Je n’ai pas besoin d’un dessin pour savoir qu’ils couchent ensemble. Surtout que cette jeune femme semble bien connaître l’endroit. Elle n’a pas besoin de chercher les choses pour les trouver. Elle ouvre une armoire au-dessus de la kitchenette et en sort un paquet de cookies aux pépites de chocolat. Elle attrape le cendrier près de l’évier. En la regardant faire, de la bile me remonte dans la gorge. Je grimace en avalant ma salive. Je m’en veux tellement d’avoir été idiote. Et dire qu’avant son arrivée, je me faisais la leçon sur la confiance que je devais accorder à Alexander. Je suis vraiment stupide ! Mon cœur se serre. J’ai envie de pleurer. Mais je ne veux pas pleurer devant elle, alors, je ravale mes larmes pendant qu’elle évolue dans la caravane avec aisance.
— Alors, commence-t-elle en s’essayant sur la banquette face à moi. Comme j’étais là la première, je propose que notre cher Alex s’occupe de moi d’abord.
Elle me fait un clin d’œil qu’elle espère sans doute complice. J’ai de plus en plus de difficultés à empêcher mon estomac de se déverser sur la table.
Je secoue la tête lorsqu’elle pousse le paquet de cookies dans ma direction pour m’en proposer un. Je veux sortir d’ici le plus rapidement possible. Dès que ce sera fait, je prendrai un taxi jusqu’à l’hôtel, ferai mes bagages et trouverai un autre hôtel. Tout est prêt pour que nous fêtions Noël tous ensemble. Alors, il est hors de question que l’acteur me gâche cette fête que j’aime tant. Quand les fêtes de fin d’année seront passées, nous prendrons le temps d’annuler ce mariage. Je refuse de rester mariée à un type qui saute tout ce qui bouge. Ce n’est pas du tout l’exemple que je veux donner à Eleanore. En songeant à elle, mon cœur se serre. Elle me manque tellement, mais je suis contente qu’elle ne soit pas là. Les prochains jours seront difficiles.
— Je l’ai acheté exprès pour lui. Alex aime la lingerie fine, dit-elle en me montrant le bustier. Enfin, ajoute-t-elle en me faisant un nouveau clin d’œil, il aime particulièrement me l’enlever.
C’en est de trop pour moi. J’ai l’impression d’entendre mon cœur se fissurer un peu plus dès qu’elle ouvre la bouche. Je dois quitter cette caravane avant que mon organe ne me sorte par la bouche pour se désintégrer.
— Je vois très bien, je marmonne en me levant. Je dois y aller.
— Déjà ? pour une fois que, j’ai de la compagnie pour attendre Alex.
Elle ne croit quand même pas que je vais rester assise avec elle pour discuter de la pluie et du beau temps en attendant que l’homme dont je suis malheureusement très amoureuse arrive pour la...lui...je n’arrive même pas à le penser ! Je m’approche de la sortie au moment où la porte s’ouvre. La lumière extérieure s’infiltre dans l’espace confiné et m’éblouit. Je cligne plusieurs fois des yeux.
— Salut, lance joyeusement Alexander.
Je me sens prise au piège. D’un côté, j’ai envie de le confronter maintenant ! d’un autre, je veux partir le plus vite et le plus loin possible pour ne plus le voir. J’ai peur de craquer devant lui. Je ne veux pas pleurer maintenant.
Toujours sur les marches, Alexander fronce les sourcils. Il a dû remarquer mon attitude clairement hostile. Quand la jeune femme en lingerie se plante à côté de moi en souriant, il pâlit.
— Salut, beau gosse, dit-elle. J’ai trop hâte que tu m’enlèves cette petite merveille que j’ai payée une fortune.
— Arrête ça, Amy !
Elle a donc un prénom ! Amy rigole et lui envoie un baiser qu’il ne voit pas, car il ne me quitte pas des yeux.
Je me force à garder un visage neutre. Je refuse qu’ils voient tous les deux à quel point je suis blessée. Hors de question de prendre part à ce jeu tordu.
— Va t’habiller, s’il te plaît. Ce n’est pas le moment.
Même s’il semble fâché, sa voix est douce quand il lui parle. Ils se connaissent bien tous les deux, je n’ai aucun doute là-dessus. Avec un sourire mutin sur les lèvres, Amy ne bouge pas d’un centimètre.
— C’est un timide, me murmure-t-elle pas si discrètement que ça. Ne fais pas le timide parce qu’il y a cette jeune femme dans ta caravane. Elle a compris que toi et moi, nous nous amusions souvent. Tu ne dois pas te sentir gêné par ça, nous ne faisons rien de mal, ajoute-t-elle en se tournant vers lui. Ce n’est pas comme si tu étais marié !
A bout de souffle, je m’accroche à la table derrière moi pour ne pas m’effondrer sur le sol. Maintenant, que nous sommes trois, j’ai l’impression que l’espace s’est fortement réduit. Je me sens de plus en plus claustrophobe. J’ai besoin de prendre l’air. Sortir d’ici est devenu vital !
Le plus discrètement possible, je regarde autour de moi pour trouver une autre issue. Je suis même prête à sauter par la fenêtre si cela me permet de me sauver plus rapidement.
— Amy ! Arrête de jouer et va t’habiller.
Alexander perd patience. Je le sens me regarder, mais je me refuse de faire la même chose. A quoi bon ? c’est un excellent comédien. J’ai vraiment cru comme une idiote qu’il était amoureux de moi.
Comme cette dernière n’est toujours pas décidée, il l’entraîne dans la chambre. Au moins, elle sera déjà au bon endroit.
Maintenant que la sortie est libérée, je quitte la caravane. Je marche le plus rapidement possible pour rejoindre la sortie des studios. Je me félicite d’ailleurs d’avoir fait attention aux différents chemins que nous avons empruntés depuis le début de la journée.
Un peu comme dans un film d’horreur, je n’ose pas regarder derrière moi. Je sais que si je le fais, je vais paniquer de le voir se rapprocher.
Pour passer inaperçue, je me mêle aux nombreux groupes que je croise. Ce besoin impératif de m’éloigner me pousse vers la sortie. Le souffle court, j’aperçois mon objectif que je ne quitte pas des yeux quand on me retient par la main. Le mouvement me stoppe net. Je n’ai pas besoin de le voir pour savoir que c’est Alexander. J’ai reconnu son parfum.
Sa main ne quitte pas la mienne quand il passe devant moi pour m’empêcher d’avancer.
Je le fusille du regard. Je ne veux pas lui parler maintenant. Je veux me rendre au chalet où nous devons passer les fêtes de fin d’année et m’isoler jusqu’à l’arrivée d’Eleanore, papa, Jack et sa famille à lui.
— Je sais que ce que tu as vu ne laisse pas de doute sur ce qu’elle faisait là et, je sais aussi que quoi que je te dise tu ne voudras pas me croire, mais laisses-moi au moins essayer.
La sortie est à quelques pas de moi. Je ne regarde pas Alexander, je fixe la cabine du garde et la barrière qui monte et descend au rythme des voitures.
— Je te demande de me consacrer quelques minutes et après si tu veux retourner à l’hôtel faire ta valise, je te promets que je ne tenterai pas de t’arrêter.
Surprise, je lève la tête vers lui. Ses yeux sont suppliants. Les miens doivent être hésitants.
— S’il te plaît.
Je tente d’analyser les expressions de son visage. Il a l’air inquiet, triste. Ou peut-être qu’il fait simplement semblant pour m’attendrir. D’un autre côté, je n’y peux rien, je suis de celles qui préfèrent arracher le pansement d’un coup sec. Ses explications vont me faire mal, mais me permettront sans doute de panser rapidement mon cœur.
— Je vais essayer de t’en dire le plus possible sans dévoiler les secrets d’Amy. Je pense qu’elle t’en parlera d’elle-même. Tom et moi l’avons rencontré à nos débuts quand nous passions plus de temps dans les castings qu’autre chose. Ça a tout de suite collé entre nous trois. C’était une sorte d’évidence. Un coup de foudre amical. Comme quand tu rencontres quelqu’un et que tu sais que tu ne peux plus passer le reste de ta vie sans qu’elle soit présente. Elle vient d’une famille qui a fait fortune grâce au cinéma. Elle n’utilise jamais son vrai nom quand elle passe un casting, elle veut être célèbre pour son jeu d’actrice et pas pour la dernière frasque de son père, explique-t-il en se passant la main droite dans les cheveux sans me quitter des yeux.
Entre elle et ses parents, c’est conflictuel. Ils n’étaient jamais là. Sa nounou avait pour consigne de céder à chacun de ses caprices. Tout ce qu’Amy veut, Amy l'a. C’est encore le cas aujourd’hui.
Tom et moi veillons sur elle depuis que nous la connaissons. Je ne sais plus le nombre de fois où nous sommes venus la sortir du pétrin. Elle n’a pas eu le bon exemple avec ses parents, elle ne sait pas prendre soin d’elle seule. Elle se laisse facilement manipuler et elle fréquente souvent les mauvaises personnes. Malgré tout cela, elle est attachante et compte beaucoup pour nous. Elle est comme une petite sœur. Je ne la vois que comme ça, il insiste bien sur ces derniers mots avant d’ajouter :
— Tom lui a dit que tu étais sur le plateau aujourd’hui. Comme elle aime la provoc, elle a voulu te jouer un petit tour pour me punir de ne pas lui avoir dit que j’étais marié.
Les sourcils froncés, je scrute le visage de l’homme dont je suis tombée amoureuse. J’ai envie de le croire, mais je ne sais pas. Je ne sais plus quoi penser. Ce qu’il vient de me dire explique la présence de la jeune femme dans sa caravane, mais qui me dit qu’il ne vient simplement pas de tout inventer pour se justifier ?
Surtout que, les acteurs sont très bons en improvisation. Mes yeux se posent à nouveau sur la cabine du garde. Ce serait tellement plus facile de partir sans me retourner. Après tout, il m’a juste demandé de l’écouter. Je suis donc certaine qu’il ne chercherait pas à me retenir. Mais d’un autre côté, mon cœur fissuré se réchauffe légèrement à l’idée que ce ne soit juste qu’une mauvaise blague.
— Tiens, dit-il en me tendant son portable. Tu peux téléphoner à Tom et lui demander si ce que je dis est vrai. Je ne veux pas de secret entre nous. Je t’aime trop pour ça !