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Notes d'auteur :
Voici la seconde et dernière partie de mon premier original.
Une rafale de vent plus forte que les autres souleva la gavroche de Raphaël et l’adolescent ne la retint que de justesse du bout des doigts. Bien que l’heure fût matinale, les badauds commençaient à sortir et à animer les rues. Le ciel gris de plomb promettait probablement une belle averse. Son père le lui avait fait remarquer sèchement le matin même, alors qu’il se préparait avec une mauvaise volonté évidente. Il s’était plaint que son fils serait au sec et au chaud dans l’atelier de son oncle et non pas dehors à subir les averses printanières. Les quelques mots échangés par la suite s’étaient révélés blessants, injustes et Raphaël avait déguerpi avant que sa mère ne s’en mêle à son tour, pour rappeler la chance qu’il avait d’avoir été choisi par son oncle. Toujours la même rengaine. Pour sûr, il en entendrait parler le soir même.


L’été avait filé tel du sable dans ses mains. Les beaux jours s’étaient effilochés à se promener dans les rues bruyantes, animées et chaleureuses avec Ernest et Jean, et parfois d’autres enfants des quartiers avoisinants. Les trois garçons avaient flânés, joués et profités inconsciemment de leur été. Du dernier été de liberté de Raphaël. Leurs excursions les amenaient tantôt dans la haute ville, près du Palais de Justice ou du Théâtre mais le plus souvent sur le port ou les quais où les grands mâts et caravelles leur faisaient de l’ombre pendant qu’ils observaient avec les déchargements des caisses de tabac, d’épices, de sucre et de cacao. Vigilants, les membres des équipages ne les laissaient pas approcher et Petit Jean et lui avaient manqué de peu de subir la colère d’un marin à la peau tannée par le soleil. Un autre, plus maigrichon et borgne avait même été jusqu’à utiliser une lame usée , qui s’était planté pas très loin de Petit Jean. Raphaël lui-même n’était pas particulièrement fier quand ils avaient détalés . Mais plus que l’incident des deux marins belliqueux, c’était la proue du trois mât qui l’avait marqué. La plupart des avancées de bateaux étaient des corsaires, des sirènes, des êtres de conte et légende, humains, mi-homme ou animaux mythiques. Le buste de l’animal s’arrêtait au niveau de son coup, énorme. Son nez fin et allongé rappelait à Raphaël les becs des oiseaux pécheurs. Le garçon l’avait reconnue instantanément : c’était celui de sa gravure. Petit Jean lui avait soufflé le nom du mammifère avant même qu’il n’ait le temps de parler. Dauphin. L’animal avait un air rieur, joueur. Et Raphaël c’était dit qu’il devait faire bon de naviguer sous son emblème.

Raphaël n’avait pas revu Petit Jean et Ernest depuis l’Automne. Jean était sans doute retourné à l’école pour y terminer d’apprendre à lire et écrire. Ernest profitait sans doute d’une liberté partielle, aidant son père dans les diverses tâches d’entretien dont il avait la charge chez la famille du notaire.


« Tu es en avance Raphaël. Pour une fois ! Je commençais à désespérer de te voir devenir ponctuel !
– Bonjour Oncle Fernand, marmonna Raphaël.
– Bien, puisque que tu es matinal, je vais sans doute pouvoir te libérer plus tôt. Mais attention, que les taches que je te confie soit bien réalisées ! Sinon, tu peux dire adieux à ton après-midi de liberté.»

Raphaël ne s’en enthousiasma pas. Maintes fois, au cours des derniers mois, son oncle Fernand lui avait fait miroiter de longues plages de liberté. Le plus souvent, il se contentait de lui concédait une petite heure pour aller faire des courses, porter un message ou des commandes à des clients. Méticuleux, Fernand ne le lâchait jamais des yeux et inspectait la moindre tâche qu’il réalisait seul. Raphaël ne comprenait pas cette obsession du détail et ne faisait guère que le minimum pour satisfaire Fernand et ses parents. De même, la façon dont ses parents insistaient sur la supposée chance inouïe qu’il avait l’agaçait au lieu de l’amener à réfléchir. Il avait toute sa vie pour s’intéresser à l’ennuyeux métier de cordonnier, ou à un autre.


La matinée passa très lentement alors que Raphaël rafistolait plusieurs paires de chaussures. L’habitude aidant, même sans y mettre de la bonne volonté, le garçon s’appliquait plus sur ses menues tâches. Son oncle se montrait plus indulgent par la suite, plus patient à lui expliquer des choses plus techniques ou à lui confier la caisse du magasin. Dans ces moments-là, sans prendre goût à ce qui deviendrait son métier, Raphaël s’ennuyait moins, le temps de quelques heures. Fernand franchit la porte de l’arrière-boutique, deux assiettes de poisson frits à la main, accompagnés de quelques patates.
« Tu peux prendre ta pause, Raphaël. Travailler l’estomac
vide ne te réussiras pas ».


Sur un rebord de la table, il déposa les deux assiettes, avant de souffler sur ses doigts.
« Poisson frais et patates cuites Matilde m’a dit que c’était ton plat préféré. Les affaires marchent mieux en ce moment, on peut se le permettre.

– Merci, Oncle Fernand ! », s’écria Raphaël en salivant d’avance. »

Parfois, son oncle lui réservait de bonnes surprises.
Sitôt le repas terminé, Fernand examina son travail. Après ce qui parut être une longue attente, son oncle reposa la dernière botte.

« C’est plutôt convenable. Les chaussures sont usées pour la plupart et on ne peut pas faire de miracles. Je te remontrerai comment travailler le cuir, cependant. »
Son oncle continua de marmonner et se rappelant soudain de sa promesse, Raphaël l’interrompit.

« Si c’est bon, je peux sortir ? T’avais promis !
– Oui, ton après-midi de liberté. Et bien chose promise, chose due, Raphaël ! Tu peux y aller. »

**************************************
« Raphaël ! Raphaël ! »

Le garçon pivota sur lui-même à la recherche de la voix qui l’avait haranguée. Le garçon filait vers le port, dans l’espoir de goûter un peu de bière dans l’une des tavernes près du port. La voix lui était familière mais l’adolescent n’avait pas revu l’un de ses amis depuis si longtemps qu’il craignait de se méprendre sur le propriétaire de la voix. Un garçon brun et trapu manqua de le renverser en venant à sa rencontre.

« Ernest ! Crénom ! Qu’est-ce que tu fais là ?

– Ça fait des lustres Raphaël ! Petit Jean ne me croira pas, quand je lui raconterai ça ! Tu deviens quoi ?»

Raphaël lui raconta les disputes fréquentes avec ses parents, son oncle trop méticuleux et l’ennui que lui inspirait souvent son apprentissage. Ce à quoi Ernest répliqua que lui au moins, avait à manger tous les soirs dans son assiette.

« Chez le notaire, il y a pas assez de travail pour moi et mon père. Du coup, je suis obligé d’aller ailleurs le plus souvent et ce n’est pas facile de garder une place. Puis le maître à dit que comme Petit Jean est très intelligent, il doit aller au collège. Mais crénom, c’est cher ! Et maintenant, mes parents essayent d’économiser pour lui. Alors c’est pas facile de manger à notre faim tous les soirs… »

Les deux garçons échangèrent encore un peu leurs déboires. Gêné qu’Ernest insiste tant sur ces difficultés quotidiennes, il lui proposa de partager sa fortune du jour. D’un commun accord ils rentrèrent dans la « Licorne des mers », une des tavernes qui les avaient tant marqués durant leurs jeunes années. L’homme soupçonneux qui gardait l’entrée les laissa passer quand Raphaël entrouvrit sa bourse. Désormais plus joyeux, Ernest lui rapporta les ragots de sa rue, les pitreries de Petit Jean. Raphaël lui parla des clients les plus originaux qu’ils pouvaient voir et des manies de son oncle, tantôt agaçantes, tantôt drôles. Soudain Ernest lui tapota l’épaule, l’interrompant dans son récit.

« Raphaël ! Les deux gaillards , là-bas, ce sont ceux qui nous ont mis une débandade cette été. Tu sais, le vieux bougre, avec son couteau ! «L’Heureuse Marianne » a dû débarquer avec les vents de printemps !
– T’as bigrement raison ! Tiens, le vieux à une nouvelle cicatrise sur le nez !
– Il l’avait déjà l’autre jour ! T’étais trop à surveiller ses mains voilà tout ! », ricana Ernest.

Les deux garçons se disputèrent un instant et se turent quand l’homme à la peau tannée par le soleil et l’homme au couteau s’installèrent non loin d’eux. L’homme bronzé avait un fort accent et le vieux marin une voix grinçante, mais les deux garçons saisirent l’essentiel de leur discussion : L’Heureuse Marianne repartirait une semaine plus tard et ils avaient besoin de mousses en toutes urgences. Raphaël vit clairement une lueur de défi pétiller dans les yeux presque noirs d’Ernest et lui-même en eut des palpitations en s’imaginant au bord de « l’Heureuse Marianne » et de sa proue à l’effigie du dauphin. La voix d’Ernest le tira de ses rêveries :
« Raphaël, on tente notre chance ? Toi tu pourras te tirer de chez ton oncle et moi j’aurais un vrai gagne-pain ! »


Convaincre l’homme à la peau tannée, Abed, et le marin borgne, Augustin, de « L’Heureuse Marianne » ne fut pas facile mais finalement le robuste barbu et son acolyte avaient acceptés, ils avaient besoin de jeunes recrues pour accomplir les sales besognes. L’air déterminé d’Ernest et les yeux brillants d’excitation de Raphaël achevèrent de les convaincre lors de la seconde tentative. Le premier essai avait été catastrophique, Ernest l’ayant pris au dépourvu quand il lui avait assuré vouloir tenter sa chance. Son ami ne lui avait pas laissé le temps de la réflexion et l’avait entrainé sur les quais. Raphael s’était retrouvé à bégayer, intimidé par le regard septique d’Augustin et d’Abed. Le lendemain, lui et Ernest retentaient leur chance.


Confronté à la réalisation de son désir le plus cher, Raphaël ne put dans un premier temps qu’émettre des protestations sur les sanctions qu’il l’attendait et la déception de ses parents. Ernest l’avait alors traité de lâche. La discussion s’était envenimée, mais après une nuit à réfléchir et une journée passablement mauvaise à l’atelier de son oncle, Raphaël se décida. Il ferait tout pour partir. Pour quitter son quotidien morne, son oncle trop méticuleux, ses parents trop soucieux de son avenir. Tous, ils seraient fiers quand « l’Heureuse Marianne » reviendrait d’ici plusieurs mois. Parce qu’il aurait réalisé son rêve tout seul, et aurait prouvé qu’il pouvait aller au bout de ses projets. Puis Ernest serait avec lui, alors, à eux deux, ils braveraient tous les dangers.


Le matin du départ, Raphaël embarqua avec son mince baluchon. A Matilde, sa mère, il prétexta de craindre de devoir dormir chez Fernand, comme cela était déjà arrivé. Sa mère n’insista pas et son père ne répondit pas à son adieu. Raphaël en eut un pincement au cœur, il aurait voulu autre chose, un souvenir plus vivace à garder de ses parents quand il serait loin en mer. Mais peut-être n’aurait-il pas supporté de les voir aussi aimant et affectueux qu’avant l’Automne, du temps où ils ne misaient pas trop sur lui et qu’ils l’aimaient plus simplement. Ernest l’attendait un peu plus haut dans sa rue et les deux garçons filèrent en direction des quais.




L’Heureuse Marianne ne partait que tard dans la matinée mais une fois à bord, personne n’irait les y chercher.
Enfin, alors que onze coups sonnaient quelques part dans la ville, le marin borgne commença à donner des instructions à l’équipage pour qu’il largue amarres et voiles. Restés accoudés sur la rambarde du trois mâts, les deux garçons ne purent profiter longtemps du spectacle de leur ville natale s’éloignant. La voix d’Augustin les apostropha trop tôt à leur goût pour qu’ils aillent aider à la mise en cale des vivres encore entreposés sur le pont. Quand ils eurent fini, Bordeaux était déjà loin, dans leur champ de vision, l’horizon bleu et infini derrière eux. Le vieux marin borgne à la voix rauque, Augustin, constatant que le départ s’était bien déroulé, les autorisa à rester posés là.


« La maison est derrière,
le monde est devant.
Nombreux sentiers ainsi je prends… », chantait Raphaël tout en tournant son regard vers la haute mer.

« Raphaël, cesse de te prendre pour un goéland et termine plutôt de nettoyer le ponton ! Et puis ensuite tu vas nous rafistoler quelques paires de chaussures ! ordonna Abed, le marin à la peau tannée.
– Mais on m’avait dit que j’irais ranger les cales avec Ernest ! protesta Raphaël, lassé de devoir recommencer la même besogne que sur la terre ferme.

– Discute pas et fait ce que je te dis ! menaça Abed , à qui le capitaine avait délégué la tâche d’encadrer l’équipage. Sinon, je te donne le double de travail ! »
Raphaël ne put s’empêcher de rouspéter mais le regard noir que lui asséna Abed réduisit en silence ses protestations. Contrairement à Augustin, Abed ne lui inspirait toujours pas de sympathie et il prenait un plaisir évident à le séparer de son camarade. Augustin les mettait ensemble, considérant que le travail serait mieux effectué si ses mousses y mettaient tout leur cœur.


Raphaël s’exécuta et donna encore quelques coups énergiques sur le bois. L’air marin était encore frais alors que l’Heureuse Marianne était, selon les officiers, à mi-chemin des Antilles. S’ils ne subissaient pas de nouvelles perturbations ou tempêtes, ces derniers avaient bon espoirs d’arriver dans les délais à destination et de satisfaire les exigences de l’armateur. La météo des premiers jours s’était révélée instable et Ernest et lui avaient passés presque une semaine, couchés et malades dans la Sainte Barbe, malmenés par les rafales et les vagues, incapable d’avaler quoi que ce soit de solide. Raphaël avait fini par s’adapter, bien qu’Ernest avait toujours un teint un peu pâle. Passé les jours d’adaptation, Raphaël s’était délecté du spectacle de la mer et de la sensation de filer sur l’eau, au gré du vent. L’adolescent avait encore du mal à se convaincre qu’il vivrait enfin les aventures que tant de voyageurs avaient racontés.


Une petite routine c’était alors vite installée, entre les tâches, les jeux de dés ou d’échecs avec les membres de l’équipage, les repas qui étaient toujours les mêmes et les nuits agitées dans les branles qui leur servaient de couche. Mais malgré les menaces et réprimandes d’Abed, les rappels à l’ordre d’Augustin, Raphaël gardait un bon souvenir de ce premier mois de navigation. D’abord émerveillé de vivre son rêve, le garçon attendait à présent avec impatience d’atteindre les Antilles. Jugeant le ponton nettoyé, Raphaël se hâta de filer là où l’exigeait Abed. En se dépêchant, il pourrait rejoindre Ernest, l’aider à terminer ses tâches et lui proposer une nouvelle partie de dés, pour prendre sa revanche.

Il passa devant le charpentier et un autre marin, en grande discussion sur la solidité d’un des huniers. Raphaël avait entendu le charpentier confier ses doutes à Abed sur l’éventuelle fragilité du hunier en question et souhaitait profiter d’une accalmie en mer pour le solidifier de nouveau et assurer une meilleure prise à la voile. Raphaël se fit la réflexion, un peu tristement, que son père aurait apprécié le caractère prévenant et méticuleux du charpentier.

« Raphaël, tu tombes bien ! l’interpella le cuisinier, en promenade sur son chemin, Augustin te cherche. Il veut te montrer quelque chose. Il t’attend avec Ernest à la poupe.
–Tu ferais bien de te dépêcher, jeune homme, renchérit le chirurgien. Ces petits galopins ne vont pas vous attendre toute la journée !
– Qui ne va pas m’attendre toute la journée ? C’est quoi toutes ces cachoteries ! Puis Abed m’a donné une nouvelle corvée à faire. J’pourrais pas…
– Oublie Abed, lui aussi, il adore les regarder. Ça serait de la mauvaise foi de sa part de vous priver de ce spectacle.
– Et demande à Ernest de passer me voir, tout à l’heure, précisa le chirurgien. J’aimerais voir comment il va depuis l’autre jour. »


Las de tous ces mystères, Raphaël continua sa marche en direction de la poupe, surveillant ses arrières. La confiance des deux hommes quant à l’indulgence d’Abed ne l’atteignait pas. Si Abed se montrait intraitable, il n’avait pas la tolérance de son oncle face à sa distraction naturelle ou à ses écarts de conduites. Fernand et ses parents lui manquaient, malgré les nombreuses aventures et occupations à bord de l’Heureuse Marianne. Le fait de naviguer et de se sentir plus libre qu’il ne l’avait jamais été n’empêchait pas qu’il pensa parfois tristement à eux. Ils devaient s’inquiéter à son sujet mais Raphaël était sûr que s’ils leur ramenaient des trophées de son épopée, ils lui en voudraient un peu moins et approuveraient qu’il reparte sur l’océan.

« Raphaël ! Grouille-toi ! Tu vas tout arrêter ! »

L’excitation dans la voix d’Ernest mit fin à ses réflexions et Raphaël pressa le pas. Ernest et Augustin n’étaient pas les seuls à s’être attroupés. Six autres des membres de l’équipage était aussi présents. Avec un sourire narquois, Raphaël imagina la tête du tyrannique Abed quand il verrait le quart de son équipage ainsi attroupé, flânant le nez en l’air. D’un geste un peu brut, Augustin l’amena vers lui.

« Fais un peu de place au gamin, Roland ! Il ne va rien voir sinon !

– Te voir demander quelque chose gentiment est un luxe, bougonna le concerné. Profite du spectacle, le gosse. On n’a pas l’occasion de les voir tous les jours !

– Voir quoi ? s’impatienta Raphaël. Tout le monde me fait des mystères !

– Tais-toi et approche donc ! », renchérit Ernest, avec son sourire de la chance, conséquences d’une bagarre avec un matelot à peine plus âgés que lui, quelques jours plus tôt.

L’incident et le manque de réactivité de son ami avait surpris Raphaël, habitué à voir Ernest battre des adversaires bien plus grands ou robustes que lui. Il se pencha comme les autres.

« Crénom ! s’écria t’il en découvrant le spectacle. Ils sont encore plus beaux en vrai que dans ce que tu racontes, Augustin ! Même la proue, elle est pas aussi belle !

– T’as vu ça, Raphaël, des dauphins. Des vrais ! s’extasia Ernest. Petit Jean serait jaloux s’il savait ! Ce n’est pas ceux des gravures du pécheur ! »


Les six mammifères survolaient la surface de l’eau chacun à leur tour, dans un magnifique ballet, arborant une couleur grise éclatante sous le soleil. Sur leur robe brillante se reflétait le ciel. Ils filaient et sautaient hors de l’eau, comme pour concurrencer la vitesse du bateau. Le garçon se pencha un peu plus en avant pour mieux les voir. Fins, avec leur nageoire dorsale et leur nez élégants, il ne se lassait pas de les voir bondir hors de l’eau.

« On les voit plus tôt que ça, d’habitude ? questionna Roland.

– Je dirais plutôt qu’ils sont en avance cette année », démentit Augustin.

Raphaël joua des coudes pour se coller à Ernest. Celui-ci souriait à pleines dents et cela fit plaisir au garçon de le voir les joues rosées par la bonne humeur. Ernest trainait toujours son mal de mer et ne semblait pas avoir le pied marin. Mais il mettait du cœur à exécuter ses tâches et Augustin lui avait assuré qu’il n’abonnerait pas Ernest à la première escale. Et lui non plus d’ailleurs.

« Dire que si t’avais obéit à Abed, t’aurais loupé ça ! Ils ont l’air si joyeux qu’on se demande ce qui les met d’aussi bonne humeur.
– Ils ont aucune responsabilité, pardi ! C’est ça qui les rend si contents, répondit Raphaël. Je ne pensais pas qu’ils étaient si rapides.
– Il va faire une de ces têtes, Abed, quand il va nous voir à rien faire, pouffa Ernest. On est bon pour des corvées supplémentaires !
– Dispersion les gars, ordonna Augustin. Le spectacle est terminé ! Nos petits copains reviendront sans doute demain. »


Raphaël soupira de concert avec les autres, et à contre cœur, repensa aux tâches qui l’attendait. Les dauphins, eux, avaient de la chance : ils étaient libres d’aller où ils souhaitaient sans contraintes. Mais lui aussi, à sa façon, avait sa part de liberté. Chaque matin et chaque soir, la mer lui offrait le spectacle de son infinité et de ses dégradés de bleus, de gris et de vert. Chaque jour, il se sentait plus libre qu’il ne l’avait jamais été.
Note de fin de chapitre:
Et voilà, c'est terminé! J'espère que vous aurez aimé. Je suis ouverte à toutes commentaires ou critiques constructives.

Un grand merci à Lili pour sa correction et ses suggestions.

La chanson chantée par Raphaël est extraite du " Retour du Roi". C'est celle de Pipin.

En écrivant cet originale, j'étais parti sur l'idée de parler du commerce triangulaire à Bordeaux au XVII et XVIIIe siècle. Une bonne base est documentée ( mes anciens cours de la fac d'Histoire, des articles avec biographies) mais je me suis permise des libertés.

Ma contrainte surprise était: un animal marin doit être au centre de l'histoire"
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