— Que je suis heureuse de te voir !
Le meilleur ami de Tom rigole en serrant Jane contre lui. Il porte une casquette noire, des lunettes de soleil de marque et, la capuche de son sweat cache toujours son visage. Je trouve étrange de porter des lunettes de soleil avec un ciel si menaçant. Cela doit être une mode à laquelle je ne comprends strictement rien.
— Jane ! Cesse de monopoliser Alex !
Debout à leurs côtés, Tom attend son tour. Son attitude faussement impatiente me fait sourire.
— Ça va, ça va, marmonne Jane en se reculant. Tu vas l'avoir ton câlin.
Pour la forme, son cousin la pousse légèrement et serre son meilleur ami contre lui. De ma place, je vois à quel point ils sont heureux de se retrouver. Ce que je comprends d'autant plus que ma meilleure amie me manque énormément. Cela fait trop longtemps qu'elle n'est plus revenue en Angleterre.
— Tu as fait bon voyage ? lui demande Tom.
— J'ai connu mieux mais le principal est d’arriver entier, répond son ami.
Il est vrai que la route cabossée que nous devons emprunter pour arriver dans cette partie reculée d’Écosse est loin d’être agréable.
— Maman, qui ?
Éleanore jette des regards intrigués et curieux vers les trois amis. Je baisse la tête vers elle et la serre un peu plus contre moi.
— C'est un ami de Tom, je murmure pour ne pas les déranger dans leurs retrouvailles.
— On va dans notre chambre ?
Ma fille acquiesce en se frottant les yeux. J'en connais une qui ne dirait pas non à une petite sieste. Je la comprends, moi aussi je me sens complètement épuisée. Je crois l'air de l’Écosse n’y est pas étranger.
Je l'embrasse sur le front et m'avance vers la sortie. J'aurais de toute façon l'occasion de faire connaissance avec le meilleur ami de Tom pendant le repas du soir qui sera servi dans deux heures.
Presque sur la pointe des pieds, j'atteins la porte du salon lorsque Tom me stoppe. Il dépose sa main droite sur mon épaule.
— Tu ne vas pas filer comme ça, dit-il. Viens que je te présente !
Les valises attendront ! L'enthousiasme de Tom est perceptible et je me laisse guider vers les deux jeunes en pleine conversation. Lorsqu'elle nous voit, Jane cesse de parler, et se tourne vers nous en souriant. Le nouvel arrivant, lui, enlève ses lunettes.
— Tu vas l'adorer, murmure Tom juste pour moi.
Le temps se fige quand le meilleur ami de Tom enlève la capuche de son sweat et sa casquette.
Je dois rêver !
Je me rends compte que je me suis stoppée net alors que Tom ne comprend pas ce qui se passe ni ce que je ressens me tire par la main pour nous arrêter devant eux. Pourtant, son meilleur ami, ce nouvel arrivant, est l'inconnu d'il y a deux ans. Le père d'Éleanore. Et, en ce moment, je ne rêve que d’une chose : fuir le plus vite possible de la pièce, de l'hôtel, du pays et même, du continent.
Tout ce que j'entends, c'est mon cœur qui bat rapidement dans ma poitrine et dont le bruit se répercute en écho partout dans mon corps jusque dans mes tempes. Au moment où son visage est libéré, le nouvel arrivant passe une main dans ses cheveux en bataille. Le même tic qu'il y a deux ans. Comme si rien n’avait changé.
Je ferme un instant les yeux lorsqu'un souvenir refoulé et enfoui depuis bien longtemps refait surface. Je me souviens de ce matin-là où je suis partie comme une voleuse de son appartement. Je me revois allongée à ses côtés alors que nous venions de passer une nuit ensemble. Et le fruit de cette nuit, se trouve là, dans mes bras. Elle somnole à moitié. Sa tête repose sur mon épaule droite, ses mains entourent mon cou, et son petit poing est fermé autour d'une mèche de mes cheveux.
L'acteur qui pianote sur son téléphone ne s'est sans doute pas encore rendu compte que le réseau ici est lamentable. Il n'a pas encore levé une seule fois les yeux vers moi, ce qui m'arrange.
Je resserre mon étreinte autour du petit corps que je tiens dans mes bras. Je dois garder un visage serein. Je sais que je peux le faire. Enfin, je crois ! Mon cœur bat rapidement, ma nuque est trempée de sueur et, j'ai peur, très peur.
D'un côté, j'espère que je suis en train de rêver ou plutôt, de faire un cauchemar car, cela ne peut pas être vrai ! Quelles étaient les chances pour que nous nous retrouvions ici, dans cet hôtel ensemble ? Et surtout, quelles étaient les chances pour que Tom soit son meilleur ami ?
« Ne craque pas, pas maintenant ! », me répète ma conscience qui est sur ses gardes.
— Léa, commence joyeusement Tom qui me ramène dans la pièce avec eux. Voici Alexander Wills, Alex pour les amis. Alex, mon vieux, je te présente Léa Lewis.
Alexander qui vient de se rendre compte qu'il n'y a pas de réseau marmonne des choses inintelligibles. Tom toussote pour attirer son attention. Il lève les yeux de son téléphone. Ses yeux se posent sur moi. Je sens mon cœur qui menace de sortir de ma poitrine et mes jambes qui vont céder sous mon poids.
Lui, écarquille les yeux. Je sais qu'il vient de me reconnaître. Il détaille mon visage, impassible. Pourtant, je le sens tout aussi surpris que moi de me trouver là ! Il fronce les sourcils et ouvre la bouche pour parler mais, au dernier moment, se ravise.
Je n'ose pas le quitter des yeux. Je n'arrive tout simplement pas. Je suis sous le choc ! Sous le choc de le trouver là, devant moi dans cet hôtel. Je joue réellement de malchance.
Tom, qui ne semble se douter de rien, sourit. Il doit prendre mon air ahuri pour de la surprise de me trouver devant l'acteur le plus en vue depuis quelques années à présent. La star mondialement connue alors que non, je suis juste sous le choc. Je sursaute lorsqu'un bruit de casserole résonne dans la pièce d'à côté et explose cette bulle de souvenirs qui nous entoure. Alexander sourit en coin. Est-il vraiment en train de se moquer de moi ?
J'ai envie de fuir. Je dois fuir ! Fuir le plus loin possible de lui. Fuir cet endroit et retourner en Angleterre. Non ! Non ! L'Angleterre n'est pas une bonne idée, Tom connaît mon adresse. Je dois partir plus loin.
« Réfléchis Léa, réfléchis », murmure ma conscience qui tourne comme un lion en cage.
Je vais rejoindre Angie, ma meilleure amie sur sa tournée aux U.S.A. En voilà une bonne idée ! Je regrette presque d'être coupée de la technologie dans l'hôtel. Je ne peux pas prendre sur le champ deux billets d'avion pour partir dès ce soir.
— Je suis heureux de te rencontrer Léa.
Alexander brise le silence installé depuis quelques minutes.
Je me retiens de froncer les sourcils. Je suis étonnée qu'il agisse comme si c'était la première fois que nous nous rencontrions.
Á ses côtés, Jane ne parle pas ce qui est assez rare pour être souligné. Je n'arrive pas à déchiffrer son regard mais, au fond de moi, je sais qu'elle a compris plus de chose que je ne l’espérais.
Allez Léa, tu peux le faire. Souris et réponds-lui !
— Moi aussi.