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— Arrête de faire ça !


Alexander est toujours assis sur les marches qui mènent à l'étage, les coudes posées sur ses cuisses et la tête entre ses mains. Exactement comme Eleanore quand elle boude. Je fronce les sourcils en le fixant. Que me veut-il ?


— De te mordre la lèvre ! C'est une torture !


Sa voix, déjà rauque à la base, l'est encore plus. Une boule de chaleur s'invite dans mon bas ventre. Soyons honnête, Alexander qui boude est quand même quelque chose de vachement sexy !


 


Je secoue la tête car ce n'est clairement pas le moment de fantasmer sur lui, quelqu'un derrière cette porte a besoin de moi. Je me tourne vers l'entrée de la maison, tourne la poignée, ouvre la bouche de surprise quand je reconnais la personne qui se tient sur le perron.


— Angie ?


Que fait ma meilleure amie ici, alors que sa tournée aux U.S.A n'est pas encore terminée ? Elle est immobile. La tête baissée vers ses ballerines trempées par la neige qui blanchit aussi ses cheveux, Angie ne porte qu'une petite veste en jean sur un top qui dévoile une grande partie de son ventre. Elle tremble, je ne sais pas si c'est de froid ou à cause de ses pleurs silencieux que je devine. Elle n'a sans doute pas pris le temps de se changer avant de quitter le soleil californien.


L'urgence de la situation me saute aux yeux, je me secoue et l'attrape par la main pour l'attirer à l'intérieur de la maison. Si je ne veux pas que ma meilleure amie termine au rayon surgelé, je dois la réchauffer – et comprendre ce qu'elle fait ici – en priorité. Ses lèvres sont bleuies par le froid, ses mains rougies. Lorsqu'elle tangue légèrement, je passe un bras protecteur autour de son taille pour la soutenir, comme elle l'a toujours fait avec moi, à chaque fois que j'ai eu besoin d'elle. Un peu ralentie par ce corps à bout de force, j'avance prudemment dans le hall d'entrée. Mon objectif est de la conduire dans le salon, là où la cheminée se trouve. Lorsque nous atteignons enfin la pièce, je remercie mentalement Alexander, qui a pensé à allumer un feu pendant ma longue sieste de l'après-midi.


 


Je la dépose en douceur sur le canapé, attrape plusieurs plaids dans un panier caché près de la fenêtre. Angie continue de trembler de froid. Je m'accroupis devant elle, lui enlève ses ballerines trempées, frictionne doucement ses deux pieds dans une couverture pour les réchauffer. De nouveau à sa hauteur, je l'attrape par les épaules, elle se laisse faire comme une poupée de chiffon, et lui enlève sa veste avant qu'elle n'attrape un mauvais rhume. Je prends plusieurs couvertures et l'enroule dedans. Elle ressemble à E.T extraterrestre presque à la fin du film, couvert par la serviette, dans le panier du vélo. C'est à peu près le cas là, à part que nous ne sommes pas en vélo et que ma meilleure amie n'a aucune ressemblance avec ce petit être venu d'ailleurs. Lorsque je juge qu'elle est suffisamment couverte, je m'assieds à ses côtés pour la serrer contre moi. Un moyen de la réchauffer et de lui montrer que je suis là pour elle.


Presque totalement couverte, ses pleurs ne se tarissent pas. Je me mords la lèvre du bas, j'hésite à poser la question qui me brûle les lèvres depuis que je l'ai trouvée devant chez moi.


— Angie ? Chérie, qu'est-ce-qui s'est passé ?


Elle laisse échapper une longue plainte et pleure plus fort. Mon cœur se serre à nouveau. Je me sens inutile, elle a tellement fait pour moi.


 


Je sursaute lorsque je t'entends la porte d'entrée claquer. Je retiens mon souffle deux secondes avant de soupirer de soulagement quand je me souviens que je ne suis plus seule à la maison à présent. C'est justement Alexander qui porte la valise que je reconnais comme étant celle de ma meilleure amie à l'intérieur. Lorsqu'il passe devant la porte du salon pour rejoindre l'étage, nos yeux se croisent. Alexander me sourit tendrement, me fait un clin d'œil et s'éloigne, sans doute pour ne pas imposer sa présence.


Je suis totalement perdue. Mon corps réclame à grand cri sa présence à mes côtés, contre moi. Mon cœur, lui est perdu entre l'envie de fuir et celui de le croire sincère. Ma tête, qui perd de plus en plus de terrain, veut s'éloigner. J'ai envie de grogner de frustration. Mais, je me secoue, je ne peux pas penser à Alexander alors que ma meilleure amie souffre. Je resserre ma prise autour de ses épaules et dépose mon menton sur le haut de son crâne pendant que son corps continue de trembler à cause des larmes qui coulent en abondance. Je lui murmure des mots apaisants, ceux que j'emploie avec Eleanore quand elle a un gros chagrin. Lui promet d'être toujours là pour elle, même si elle a tuée quelqu'un. J'arrive même à lui tirer un sourire quand je lui propose d'aller chercher la pelle dans l'abri de jardin pour enterrer le corps.


Même si je suis inquiète, je la connais suffisamment pour savoir que si je tente de la faire parler de force, elle va se braquer et ne rien dire. C'est sa façon de se protéger, et encore plus quand elle souffre.


 


Je ne sais pas combien de temps nous restons en silence, assise sur ce canapé face à ce feu de cheminée qui me donne trop chaud, mais je ne bouge pas et continue de lui caresser les cheveux. Ses larmes se tarissent avant de couler à nouveau abondamment. Dans la pièce quasi silencieuse, une même question tourne en boucle dans mon esprit : Où est Jamie ?


Il est tellement rare de les voir l'un sans l'autre que je me demande s'il ne lui est pas arrivé quelque chose de grave. Mais alors, pourquoi Angie est-elle ici, au lieu d'être à ses côtés ?


— Où est Jamie ?


Les mots sont sortis tout seul de ma bouche, je n'ai pas réussi à les retenir plus longtemps. A peine chuchoté, je ne sais pas si elle m'a entendu jusqu'au moment où ses pleures s'intensifient. Elle se cache le visage dans ses mains tremblantes. Je sens le désespoir dans ses gestes.


— Tu peux me le dire que tu m'avais prévenue ! lance-t-elle avec aigreur entre deux sanglots.


Ses paroles ne me blessent pas, je connais suffisamment Angie pour savoir que c'est sa tristesse et sa colère qui parle.


Elle écarquille les yeux lorsqu'elle se rend compte de ce qu'elle vient de dire et me murmure :


— Pardon.


Elle me sourit tristement en se redressant sur le canapé. Elle se blottit encore plus dans les couvertures, soupire plusieurs fois.


— Il m'avait demandé de le rejoindre dans ma loge à la fin du concert pour me parler de quelque chose qui lui tenait très à cœur. A la fin du second rappel, je suis descendue le plus rapidement possible, courant à moitié dans les couloirs. Mon cœur battait si rapidement d'impatience, je pensais qu'il allait enfin me demander de l'épouser.


Pendant qu'elle reprend son souffle, je n'ose pas bouger malgré ma position inconfortable, mais j'ai peur de la stopper dans ses confidences et qu'elle se referme à nouveau. Ses yeux se reperdent dans le vide quand elle reprend la parole.


— Je pensais à tout, sauf à ça...


Je sais d'avance qu'il n'y aura pas de fin heureuse à son histoire. Si cela avait été le cas, elle ne serait pas là, à pleurer sur mon canapé.


— Plus j'approchais, plus mon cœur cognait fort dans ma cage thoracique. J'avais peur, et en même temps, j'étais surexcitée de le retrouver. Pourtant, lorsque je me suis stoppée devant la porte de ma loge pour reprendre mon souffle et me recoiffer, j'ai ressenti quelque chose de désagréable, comme une sorte de pressentiment, que j'ai rapidement mis de côté en pensant que c'était à cause de la fatigue d'après concert. Les mains tremblantes, j'ai ouvert la porte, et...et...


D'instinct je m'approche d'elle lorsque ses larmes recommencent à couler sur ses joues, elle ressemble à un panda avec son mascara qui colore son visage.


— La fille qui fait...enfin faisait notre première partie avait sa putain de bouche collée à celle de Jamie. En guêpière, elle avait ses bras autour de son cou, hurle-t-elle en se cognant volontairement l'arrière de la tête contre le dossier du canapé. Je ne veux plus voir, ni l'un, ni l'autre.


— Mais quel connard !


C'est la seule chose sensée qui m'est venu à l'esprit. Et pourtant, je ne suis pas quelqu'un qui dit des gros mots, être maman aide énormément.


 


Je suis en colère contre Jamie. Comment a-t-il osé faire ça à Angie ?


Car, même si je n'arrive pas à apprécier le personnage, je sais qu'entre eux deux, c'est un amour vrai et unique. Le genre d'amour qui vous prend aux tripes. Un amour intense, bouillant, fusionnel. Et pourtant, quelque chose a réussi à gâcher cet amour sans nuages.


— Ma proposition pour la pelle fonctionne toujours.


Les yeux rouges à force de pleurer, Angie sourit tristement avant de sangloter à nouveau. Doucement, je l'attire contre moi pour la réconforter. Si je dois passer la nuit, les jambes pliées sous moi, je resterais sans bouger pour qu'elle sache que je suis là.


On ne peut pas effacer quatre ans de bonheur en un coup de baguette magique. Il lui faudra beaucoup de temps pour sortir la tête de l'eau, je serais là à chaque nouvelle étape pour la soutenir.


De ma main libre, je caresse ses cheveux comme je le fais avec Eleanore quand elle fait un cauchemar. Je lui raconte tout et n'importe quoi pour lui éviter de trop réfléchir. Sa respiration devient plus lente et posée, signe qu'elle se calme doucement.


Je continue de lui caresser les cheveux lorsque la sonnerie de son portable résonne dans la pièce. Elle sursaute et me jette un regard paniqué. Pas besoin d'être Nostradamus pour savoir qui tente de la joindre. La colère reprend le dessus lorsque je l'attrape et décroche.


— Bébé ! Parle-moi, je t'en supplie.


— C'est Léa, je réplique sèchement.


Je l'entends expirer bruyamment.


— Même si je savais qu'elle viendrait chez toi, je suis rassuré de la savoir en sécurité. Laisse-moi lui expliquer que c'est une horrible erreur.


Qu'il est pathétique ! n'est-il pas trop tard pour les regrets ? Il aurait dû y penser avant de poser ses lèvres sur celles de l'autre !


— Non ! Elle ne souhaite pas te parler.


Angie ne me quitte pas des yeux. Elle s'est recroquevillée dans un coin du canapé et sanglote en silence.


 


— Je t'en supplie, murmure-t-il, c'est Mandy qui s'est jetée sur moi quand Angie a ouvert la porte.


J'en lâche presque le téléphone. Comment ose-t-il accuser cette pauvre fille !


— Impressionnant ! Cette fille, c'est Flash en fait. Réussir à enlever ses vêtements et se jeter sur toi tout ça au moment où elle a entendu Angie ouvrir la porte, j'ironise.


J'ai de plus en plus de difficulté à me retenir de l'insulter.


— S'il te plaît ! Je sais que tu ne m'apprécie pas, mais je t'en supplie, tu le sais que j'aime Angie plus que tout. Laisse-moi lui parler et tout lui expliquer.


Je perçois le désespoir dans sa voix. Je m'en veux lorsque je ressens une soudaine et inattendue vague de compassion pour Jamie. Le soucis, c'est qu'il a réussi à semer le doute dans mon esprit. Et si, il disait la vérité ? Et si, c'est bel et bien Mandy qui a manigancée tout ça ? C'est sans doute mon esprit d'écrivain qui reprend le dessus en émettant ce genre d'hypothèse, mais, il y a quelque chose de louche dans cette histoire.


— S'il te plaît, Léa !


— Tu aurais dû y penser avant. Il est tard, arrête de l'ennuyer. Elle a besoin de repos.


Je raccroche sans lui laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit. Angie a vraiment besoin de repos. Malgré les larmes qui continuent de couler, ses yeux se ferment tout seul. Pour lui laisser de la place, je me glisse hors du canapé et vais m'asseoir sur le sol devant le canapé. Elle me sourit tristement en tenant ma main droite.


— Tu dois essayer de dormir, je lui chuchote en lui caressant les cheveux.


 


Angie perd rapidement le combat contre le sommeil. Je reste encore quelques minutes assise à ses côtés, ma main ne quitte pas la sienne.


Lorsque je suis certaine que ma meilleure amie est bien installée, je quitte sur la pointe des pieds le salon. Merci Eleanore qui m'a appris à être très discrète pour sortir d'une pièce !


Pendant que je traverse la maison silencieuse, je songe à Alexander qui doit dormir d'un sommeil juste et réparateur à cette heure-ci. Je refoule les sentiments contradictoires que je ressens en pensant à lui, ce n'est clairement pas le moment.

Note de fin de chapitre:

Un immense merci à toutes les nouvelles personnes qui lisent mon histoire, vous êtes adorables ! <

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