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Notes d'auteur :

Uruz, le défi. Force, virilité / féminité, auroch. Votre personnage doit subir un changement radical dans sa vie et/ou porter un très lourd fardeau.

On se retrouve en bas ?

 

Il a rencontré Zack la nuit où il a prévu de se tuer. Jusqu'à présent, depuis qu'il s'est réveillé, tout ce qu'il fait est dénué de sens. Manger, marcher, regarder. Il est seul et il n'a jamais été seul de sa vie. Il a toujours été avec quelqu'un. Non, une multitude. Quelqu'un pour lui dire quand manger, quand dormir, quand se battre et contre qui.

Personne ne le regarde. Il passe son temps à marcher dans la ville, toujours droit devant, et quand cela lui prend, il tourne ou il fait demi-tour, sans but, en errance complète. Quand il a faim, il mange, quand il a soif, il boit, et quand il a envie de dormir, il se couche au sol et s'endort. Personne pour lui dire que faire, et personne à qui parler.

Personne ne le regarde et tout le monde le fuit, pourtant. Et cette impression terrifiante de ne pas être à la bonne place, ou dans la bonne peau.

 

« Hé, pourquoi t'es tout gris ? »

Ses yeux quittent le vide qu'ils observaient et se lèvent vers le petit d'homme à la voix aiguë, en short, un ballon sous le bras et la main posée sur la hanche. Il ne répond rien, alors que le petit garçon le dévisage, ses yeux se promenant sur son visage, ses crocs qui dépassent de ses lèvres, son cou épais comme celui d'un auroch, le bracelet enserrant son biceps, et surtout, sa masse, posée à côté de lui.

« Hé, c'est quoi, ça, un gros marteau ? »

Effronté, le petit d'homme s'approche de lui, et empoigne le manche de la masse d'arme, sans pouvoir la décoller du sol, sans essayer vraiment. Puis, il se laisse tomber à côté de lui, et continue de le regarder, sans aucune peur visible, alors que les passants froncent les sourcils en regardant ce petit garçon et cet homme gigantesque. Assis les fesses dans la poussière de la rue, le gamin s'approche du monstre, et le regarde comme si tout était normal. La question qui lui brûle les lèvres surgit alors.

« Tu me vois vraiment ? »

« Ben oui, tu es tout gris, tu es énorme, avec des dents qui dépassent de ta bouche, et tu as un gros marteau. T'es quoi ? »

L'esprit lent de la créature s'anime. Depuis qu'il s'est réveillé du champ de bataille, seul, et qu'il ne se voit tel qu'il est que dans les reflets que lui renvoie une eau dormante, il n'en peut plus de solitude. Son ventre gargouille atrocement, mais il l'ignore. Le gamin hausse les sourcils.

« T'as faim ? Attends, je vais te prendre un beignet. »

Et le voilà qui se lève et file dans la boulangerie d'à côté pour revenir avec un petit sac de papier qu'il lui tend. La créature le prend entre ses doigts énormes et il déchire le papier pour en sortir l'immense beignet qui semble minuscule dans ses mains. Il le dévore en une bouchée, se mettant plein de sucre sur le pantalon.

« C'est meilleur que les pigeons... »

Zack ouvre la bouche tout grand et oublie de la fermer.

« Tu t'appelles comment ? »

L'homme gris lève les yeux vers le gamin qui n'a pas l'air de vouloir déguerpir, et hausse les épaules. Il ne s'en souvient plus.

« Je peux t'appeler l'homme gris ? Parce que t'es gris. »

Nouveau haussement d'épaules. Mais son regard habitué au vide s'anime maintenant d'une lueur nouvelle. Un souvenir lui revient. Il y a longtemps, si longtemps, les hommes le voyaient tel qu'il était et s'en effrayaient. Il était réputé, il croit. Il inspirait la peur, il croit. Il croit aussi que son seul nom murmuré faisait trembler les hommes et claquer entre eux leurs genoux. Sa simple vision sur un champ de bataille suffisait à en assurer l'issue. Mais c'était il y a longtemps, quand il faisait partie de la multitude, et maintenant, personne ne le voit à part ce bout d'homme qui n'a même pas peur de lui.

Le garçon, aux cheveux châtains éclaircis par le soleil et aux yeux étonnamment clairs, lui tend alors la main. L'homme gris la saisit, et sent le garçon tirer, tirer, tirer dessus pour le relever. L'homme gris tire, et reçoit le gamin sur les genoux. Et ces yeux clairs parcourent de nouveau son visage couturé de cicatrices, ses dents qui sortent de sa bouche, la bague d'or entourant sa canine, ses cheveux noirs et emmêlés. Et il lui adresse un immense sourire auquel il manque quelques dents, ce qui lui provoque un chuintement quand il parle.

« Tu vas te lever tout seul, alors. »

Le gamin se dépêtre de son emprise, se relève et lui fait un signe de tête.

« Viens chez moi, j'ai de la pizza. Et maman, elle va me préparer le goûter. T'aimes les Lion ? »

Alors l'homme gris déplie son corps immense et musculeux, se lève, et sent les passants lui lancer de drôles de regards et faire de sacrés détours pour l'éviter.

 

Le gamin n'arrête pas de parler. Il dit s'appeler Zacharie, mais tout le monde l'appelle Zack. Il vit avec sa maman dans la tour bleue, et son papa vit dans une autre ville, mais il le voit un week-end sur deux et la moitié des vacances. Zack revient de l'école, et l'école, il aime pas ça ! Il préfère le foot et la télé, surtout celle de Sébastien qui en a une grande et qui vit dans la barre verte.

L'homme gris ne sait absolument pas de quoi parle le petit d'homme, mais sa voix aiguë et ce qu'il raconte l'apaisent, et le bercent presque. L'homme gris se souvient qu'il parlait une autre langue, dans ce temps qu'il a oublié, tellement lointain qu'il ne reste plus rien. Il suit néanmoins de son pas pesant Zack qui trotte derrière son ballon d'un bout à l'autre du trottoir, en lui racontant plein de trucs qui ne veulent rien dire pour lui. L'homme gris remarque à peine les passants qui se détournent de son chemin en lui lançant des regards inquiets, ou les femmes qui serrent contre elles leur sac ou leur enfant.

Ils arrivent dans le quartier de Zack, qui papillonne d'un bout à l'autre du chemin, grimpe sur un banc, montre un bâtiment particulièrement haut, puis un autre devant lequel des enfants jouent. L'homme gris se rend compte rapidement que les enfants n'ont pas peur de lui, une fois que Zack l'a présenté. Zack est comme le chef du troupeau de gamins qui jouent au ballon devant les bâtiments. Il serre plein de mains, essaie une planche à roulettes, jette son ballon dans un panier, puis marque un but. Autant de choses que l'homme gris ne comprend pas mais observe avec fascination. Il n'a pas le souvenir de petits comme lui. Il ne sait pas ce qu'est le jeu. Il ne connait que la guerre, la violence et la mort, mais seule sa masse d'arme qu'il tient bien en main s'en souvient mieux que lui.

Le gamin revient, reprenant son souffle, et jongle avec son ballon. Il lui touche le poignet, le regardant avec une espèce d'admiration.

« Tu viens ? J'habite au 4, et au quatrième étage, c'est facile à retenir, hein ? En plus c'est la rue des Saisons. »

Zack se met à rire, ses yeux extraordinairement clairs le paraissant encore plus.

« Comme la pizza quatre saisons. C'est ma préférée. »

Il s'arrête, le regarde des pieds à la tête.

« Si l'ascenseur est réparé, on prend quand même les escaliers, tu rentreras jamais dedans. »

Zack se met à trotter vers l'entrée de son immeuble, sort un truc de sa poche qu'il passe sur le côté, et ouvre la porte.

« Allez, viens ! »

Le ballon sous le coude, il dit bonjour aux gars qui fument dans les escaliers mais fronce le nez devant l'odeur et les cannettes de bière laissées là. Les gars ouvrent de grands yeux en voyant l'homme gris, puis se lèvent et se poussent pour lui laisser de la place. Zack se tourne, triomphant, vers l'homme gris. Il sait que ces gars-là ne se poussent jamais pour laisser passer Madame Boucher, quatre vingt ans et une hanche en béton armée, quand elle descend avec son caddie de mémé.

Zack se marre quand l'homme gris se cogne la tête dans les marches du plafond, et quand il se baisse pour monter les escaliers.

« T'es tellement grand ! J'ai jamais vu quelqu'un d'aussi grand. »

Le gamin continue de pépier dans les escaliers, jusqu'à ce qu'il ouvre une porte du quatrième étage, laisse tomber son cartable dans l'entrée, et enlève ses chaussures en deux mouvements.

« Là, c'est chez moi. Maman doit être rentrée, viens, elle a préparé le goûter... »

La petite silhouette de Zack entre dans une autre pièce, et l'homme gris le suit, se mettant de profil et baissant la tête qu'il s'est déjà cognée en franchissant la porte d'entrée. Ses petits yeux plus noirs que la plus noire des nuits se posent sur une petite dame blonde aux yeux très bleus, qui pose sa tasse sur la table avant de se laisser tomber sur une chaise, ne le quittant pas des yeux.

« Maman, ça va ? »

Zack prend un verre qu'il remplit d'eau et apporte à sa mère. Elle le boit rapidement et sourit faiblement à son fils.

« J'ai trouvé le monsieur tout à l'heure dans la rue. T'as vu, il a la peau grise ? Mais il est gentil. Je lui ai payé un beignet avec les sous que tu m'as donnés... »

Zack papillonne dans le placard, prend de la vaisselle en faisant un boucan pas possible, vide la moitié du paquet de céréales dans le bol, l'arrose de lait, met la cuiller dedans, et pousse le tout vers l'homme gris.

« Vas-y, mange tes lions, tu vas voir, c'est super bon. »

Zack fait encore un boucan pas possible et vide le reste du paquet de céréales dans son bol, tout en jetant de brefs coups d'oeil à sa mère. L'homme gris porte la cuillère ridiculement petite et cela craque dans sa bouche. Zack lui met un coup de coude qui la fait voler puis rebondir sur le carrelage de la cuisine, le manche d'un côté, les dents de l'autre.

« C'est meilleur que les pigeons, hein ? »

L'homme gris avale le contenu du bol d'une seule goulée.

« Y a pas de plumes... »

Un silence se fait, rompu par Tennessee qui pouffe, puis éclate de rire, bientôt rejointe par Zack, tandis que les yeux de l'homme gris se promènent de l'un à l'autre.

L'homme gris ne sait pas ce qu'il fait là, mais il s'y sent bien, à sa place, pour la première fois qu'il s'est réveillé depuis son long sommeil.

 

Note de fin de chapitre:

Comme vous pouvez le constater, je pars vraiment dans des trucs bizarres :)

N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de l'homme gris, qu'est-il ?

A tout bientôt, j'espère publier le troisième chapitre dimanche maxi, j'ai commencé à l'écrire. L'histoire comptera 6 chapitres en tout.

J'espère que la lecture vous a été agréable :)

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