. J’ai gardé une grande partie de ce que Jack a proposé dont quelques ensembles de lingeries que je n’ai jamais porté. Pourquoi pas après tout. Mais j’ai quand même glissé des culottes en coton dans ma valise.

Eleanore, Jack et papa viendront nous rejoindre le quatrième jour de mon séjour. La famille d’Alexander s’est montrée enthousiaste aussi. Bridget et Jack s’occupent d’organiser ce Noël. Ils s’entendent bien tous les deux. Pendant que je transporte ma valise dans la maison, mon cœur se serre. Eleanore ne sera pas avec moi. C’est tellement rare pour moi de voyager sans elle. Mais Jack a raison. Angie qui va peut-être nous rejoindre avec son fiancé, a dit la même chose dans des termes plus imagés.

— Ma poule, vous allez copuler comme des lapins, ce n’est pas la place pour une enfant.

J’ai donc déposé ma puce chez mes parents. Comme à son habitude, elle ne s’est pas inquiétée de mon départ. Elle s’est blottie dans mes bras pendant que je retenais mes larmes et m’a souhaité un « bon foyache ».

 

Dans l’avion, je suis installée près du hublot. J’observe les nuages en écoutant de la musique. Quand me vient une idée, je la note dans mon cahier.

J’ai prétexté être absente de la maison avec Eleanore pour éviter qu’Alexander ne nous appelle et se pose des questions. Quand « The Pretender » des Foo Fighters résonne dans mes oreilles, je force mon esprit à ne pas paniquer.

Ce n’est vraiment pas une bonne idée de ne pas prévenir Alexander, et s’il est avec quelqu’un ?

Mon ventre se tord à cette idée. Je secoue la tête pendant que mon voisin ronfle. Je ne dois pas penser comme ça alors que je me suis promis de ne plus douter de lui et de ses sentiments. Hors de question de faire deux pas en arrière alors que nous avançons.

 

Au moment où le pilote annonce que l’avion amorce sa descente, je rassemble mes affaires. Il ne neige plus ce qui nous permet d’atterrir à l’heure. Je passe les contrôles sans soucis, récupère ma valise et sors de l’aéroport. Comme personne n’est au courant de mon arrivée, je prends un taxi et lui indique l’hôtel où Alexander loge pendant le tournage.

Sur la route, pendant que le chauffeur me fait joyeusement la conversation, je me recoiffe distraitement en regardant les paysages enneigés. J’hésite toujours à demander au chauffeur de me conduire directement au chalet. Peut-être faut-il mieux que je sois psychologiquement préparée à le revoir. Je ne sais toujours pas quoi lui dire.

Je n’ai pas le temps de réfléchir plus que ça car le taxi se stoppe devant le Wedgewood Hôtel & Spa.

 

Je paie ma course pendant que le portier m’ouvre la porte et me tend une main gantée pour m’aider à descendre du taxi. J’ai à chaque fois l’impression d’être une princesse. Le bagagiste est déjà en train de prendre ma valise dans le coffre. Le portier m’invite à passer devant lui en me disant avec un grand sourire :

— Bienvenue à l’hôtel Wedgewood Madame !

— Merci, je réponds en entrant dans l’hôtel.

Il m’invite à suivre le bagagiste jusqu’à la réception.

A cette heure-ci de la nuit, il y a peu de personnes présentes. Le hall de l’hôtel est vide et l’équipe est restreinte. Une blonde souriante m’invite à la rejoindre devant le comptoir.

— Madame, soyez la bienvenue à l’hôtel Wedgewood. Puis-je vous proposer notre séjour Spa ?

— Merci, mais je viens rejoindre mon mari qui a déjà une chambre chez vous, je réponds en me retenant de taper la mesure sur le comptoir.

Son sourire s’agrandit.

— Quel est le nom de votre mari que je puisse regarder dans nos registres ?

— Alexander Wills.

Si elle est surprise, elle ne montre rien. Elle tape sur le clavier de l’ordinateur.

— Effectivement, Monsieur Wills est bien descendu chez nous. Je vais l’appeler pour l’informer de votre présence à la réception, m’explique-t-elle en tendant la main vers le téléphone.

— C’est une surprise, dis-je en espérant stopper son geste.

Je vois à son visage qu’elle n’est pas convaincue, et je suppose, qu’ils doivent avoir l’habitude de ce genre de situation. Ses yeux me scannent de la tête aux pieds. J’ai plus l’air d’une adolescente en fugue que la femme d’un acteur très connu. Pour être à l’aise pendant le trajet, j’ai mis un jean vintage troué au genou droit, et un sweat à capuche vert. Je porte des converses aux pieds.

— Écoutez Madame, je ne peux pas vous laisser vous promener dans l’hôtel, si je ne suis pas certaine que Monsieur Wills est bien votre mari.

Elle me prend pour une fan.

— J’ai notre livret de famille, si jamais cela peut vous aider à me croire.

Je sors ma carte d’identité de mon sac à main, mon passeport et le livret de famille que nous avons reçu après notre mariage. Elle pince les lèvres et regarde tout ça avec attention. A sa tête, je suis certaine qu’elle est persuadée que ce sont de faux papiers.

Elle me demande de l’excuser deux minutes et va rejoindre une collègue qui travaille un peu plus loin. Cette dernière tape sur un clavier. Lorsque son collègue arrive à ses côtés, elle se stoppe et regarde les documents qu’elle lui tend. Je n’entends pas ce qu’elles se racontent, mais je les vois me jeter plusieurs coups d’œil avant de regarder à nouveau les papiers. La réceptionniste de nuit qui s’occupe de moi hoche la tête et me rejoint d’un pas rapide en faisant claquer ses talons sur le carrelage de l’accueil.

— Tout est en ordre Madame Wills. Veuillez m’excuser, mais je dois m’assurer de la sécurité de nos clients.

— Je comprends, je réponds en souriant.

Je remets mes papiers dans mon sac pendant qu’elle invite le bagagiste à m’indiquer le chemin de la chambre d’Alexander.

 

Dans l’ascenseur, j’ai l’impression que mon cœur va sortir de ma poitrine. J’ai peur et pourtant, je suis impatiente de le retrouver. Alexander me manque. Mon cerveau fonctionne à cent à l’heure. Et s’il me renvoyait à la maison ? Et s’il n’était pas content de moi voir ?

Comme je ne suis pas seule, je n’ose même pas me regarder dans les miroirs pour voir l’état de ma tenue après ces neuf heures de vol.

Lorsque l’ascenseur se stoppe, mon cœur fait un bond. J’hésite vraiment à rester dans la cabine et à faire demi-tour. L’homme qui porte ma valise avance d’un pas énergique dans le couloir de l’hôtel. Il se stoppe devant la chambre 3457.

— C’est là, murmure-t-il. Passez un bon séjour Madame Wills.

— Merci, je réponds en lui tendant un pourboire qu’il doit juger généreux à l’immense sourire qu’il me fait.

 

Cinq minutes après son départ, je suis encore dans le couloir. Je jette un regard à ma montre, il est vingt-trois heures ici. Je souffle. Secoue la tête, fais demi-tour et reviens sur mes pas. J’espère vraiment qu’il n’y a pas de caméras dans les couloirs car je dois passer pour une folle.

— Allez, tu peux le faire, je murmure en agitant mes mains pour dégourdir mes doigts.

Après avoir inspiré un grand coup, je frappe doucement à la porte. Mon cœur tente de s’enfuir à plusieurs reprises. Je sais qu’il est dans sa chambre, la réceptionniste me l’a confirmé. Peut-être que je le réveille. Plusieurs minutes passent et mon stress augmente. Je suis sur le point de rebrousser chemin pour demander une chambre pour moi passer la nuit lorsque la porte s’ouvre.

Alexander apparaît et mon cœur fait un bond. Il dormait. Il dort à moitié. Ses cheveux sont en batailles. Il porte un caleçon gris et un t-shirt blanc qu’il lisse sur son ventre. Je me retiens de sourire tellement je le trouve craquant comme ça.

Lorsqu’il me voit, ses yeux s’écarquillent de surprise. Il immense sourire éclaire son visage. Sans doute pour me demander ce que je fais là, il ouvre la bouche, mais je ne lui laisse pas le temps de poser sa question. Je lui saute littéralement dessus et plaque ma bouche sur la sienne avec impatience. Il est d’abord surpris de ma fougue, mais il se reprend très vite, et me porte à l’intérieur.

 

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