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Notes d'auteur :

Thème 23 h : peur

- Tu es comme nous.

La petite fille s’était approchée un peu plus jusqu’à faire face à Helen qui n’osait plus bouger. Ses yeux étaient braqués dans ceux de la fillette, d’une étrange couleur violette. Elle pouvait y lire toute sa joie et son innocence, mais également cette grande maturité qui lui faisait paraître plus de deux fois son âge. Helen aurait voulu lui retourner son sourire, mais son cœur semblait s’être arrêté, comme si elle ne pouvait plus contrôler son corps et qu’elle observait la scène d’en haut.

- Violine, voulez-vous bien vous écarter.

La voix claqua dans l’air et la fillette s’exécuta immédiatement, retournant se cacher dans les ombres de la pièce sans quitter son sourire ravi. Et Helen se sentit soudain bien seule.

- Mais je vous en prie Helen, venez prendre place avec nous, nous allons tout vous expliquer.

De nouveau, Helen sentit son corps réagir à l’invitation sans qu’elle ne l’ait vraiment décidé et elle s’avança jusqu’aux deux énormes canapés qui trônaient en face de la cheminée. Automatiquement, la jeune femme ressentit la chaleur émaner de l’antre des flammes et se détendit. La foule enragée était à présent loin de ses pensées. Comme si le temps s’était arrêté, elle s’installa donc, attentive, avec une légère appréhension. Le moment était important. Elle le sentait. Depuis qu’elle avait franchis le seuil de l’entrée, sa vie avait basculé. Elle était en train de basculer. Peut-être ne sortirait jamais de ce manoir. Peut-être sortirait-elle. Mais elle ne serait plus jamais la même.

- Nous ne savions pas si tu allais revenir nous voir et nous en sommes très heureux, commença l’homme.
- Et nous te remercions chaudement de t’inquiéter pour nous, enchaina la femme en attrapant à mains nues une bouilloire accrochée au-dessus des flammes. Ce n’était pas nécessaire mais si cela a pu te faire revenir ici alors nous en sommes ravis, n’est-ce pas très cher ?

L’homme hocha doucement la tête avec un drôle de sourire aux lèvres.

- Je ne comprends pas…

Les mots étaient sortis de sa bouche dans un son rauque qu’elle ne se connaissait pas. Au loin, elle entendit le tic de l’horloge sans que le tac ne suive. Tout s’enchainait lentement dans son esprit. Elle commençait à comprendre ce qu’elle ressentait. Elle n’avait plus froid et plus aussi peur qu’avant d’entrée. Mais pourquoi était-elle là ? Ne devait-elle pas les prévenir du danger qui guettait leurs portes ? Pourquoi semblaient-ils plus heureux de la voir parmi eux plutôt que de s’inquiéter de leur sort ?

- La foule…
- Ne nous fera pas le moindre mal.
- Ils n’oseront pas franchir les grilles.

La petite fille était réapparue à côté d’Helen. Elle haussa les épaules sous le regard de l’invitée et sembla soudain bien morose.

- Ce manoir a un grand pouvoir, expliqua sa mère en reprenant son sérieux. Il inspire la peur et fait fuir quiconque voudrait s’approcher. Mais cela ne s’est pas produit pour vous Helen. Cela veut dire que vous êtes différente.
- Différente de quoi ?
- D’eux.

Une migraine commençait à lui prendre la tête alors qu’un sentiment d’oppression grandissait au fond de sa poitrine. Ils étaient comme eux et différentes des villageois. Mais qu’était-elle ?

- Tu es une sorcière.

Helen sursauta et dut plisser les yeux lorsque la silhouette pénétra dans la pièce. Il s’agissait d’une jeune femme dont le visage était illuminé par une étrange lumière. Sa peau brillait de milles feux, plongeant les coins de la pièce dans les ténèbres. Le contraste était saisissant.

- Comme nous, tu as des pouvoirs et les autres te l’envieront jusqu’au point de vouloir te détruire.
- Mais… Les sorcières… n’existent pas !

La famille entière sourit face à son exclamation et ils se levèrent tous dans un même mouvement pour l’inviter à s’approcher de la fenêtre. Lorsqu’Helen se leva, elle entendit le tac qui était en suspens.

- Regarde par toi-même.

Helen se pencha par la fenêtre et sentit la peur revenir au galop. Les grilles étaient la seule muraille qui retenait la foule de torches qui se dressait à quelques mètres. De là où elle se trouvait, Helen pouvait voir les visages enragés des villageois qui demandaient réparation et la mort des coupables de sorcellerie.

- Ils ne peuvent rien nous faire, répéta la fille lumière.

Les plus courageux s’étaient accrochés aux grilles et commençaient à les escalader. Helen retint son souffle. Elle imaginait bien la crainte de la plupart mais admirait l’audace des meneurs du groupe qui continuaient leur ascension sans faiblir. Ce courage sembla rallumer le brasier de la haine et comme un seul homme, la foule finit par faire pression sur les grilles qui cédèrent sous leur poids.

- Non…, souffla Helen en reculant d’un pas.

Deux mains firent pression entre ses omoplates et la forcèrent à rester en première ligne. Muette de stupeur, elle n’eut donc d’autre choix que d’observer les villageois se déverser dans le jardin et courir vers l’entrée. Les coups résonnèrent avec force à leur droite, faisant trembler les murs. Les cris les entouraient. Les flammes illuminaient l’extérieur, presque plus vives que la fille lumière qui restait en retrait pour ne pas attirer l’attention.

Helen se sentit piégée. Pourquoi était-elle sortie de chez elle ? Pourrait-elle sortir d’ici en un seul morceau ou allait-elle périr avec cette étrange famille qui la fascinait autant que la terrifiait ?

Parmi la foule, Helen trouva sa réponse. Un des hommes, qu’elle reconnut comme étant son père, se détacha en faisant un pas en avant. Sa torche brandit au-dessus de sa tête, il hurla une phrase que sa fille ne put comprendre. Puis son bras s’arma et la torche fut envoyée avec force vers la fenêtre la plus proche.

Le bruit du verre brisé fendit l’air, très vite suivi de l’emprise des flammes avalant tout ce qui était combustible. La foule se recula légèrement et les cris changèrent. Ils perdirent leur note agressive mais laisser place à la victoire. Suivant l’exemple, une dizaine de torches jaillit de la foule et transpercèrent plusieurs vitres. Helen ferma les yeux lorsqu’elle aperçut une torche arrivée droit vers eux. Si la pression ne s’était pas faite plus forte dans son dos, elle se serait échappée. Mais pour aller où ?

- N’ayez pas peur mon enfant, chuchota la voix grave du propriétaire.
- Ouvrez les yeux et voyez par vous-même.

Les secondes s’écoulaient sans qu’Helen ne se sente prendre feu. Elle rouvrit donc doucement les paupières et aperçut, stupéfaite, la façade en feu. Les flammes étaient impressionnantes mais ne semblaient pas se propager comme elles le devraient. Les vitres étaient encore intactes, tout comme l’immense tapis rouge qui recouvrait le sol.

- Le feu…, chuchota-t-elle.
- Est notre allié, compléta la voix lointaine de Violine.
- Vous n’avez pas à en avoir peur.

Il ne pouvait s’agir que de magie. Une magie puissante. Qui les protégeait.

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