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Notes d'auteur :

Le thème d'aujourd'hui est auberge... Et non, on va toujours rester dans la cuisine de hier.
Bonne lecture !

– Vous l’avez remarqué ? C’est sûr, la plupart des personnes autour d’elles n’ont rien vu. Après faut dire qu’elles se sont données du mal aussi. Mais oui, ça fait dix jours qu’Isabelle et Geneviève avaient échangé de rôle quand… quand Isabelle est morte. Je trouve cela odieux ! Elle est une si gentille fille, toujours souriante et serviable.
Augustine dévisagea longuement leur interlocuteur. La mère d’Isabelle Mancheau n’avait-elle pas dit qu’il sortait avec sa fille ? Mais alors pourquoi n’était-il pas plus triste à sa mort, surtout qu’il savait que c’était elle et non sa meilleure amie ? Il aurait dans les deux cas dû être dévasté…
« N’étiez-vous pas en couple, Isabelle et vous ? » Cette fois-ci Hugo n’avait pas besoin de lire à haute voix ses questions puisque le jeune homme se prêtait volontairement au jeu.
– Disons que c’est très compliqué là. Elle est morte, mais en même temps Geneviève joue son rôle. Donc je n’arrive pas à me faire à l’idée qu’elle n’est plus… Ça m’embête mais après je comprends qu’elle ne veut pas faire de mal à ses parents. J’imagine que j’aurais préféré ne pas le savoir mais après tout Geneviève ne peut pas jouer un rôle vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il était normal qu’elle nous en parle à Fred et à moi.
C’était un peu confus pour Augustine. Ainsi Jacques sortait avec Isabelle. Geneviève et Frédéric étaient ses meilleurs amis. Isabelle et Geneviève avaient décidé d’échanger les rôles pour une raison ou une autre.
« Pourquoi est-ce que Isabelle et Geneviève ont-elles échangé de place ? Comment est-ce que vous avez pris cela ? J’imagine que vous ne comptez pas sortir avec votre meilleure amie ? »
– Ah non, c’est hors de question ! Je veux bien faire semblant une semaine ou deux mais plus ce serait franchement impossible… Autant Fred est secrètement amoureux de Genie, je ne la considère pas autrement qu’en tant que mon amie. Non, celle que j’aimais c’était Isabelle, aussi étonnant que cela puisse paraître. Je crois que Genie ne me l’a pas pardonné. Mais elle, elle vient de rencontrer quelqu’un.
« C’est ce Jean Bois, c’est cela ? »
– Oui, acquiesça Jacques. Je crois bien que c’est ça. Apparemment ils se sont rencontrés un week-end à une association d’arbre. Ne me demandez pas pourquoi Genie y est allée…
Augustine haussa les épaules, cela ne lui expliquait rien de plus que ce qu’elle ne savait déjà. Il fallait donc qu’elle trouve un autre angle d’attaque. Il n’y en avait pas meilleur que celui qu’avait mentionné Bénédicte Mancheau. Apparemment il aurait vu Jacques sortir des toilettes…

« Bon, repassons à des questions plus classiques. Où étiez-vous à la fin de la répétition ? »
Il lui semblait qu’il sourcillait légèrement. Avait-il quelque chose à cacher ? Mentait-il depuis le début ? Pour le moment rien ne semblait le contredire mais si cela était peut-être sur le point de se produire.
– C’est un peu délicat, fit lentement le suspect. En fait, je crois que c’est moi qui aie trouvé le corps d’Isabelle en premier. Je me suis inquiété parce qu’elle ne revenait pas, alors qu’elle ne voulait qu’aller se maquiller selon l’habitude de Genie. Et puis je l’ai vue. Je ne savais pas du tout quoi faire, alors je suis sorti pour prévenir quelqu’un. Entre-temps Monsieur Mancheau clamait partout qu’il s’agissait de Geneviève qui était morte et qu’il fallait arrêter le coupable. Alors je me suis enfui parce que je ne me sentais pas d’affronter tout ça. Fred, qui est un excellent ami, a dit que j’étais là mais que j’avais dû partir en vitesse. C’était vrai, vous comprenez, non ?
Augustine haussa simplement les épaules. Non, elle ne comprenait pas mais ce n’était pas son travail non plus. Hugo s’efforça pourtant de rassurer le jeune homme de toutes ses forces. Peut-être que lui aurait réagi pareil ? L’inspectrice se contenta d’attendre qu’ils aient fini pour montrer sa prochaine question.
« Et vous n’avez pas croisé personne ? »
– Si, si, justement Monsieur Mancheau. Mais je ne pouvais pas lui dire là. Déjà parce que j’étais sous le choc et que je n’y croyais qu’à moitié moi-même. Et puis parce qu’il avait son visage des mauvais jours et qu’il m’aurait arraché la tête si je lui avais sorti ça. Vous vous imaginez dire à quelqu’un : « Excusez-moi, je crois que votre fille est morte dans les toilettes » ?
L’inspectrice n’y voyait pas vraiment le problème mais choisit de ne rien dire, surtout après avoir vu le regard de son collègue qui semblait tout à fait d’accord avec Jacques Henri. Ces hommes qui ne disaient pas les choses directement… C’était lamentable.

« Pourquoi ne pas l’avoir dit ? Du moins en appelant la police ce matin. »
– Je ne pensais pas que cela vous intéresserait autant, rougit Jacques. Pour moi, ce n’était pas si important. J’ai vu Isabelle et j’ai pris peur. Je ne l’ai pas tué, je n’ai pas touché à son violon. Que voulez-vous que je vous dise d’autre.
« Ainsi vous saviez que c’était Isabelle dès le début ? » Augustine avait l’impression de devoir se battre pour chaque réponse. Mais au moins, il répondait à chaque question.
– Bien sûr ! Non, la réalité est que comme elles avaient échangé de rôle et que j’avais vu celle qui faisait semblant d’être Isabelle en train de nettoyer son violon avec un chiffon – oui, la vraie fait exactement ça après chaque répétition – il était évident que l’autre était la vraie. En plus, quand je me suis penchée sur elle, j’ai reconnu sa tâche de naissance sur le bras. Elle le cache toujours mais c’est uniquement la vraie Isabelle qui l’a.
Hugo avait ouvert grand les yeux, ne semblant pas comprendre comment il avait pu voir la tâche d’habitude cachée. Il pensait probablement que le jeune homme voulait faire autre chose avec une jeune femme dans des toilettes. Il avait l’esprit mal tourné…
– Son manche était remonté ?
– Je voulais juste être certain, alors c’est moi qui l’ai remonté, avoua Jacques en rougissant de plus belle.
Augustine leva les yeux au ciel. Entre Hugo qui considérait cela comme non-gentlemen et Jacques qui n’en avait rien à faire, ils étaient partis pour une longue discussion, à moins d’un petit changement de sujet.
« Pourquoi voler des vélos ? », demanda-t-elle, l’air de rien. Son interlocuteur ouvrit la bouche, interloqué.
– Quoi ? Pourquoi aurais-je volé des vélos ?
– C’est exactement la question qu’on vous pose, confirma Hugo. Votre ami, Monsieur Boisot, a été pris sur le lieu de stockage. Il ne sert donc à rien de nier votre implication.
– Mais… mais… et puis zut, il reprit quelques couleurs qu’il avait perdues à l’évocation des vélos. Oui, c’est vrai. C’est Genie qui nous a entraînés là-dedans. J’étais contre au départ et puis finalement… J’étais dedans et je n’ai pas osé nous dénoncer. Vous vous imaginez la tâche sur le cv que cela ferait ? Ils ne me laisseraient plus jamais travailler avec des enfants ! Ce serait la catastrophe ! Alors j’ai préféré me taire et couvrir les deux autres. D’ailleurs, je m’étonne que ce soit Fred qui ait tout balancé parce que c’est lui qui y tient le plus… Faut dire que c’est rentable aussi.
– Vous vous imaginez bien que maintenant que nous l’avons découvert, c’est encore pire pour vous, n’est-ce pas ? intervint Hugo. Mais je pense que votre bonne coopération peut vous sauver de la prison…

Augustine n’en était pas si sûre et de toute façon, elle ne s’y intéressait pas outre mesure. Tout le monde devait vivre avec les conséquences de ses actes et décisions. Il avait eu peur de dénoncer ? Eh bien qu’il vive avec le fait d’avoir été attrapé. Elle poursuivait fermement son objectif de découvrir le meurtrier. Et pour ça, il lui fallait quelqu’un qui savait manier les explosifs.
« C’est vous qui avez creusé la cave ? »
– La cave ? La cave sous l’opéra ! Celle avec les vélos ! Non, désolé de vous décevoir mais ce n’est pas moi. Je n’ai aucune compétence en bricolage. Aussi vaut-il mieux que je m’en tienne le plus éloigné possible.
« Ce n’est donc pas vous qui travaillez dans le domaine des explosions… »
– En effet, c’est Fred qui sait bidouiller ce genre de chose. Moi, je suis plutôt dans le social avec l’auberge de jeunesse et le foyer des enfants. En fait, les deux se complètent. Le foyer c’est pour les activités de jour, l’auberge pour la nuit et l’hébergement. J’aime travailler avec les enfants en difficulté. D’ailleurs, si vous voulez venir un jour…
Pas ce sujet encore. Beau changement en tout cas. Soit il était tellement innocent qu’il disait l’entière vérité, soit il l’avait bien cerné et essayait maintenant de la duper. Malheureusement pour lui, ce n’était pas si facile que ça. Et elle était toujours du genre à croire que les gens voulaient faire au plus mal. Ce qui était sûr, c’était que Jacques Henri n’était pas innocent. Restait à savoir dans quelle mesure il était coupable. Uniquement de vols de vélos, de mensonges pendant un témoignage ou aussi de meurtre à sa meilleure amie ?

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