Des silhouettes bleutées se chamaillaient devant elle. Du moins c’était l’impression qu’Augustine avait. Elles se rapprochaient les unes des autres, s’éloignaient, se parlaient à grand renfort de gestes de bras. Qui étaient-ce ? Et pourquoi n’y avait-il pas de sons ? C’était bizarre et elle ne pouvait pas bouger non plus… Qu’est-ce que cela voulait dire ?
Les silhouettes bougeaient de plus en plus violemment jusqu’à ce qu’elles se déplacent un peu vers la droite. Malgré tout, elle n’avait aucun problème pour les suivre du regard. Il lui semblait que l’une des silhouettes se penchait un peu en avant, comme si elle essayait de voir quelque chose de plus près. L’autre hésita un instant puis lui sauta dessus. Elles se battirent quelques minutes. Finalement celle qui était en dessous semblait se faire assommer et glissa par terre après que l’autre l’ait tenu quelques minutes en l’air. Mais qui avait gagné ce combat à mort ? Augustine avait complètement perdu de vue laquelle était laquelle… Mais avait-ce de l’importance puisqu’elle ne savait même pas qui était qui au départ ? Les silhouettes se dispersèrent étonnamment rapidement.
Augustine regarda autour d’elle à la recherche d’un indice d’où elle était. A la place ce furent des silhouettes plus petites qui se dessinèrent dans le brouillard qui l’entourait. Des vélos, indéniablement. Pourquoi y avait-il des vélos ici ? Des silhouettes d’humains les rejoignirent rapidement. Il y en avait trois qui se parlaient visiblement. Régulièrement, l’une d’entre elles s’isolait pour bouger dans son coin puis revenait vers les autres. Ce qui était intrigant c’était que ce n’était jamais la même… Cela, elle le savait sans les différencier.
Lentement, une quatrième puis une cinquième silhouette se mêlaient à la scène tandis que les vélos disparaissaient dans l’arrière-plan. Soudain, l’une d’elles, elles se ressemblaient toutes d’un seul coup, aucun moyen de savoir si c’était une nouvelle ou non, pointa un doigt en direction d’Augustine. Les autres semblaient acquiescer enthousiastes. Puis sa vision se résuma à une onde de choc qui se rapprochait d’elle…
BOUM !
Augustine sursauta et se redressa. Où étaient passées les silhouettes bleutées ? Où le brouillard et l’explosion ? Où était-elle ? Le mur en face d’elle était blanc, les trois autres aussi. Devant la fenêtre, il faisait nuit. Les lampes n’étaient pas celles du poste de police. D’ailleurs, elle se trouvait dans un lit aux draps tout aussi blancs que les murs. Non, ce n’était pas le bureau. Où était-elle ? Ce n’était quand même pas une chambre d’hôpital ? Elle se frotta la tête et toucha un bandage. Qu’est-ce qui était arrivé ? Elle se souvenait clairement d’être sortie de la voiture et d’avoir emprunté le chemin vers son bureau pour réfléchir. Elle avait dû tomber mais pourquoi et où ?
– Ah, vous êtes revenue à vous, se réjouit une voix à ses côtés. C’est super, vos collègues vont être rassurés.
L’inspectrice tourna la tête vers la jeune infirmière qui se leva pour aller à la porte avant de s’y arrêter et de se retourner.
– En fait, vous vous sentez comment ? Vous avez mal à la tête ou vous vous sentez étourdie ?
Augustine secoua la tête puis grimaça quand soudain une faible douleur traversa ses tempes. Elle hocha doucement à la place. Face à elle, l’infirmière ne semblait pas savoir quoi faire de cette réponse. Elle finit par hausser les épaules et continuer son mouvement pour aller ouvrir la porte. Pourquoi avait-elle demandé si de toute manière cela n’avait pas de conséquences ? Elle en était restée où dans ses pensées déjà ? L’enquête dont elle était chargée, c’était laquelle ? Le cycliste sans vélo ? Non. La femme tuée par balle par son conjoint ? Non plus. Ah voilà, la jeune violoniste qui avait été tuée avec un lavabo ! Maintenant qu’elle y pensait, il n’y avait pas aussi une histoire de vélos là-dedans ? Si, les vélos cachés dans l’opéra. La victime et ses deux meilleurs amis les avaient volés pour les revendre. Les silhouettes… elles provenaient toutes de cette enquête ! Il lui fallait un stylo et une feuille immédiatement. L’inspectrice mit la main dans sa poche et constata avec effroi qu’elle ne portait plus sa veste. Ils avaient dû la déshabiller un peu puisqu’elle n’était plus qu’en t-shirt et en pantalon d’uniforme.
– Ah, Augustine, ça va mieux à ce que je vois ! s’exclama Hugo en entrant dans la chambre. Tu nous as fait une frayeur, dis donc.
Il était suivi par sa femme Anna-Lena, ce qui laissait conclure qu’ils étaient là depuis un petit moment déjà. Augustine avait un peu honte de s’être ainsi évanouie, causant autant d’inquiétude à son collègue. Mais la femme lui sourit simplement.
– Bonsoir, Augustine. Ravie de te revoir, même si c’est dans ces conditions.
L’inspectrice lui rendit son sourire puis commença à examiner la table de chevet à la recherche d’un stylo ou d’un crayon ou de quoi que ce soit qui puisse lui permettre d’écrire. La feuille était plus optionnelle.
– Je peux vous aider ? l’interrogea le médecin de service en surgissant brusquement à côté d’elle.
Augustine sursauta violemment et manqua de tomba du lit. Il n’y avait pas moyen que les gens préviennent avant de s’approcher ? Ou qu’ils laissent au moins traîner leurs stylos ? Ah, elle avait mal à la tête et elle avait besoin d’écrire l’idée que les silhouettes lui avaient donnée. Le trafic de vélos n’était pas le seul point en commun de la bande. Il y avait aussi les liens amoureux et d’amitié qui s’entrelaçaient. Cela ne pouvait que finir avec une dispute. Elle supposait maintenant qu’il y avait un équilibre entre les trois membres puisqu’ils étaient amis avant cela mais que l’arrivée peut-être non voulue de la cousine avait changé la donne. Ensuite il y avait eu le copain de Geneviève qui était tellement gentil et bon qu’il ne pouvait pas cautionner cela. Il y avait plusieurs possibilités. Soit c’était…
– Augustine, tu l’écoutes en fait ? interrompit ses réflexions Hugo en secouant son bras.
Elle lui lança un regard étonné. Ecouter qui ? A quel sujet ? Elle avait plus important à faire ! Résoudre ce meurtre surtout. Et elle venait d’avoir une théorie, il fallait qu’ils respectent cela. Elle cligna des yeux plusieurs fois puis se rappela qu’elle voulait.
« Ecrire » signa-t-elle à l’intention de son collègue, ignorant encore le médecin – pourquoi il était là ? – et les autres personnes.
– Non, répondez d’abord à mes questions, répondit le médecin que sa plaquette identifiait comme Docteur Desberges. Comment vous appelez-vous ?
Elle lui lança un regard courroucé. C’était pour lui poser cette question qu’il la dérangeait ? Elle n’y croyait pas. Elle fit un vague signe de main vers Hugo pour l’inciter à répondre à se place. Elle commençait vraiment à avoir la migraine avec leurs bêtises.
– Docteur, c’est…, tenta son collègue d’expliquer avant de se faire couper la parole.
– Non, c’est vous qui devez répondre, répliqua le docteur en fixant Augustine.
« Ecrire », montra-t-elle à nouveau en esquivant son regard pour chercher sa veste des yeux. Il devait y avoir son portefeuille et ses badges. Cela ne serait pas trop compliqué à comprendre. Mais elle avait beau parcourir les lieux, elle ne la voyait pas.
– Ne vous efforcez pas à nous aider surtout. Si vous ne connaissez pas votre nom, vous pouvez l’avouer. Ce n’est pas grave. Qu’en est-il de la date d’aujourd’hui ?
Augustine leva les yeux au ciel puis se rappela que c’était la misère parce qu’elle ne pouvait pas montrer le dix-neuf décembre sur ses dix doigts. « Moi pas parler » essaya-t-elle de faire comprendre son succès.
– Mais mince ! explosa Hugo. Augustine est muette !
– Oh, le médecin et l’infirmière échangèrent un regard honteux. Désolé.
Mais l’inspectrice en avait largement assez. C’était fini ces inepties. Elle se leva pour partir. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle était là. Si probablement parce qu’elle avait perdu connaissance après avoir pris un coup sur la tête, mais ça devait attendre. Ce qui comptait le plus c’était de trouver le meurtrier. D’ailleurs, qu’est-ce qui lui faisait dire qu’il n’y en avait qu’un seul ? Cela pourrait très bien être un groupe, peut-être même un groupe qui avait déjà commis des crimes. Et dans cette enquête elle pouvait en former plusieurs avec un nombre de personnes différents. C’était une idée qu’il fallait poursuivre.
– Vous allez où comme ça ? l’interrogea le médecin. Vous allez gentiment rester ici et répondre à nos questions pour que nous voyons si vous avez un traumatisme crânien ou pas. Alors asseyez-vous.
Augustine hésita quelques instants. Elle n’était pas en prison à ce qu’elle savait. Mais apparemment elle n’était pas pour autant libre de ses mouvements… C’était agaçant.
– Tenez, un stylo et du papier pour vous, fit l’infirmière en lui tendant le matériel qu’elle avait couru chercher.
Elle le lui fourra entre les mains. Finalement, c’était un endroit comme un autre, non ? Au moins une fois qu’elle aurait répondu aux questions, elle aurait la paix, n’est-ce pas ? L’inspectrice se rassit sur le bord du lit en regardant le médecin dans les yeux.
« Allez-y alors. Posez vos questions qu’on en finisse. »
S’en suivit une série de questions plus bêtes les unes que les autres auxquelles elle s’efforça de répondre le plus rapidement possible. C’était vraiment la dernière des choses qu’elle avait envie de faire au lieu de résoudre ce meurtre.
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Notes d'auteur :
Ce vingtième chapitre portera sur le thème prison.
Bonne lecture !
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