Lien Facebook



En savoir plus sur cette bannière

- Taille du texte +

Notes d'auteur :

Thème : vanter.
Bonne lecture !

Augustine pouvait voir qu’Hugo réfléchissait à toute allure. Il n’avait pas parlé à Isabelle la veille et donc n’avait pas eu des soupçons quant à la différence de comportement. Elle devrait peut-être dire Geneviève…
« Dans ce cas, pourriez-vous peut-être nous parler de votre cousine. Ses amis, ses activités, pourquoi vous avez échangé de place… »
– Ah oui, vos petits mots. Ce n’est pas gênant pour vous ?
L’inspectrice plissa le front, légèrement agacée. Qu’est-ce qu’ils avaient tous aujourd’hui à l’embêter avec ça ?
– Eh oui, maintenant que vous savez, je peux être moi, plus besoin de faire semblant d’être gentille. Bref, votre collègue a retrouvé sa langue et peut à nouveau faire interprète ? Parce que sans vouloir vous vexer, ça dérange un peu le flux de la conversation…
Augustine essaya de la transpercer du regard mais la jeune femme se contenta de lui renvoyer un regard railleur. Elle avait laissé tomber son sourire et affichait la mine contrite d’un enfant qu’on venait de priver de son jouet préféré.
– Ça ne marchera pas. Vous avez entendu le volume de papa… Mais bon, oui, je l’appelle aussi papa. Enfin, Isabelle. Elle est ennuyante comme tout. Toujours souriante, toujours de bonne humeur. Agaçante. Mais ses amis n’étaient pas mieux non plus. Ils sont d’ailleurs tous partis faire de grandes études. Bon, elle est restée pour aider son père à l’orchestre, il faut dire qu’elle est engagée…
Elle se tut quelques instants qui permirent à Hugo de revenir dans le présent. Il fronçait les sourcils en signe de réflexion intense avant de poser sa question.

– Je vois l’avantage pour Isabelle de devenir vous mais pourquoi avoir accepté ?
Voilà ce qui intéressait aussi Augustine. C’était l’endroit où son raisonnement avait toujours échoué. Que pouvait bien avoir Isabelle que Geneviève n’avait pas ?
– Oui, pourquoi avoir accepté ? semblait réellement réfléchir la jeune femme. Je pense que c’est surtout par pitié. Elle n’a rien et était tellement jalouse… On ne voulait qu’échanger deux-trois semaines, le temps qu’elle brille au concert de Noël.
« Qui est au courant ? » interrogea Augustine, rendue plus que curieuse. Elle avait une idée de ce qui aurait pu pousser Geneviève à accepter mais elle se doutait qu’elle ne l’avouerait pas – et elle n’allait pas lui donner des excuses non plus. Isabelle Mancheau avait une famille complète qui l’aimait inconditionnellement alors qu’en tant que pièce rapportée, Geneviève n’avait pas dû toujours se sentir acceptée.
– On ne l’a dit seulement à Jacques et Frédéric, mais c’est tout à fait possible que malgré nos précautions quelqu’un l’ait remarqué. En fait, ce serait plutôt rassurant. Je suis assez déçue que papa et maman ne s’en sont pas réellement rendus compte. Je veux dire, je suis plus belle, plus intelligente, plus drôle. Et surtout je joue beaucoup mieux au violon qu’Isabelle !

Une fois de plus, Hugo et Augustine échangèrent un regard entendu : une chose était certaine, elle n’était pas la plus modeste. Et ils n’étaient pas vraiment là pour l’entendre se vanter, même si c’était une bonne méthode pour obtenir des informations sans qu’elle ne s’en rende compte. Profitant d’une petite pause pour reprendre son souffle, Augustine glissa un papier à Hugo. Elle voulait être certaine des différentes personnes entourant la famille.
« Avez-vous un petit-ami ? »
– Non, mais il y a quelqu’un qui me plaît beaucoup. Il s’appelle Jean et je l’ai rencontré dans l’association « Un arbre heureux ». On y plante des arbres. Je vous avoue que ce n’est pas du tout le type d’association où j’irais normalement mais c’est Isabelle qui m’a inscrite contre ma volonté. Mais c’est plutôt amusant et Jean est… il est fascinant !
« Et vous n’êtes pas amoureuse de l’un de vos meilleurs amis ? Votre père avait l’impression de penser que… »
– Ah non, il ne faut pas mélanger amitié et amour, j’en suis convaincue. D’ailleurs, Isabelle sortait avec Jacques, je n’allais quand même pas lui piquer le copain pour une fois qu’elle faisait preuve de bon goût ! Par contre, il est tout à fait possible que Frédéric en pince pour moi, mais je n’ai aucunement l’intention de l’encourager. De toute façon, comparer à Jean ils sont bien trop ennuyants…
Geneviève affichait un air rêveur qui semblait complètement en contradiction avec son comportement précédent. Et si finalement tout le monde avait raison et qu’en plus de l’échange les deux cousines avaient changé par leurs fréquentations. Rien n’était plus fiable alors…

– Vous voulez me poser d’autres questions moins personnelles ? revint sur terre la jeune femme. Jacques m’a dit que vous aviez découvert les vélos ? Je peux vous rassurer sur ce point, on prévoit de les rendre à leurs propriétaires après les avoir pris pour éviter qu’ils ne soient volés. Cela paraît assez loufoque, mais Frédéric avait lu un article dans un magazine qui expliquait ce concept. C’est très astucieux, non ? D’ailleurs que pensez-vous de l’endroit ? C’est moi qui l’ai trouvé !
« Très bien en effet, la complimenta Augustine dans l’idée de la faire se vanter davantage. Surtout que cette cave n’est sur aucun plan. Vous l’avez construite vous-mêmes ? »
Il lui semblait que la jeune femme s’était engorgée de fierté et allait donner tous les détails. Mais elle leur fit un grand sourire :
– Désolée, je ne peux pas trahir le secret d’explo… de profession d’un ami. Mais nous l’avons fait nous-mêmes, oui.
A la tête de Hugo, il devait déjà récapituler toutes les explosions qui avaient été recensées dans la ville ces dix dernières années. Peut-être qu’il y en avait une qui correspondait à l’emplacement de l’opéra. Mais de toute manière, ce n’était pas le plus important. Ce qu’ils savaient c’était qu’une personne de l’entourage de Geneviève savait créer des explosions suffisamment précise pour creuser une cave sans causer l’effondrement du bâtiment, donc certainement aussi capable de faire exploser les toilettes… Il était à supposer que la première explosion était causée par le meurtrier pour cacher ses preuves mais était arrivée trop tard.

Est-ce qu’elle voulait lui demander autre chose ? Pas réellement, elle avait fait le tour de ce qu’elle voulait évoquer avec elle. A moins que… C’était la chose qui la perturbait et qui était réellement grave dans cette histoire.
« Est-ce que vous comptez dire un jour à vos parents que vous êtes Geneviève ? »
– Je ne crois pas, rougit la jeune femme. Vous les avez vus, ils sont brisés. Je crains que je vais rester Isabelle pour le restant de mes jours… Cela dit, ce n’est pas si grave. On menait des vies assez semblables finalement. L’orchestre, les amis, la famille, même les études ! Elle n’a pas mon niveau mais elle fait aussi du violon et du piano au conservatoire. Et puis elle a cette formation pour animer des groupes de jeunes, ce que je n’aime pas. Mais après tout, personne ne peut me forcer à travailler en tant qu’animatrice. Donc honnêtement, il faut juste que je m’habitue au nouveau nom.
Elle haussa les épaules d’un air désinvolte.
– Peut-être que je leur dirais aussi dans quelques jours. S’ils se sont calmés un peu. Ou que j’en ai déjà marre de jouer les sainte-nitouches. Ou parce que vous me dites que ce n’est pas honnête et légal et que vous avez besoin de ma réelle identité pour accuser le coupable. C’est une raison aussi. J’espère que non mais au pire, dites-le-moi.
Augustine essaya de ne pas montrer sa surprise. Il y avait quelque chose qui clochait mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Le comportement d’Isabelle – non Geneviève – n’était pas conséquent. Cela pouvait être lié au rôle qu’elle jouait mais cette explication ne la satisfaisait pas complètement. Elle hocha la tête pour signaler qu’elle avait fini.

– Merci pour votre coopération, Mademoiselle Croiset ou Mancheau. Nous vous demanderons de ne pas quitter le pays et de nous tenir informé de vos déplacements.
A cette phrase typique, une légère expression de doute traversa le visage de la cousine de la victime. Mais elle finit par acquiescer lentement.
– Merci à vous, j’espère que vous trouverez rapidement le meurtrier pour que ma cousine puisse reposer en paix. Je vous envoie mon frère et vous sors les adresses de mes amis.
« Merci » formula Augustine avec un léger froncement de sourcils. D’un seul coup elle était à nouveau aimable et plus du tout effrontée. Quel changement de caractère radical. Peut-être qu’au final, elle ne savait plus qui elle était non plus ? Se pouvait-il que Geneviève Croiset ou Isabelle Mancheau soit possédée par l’esprit de sa cousine ? Non, cette théorie paraissait invraisemblable. Cela n’existait pas dans la réalité, uniquement dans les histoires d’Halloween. Et nous étions la semaine avant Noël !
Il y eut un bref échange d’interlocuteur, et le fils du chef d’orchestre entra pour se poster, sûr de lui, devant les deux policiers. Il avait les cheveux blonds d’une teinte plus foncée que sa sœur et sa cousine mais les yeux d’un vert éclatant qui brillait furieusement. Ses boucles étaient aplaties d’un côté comme s’il avait écouté à la porte. Ses jeans délavés et son polo noir semblaient se contraster à la lumière du midi et lui donnaient un air plus jeune que ce qu’il ne devait être.
– Bonjour, je suis Jérémie Mancheau et je vous jure que c’est ma sœur.

Vous devez vous connecter (vous enregistrer) pour laisser un commentaire.